LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était salarié de la société Régional intérim, son contrat de travail comportant une clause de non-concurrence aux termes de laquelle il s'interdisait de participer, s'associer, s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise exerçant une activité de travail temporaire pendant une durée d'un an à compter de la date de la rupture ; qu'après la démission de M. X..., le 6 juin 2006, la société C2T Recrutement, dont il était le gérant et actionnaire, a entrepris, le 17 juillet de la même année, une activité de recrutement et de travail temporaire ; que, lui reprochant d'avoir méconnu la clause de non-concurrence, la société Régional intérim a assigné la société C2T Recrutement en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que la société C2T Recrutement fait grief à l'arrêt de dire qu'en collaborant avec M. X..., elle a engagé sa responsabilité au préjudice de la société Régional intérim et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à affirmer que la société C2T Recrutement exerçait déjà une activité de travail intérimaire lorsque, le 20 janvier 2007, elle avait étendu officiellement son objet à cette activité, sans répondre aux conclusions d'appel récapitulatives de cette société faisant valoir que son objet initial était le recrutement et non l'intérim, et que les clauses de non-concurrence étant d'interprétation stricte, l'activité de recrutement ne pouvait être assimilée à celle d'intérim, qui sont deux activités distinctes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en omettant de répondre aux conclusions d'appel récapitulatives de la société C2T Recrutement faisant encore valoir que le tribunal de commerce ne pouvait retenir un taux de marge brute de 10 %, dès lors que les services officiels, qui établissent les statistiques dans les activités de service, avaient relevé un taux de marge très faible, à peine supérieur à 3 %, dans l'activité de travail temporaire, pendant la période la plus proche des faits litigieux, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société C2T Recrutement exerçait déjà une activité d'intérim avant de la déclarer officiellement, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions relatives à l'activité de recrutement, que ses constatations rendaient inopérantes ;
Et attendu, d'autre part, que c'est souverainement que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a apprécié le préjudice subi par la société Régional intérim ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société C2T Recrutement à payer des dommages-intérêts à la société Régional intérim, l'arrêt retient que celle-ci justifie de la perte momentanée d'une quarantaine de salariés intérimaires, approchés par M. Philippe X... et la société C2T Recrutement, ce qui a entraîné une perte de chiffre d'affaires de 1 400 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, la société C2T Recrutement contestait les prétentions de la société Régional intérim en faisant valoir qu'elle ne justifiait pas de ses allégations, la cour d'appel, qui n'a pas indiqué sur quels éléments de preuve elle se fondait, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société C2T Recrutement à payer à la société Régional intérim la somme de 140 000 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Régional intérim aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société C2T Recrutement la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société C2T Recrutement.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société C2T Recrutement (Awel Intérim), en collaborant avec M. Philippe X..., avait engagé sa responsabilité au préjudice de la société Régional Intérim, et condamné la société C2T Recrutement à payer à cette dernière la somme de 140.000 €, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE par lettre du 6 juin 2006, Philippe X... donnait sa démission à la SAS C2T Recrutement lire : Régional Intérim qui déclarait maintenir son obligation de non-concurrence et acceptait sa demande de dispense de préavis les 8 juin et 20 juillet suivants. Que le 17 juillet 2006 commençait l'activité d'une SAS C2T Recrutement sous l'enseigne Awel Intérim animée par son gérant Philippe X... et dont le siège était à Rennes avec pour objet ressources humaines et toutes activités de Recrutement et d'hébergement d'offres et de demandes d'emploi en ligne, activité d'entreprise de travail temporaire ; que le capital de cette société était détenu à 33,3% par Philippe X... et 56,6% par la SAS Tréhorel sise à Saint-Brieuc et secondairement à Lannion, ayant elle-même pour objet le travail temporaire et le recrutement sous les enseignes Acto Intérim et Acto Recrutement ; Que par arrêt du 5 mars 2011, la cour a validé la clause de non-concurrence et condamné Philippe X... à payer à la SAS Régional Intérim son ancien employeur une indemnité de 15.000 € pour sa violation ; que cette décision est frappée d'un pourvoi ; Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que Philippe X... a diffusé auprès de l'ANPE une offre pour le compte d'Acto Recrutement l'une des enseignes de la SAS Tréhorel, associée majoritaire de la SAS C2T Recrutement animée par lui-même et qu'il a ainsi méconnu son obligation de non-concurrence qui lui interdisait notamment dans les départements 22, 35 et 56 de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ou groupe d'entreprises exerçant en tout ou partie une activité de travail temporaire ; que d'ailleurs dès le 20 janvier 2007 c'est-à-dire pendant l'année d'interdiction, la SAS C2T Recrutement étendait officiellement son objet à l'activité intérimaire en réalité déjà exercée ; que cette dernière ne saurait davantage se prévaloir du non versement de la contrepartie financière prévue dans cette clause alors précisément qu'en raison de la violation constatée elle était indue. Considérant que la SAS C2T Recrutement ne peut sérieusement nier avoir eu connaissance en la personne de Philippe X... son gérant de l'obligation de non-concurrence imposée à celui-ci par le contrat de travail conclu avec la SAS Régional Intérim ; qu'elle a engagé sa responsabilité en permettant sciemment à Philippe X... qu'elle savait tenu par une clause de non-concurrence de déployer une activité de travail temporaire au mépris de celle-ci. Que la SAS Régional Intérim justifie de la perte momentanée d'une quarantaine de salariés intérimaires approchés par Philippe X... et la SAS C2T Recrutement ; qu'il doit toutefois être observé que s'agissant d'intérims le temps plein n'est pas la règle et que le préjudice ne réside pas dans le salaire mais dans la perte de gain subi ; qu'en fixant le préjudice à 140.000 € tenant compte du chiffre d'affaires perdu (1.400.000 €) et du ratio de profit (10%) les premiers juges, dont la décision sera entièrement confirmée, ont sainement apprécié ;
1) ALORS QU'en se bornant à affirmer que la société C2T Recrutement exerçait déjà une activité de travail intérimaire lorsque, le 20 janvier 2007, elle avait étendu officiellement son objet à cette activité, sans répondre aux conclusions d'appel récapitulatives de cette société faisant valoir que son objet initial était le Recrutement et non l'intérim, et que les clauses de non-concurrence étant d'interprétation stricte, l'activité de recrutement ne pouvait être assimilée à celle d'intérim, qui sont deux activités distinctes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel récapitulatives, la société C2T Recrutement contestait la perte d'une quarantaine de salariés intérimaires alléguée par la société Régional Intérim et faisait valoir que cette société ne produisait au débat aucun élément de nature à justifier ses allégations ; qu'elle ajoutait que durant son premier exercice clos le 30 novembre 2007, qui avait duré près de 18 mois, elle avait seulement réalisé un chiffre d'affaires de 861.019 € ; qu'en se bornant pourtant à affirmer que la société Régional Intérim justifiait de la perte momentanée d'une quarantaine de salariés intérimaires approchés par M. Philippe X... et la société C2T Recrutement, ce qui avait entraîné une perte de chiffre d'affaires de 1.400.000 €, sans indiquer sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, violant ainsi ledit article ;
3) ALORS QU'en tout état de cause, en omettant de répondre aux conclusions d'appel récapitulatives de la société C2T Recrutement faisant encore valoir que le tribunal de commerce ne pouvait retenir un taux de marge brute de 10%, dès lors que les services officiels, qui établissent les statistiques dans les activités de service, avaient relevé un taux de marge très faible, à peine supérieur à 3%, dans l'activité de travail temporaire, pendant la période la plus proche des faits litigieux, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile.