LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2014), que Mmes X... et Y... ont constitué le 4 août 2000 la société civile immobilière SBE (la SCI), dont le capital est réparti par moitié entre elles et dont elles sont cogérantes ; que la SCI a contracté un prêt, soldé depuis le 31 août 2010, pour acquérir un bien immobilier aux fins de location ; que, soutenant n'être ni informée ni consultée sur les décisions sociales prises par Mme X... et être privée des comptes et de revenus tirés de l'activité de la société, Mme Y... a assigné la SCI et Mme X... aux fins de dissolution anticipée de la société ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la disparition de l'affectio societatis, même entre deux associés égalitaires, ne pouvait constituer un juste motif de dissolution qu'à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société et relevé que Mme Y... n'alléguait pas avoir pris d'initiative pour pallier l'absence de convocation d'assemblées générales et ne rapportait la preuve ni de prélèvements indus ni d'une sous-évaluation manifeste du loyer commercial, que Mme X... versait un tableau attestant de la répartition égalitaire des bénéfices entre les deux associés, ainsi que la déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur le revenu, établie, à l'occasion de chaque exercice fiscal, par un expert-comptable, que Mme Y... avait reçu, en 2010, une reddition de l'ensemble des comptes de gestion depuis le mois d'août 2007 et l'intégralité des relevés du compte bancaire ouvert au nom de la SCI pour les années 2009 à 2011, dont il résultait que la société n'avait plus à supporter la charge de l'emprunt contracté pour l'acquisition du seul bien loué dans des conditions conformes au marché, que la situation comptable était bénéficiaire, que la SCI remplissait ses obligations sociales et fiscales, n'ayant aucun passif, disposant de comptes bancaires créditeurs et n'ayant, en l'état, à gérer qu'un bail commercial se poursuivant sans difficulté, la cour d'appel, qui a retenu que la seule défiance manifestée par Mme Y... à l'égard de Mme X... ne caractérisait pas, faute de paralysie démontrée, le juste motif de dissolution anticipée de la société, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à verser la somme globale de 3 000 euros à Mme X... et à la SCI SBE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à la Cour d'appel de Paris, d'avoir, infirmant le jugement entrepris, débouté Mme Y... de sa demande en dissolution anticipée de la SCI SBE ;
AUX MOTIFS QUE jusqu'en 2009, la SCI qui n'est propriétaire que d'un seul bien immobilier à usage de local commercial, n'a perçu aucun revenu, les loyers du bail commercial initialement consenti à une société La Zucca ayant été intégralement affectés au remboursement de l'emprunt destiné à financer l'acquisition, le prêt ayant été définitivement soldé le 31 août 2010 ; qu'il est justifié que la comptabilité est tenue, la gestion de la location du local appartenant à la sci ayant été confiée, depuis l'année 2009, à un agent immobilier extérieur, le cabinet Walter Wainstock Immobilier, auquel Mme Y... s'adresse pour vérifier les comptes, lesquels sont au demeurant accessibles en ligne aux deux associées qui disposent, chacune, d'un code d'accès depuis le cadre internet de cet agent ; que s'agissant de la répartition des bénéfices, Mme X... verse au débat un tableau récapitulatif attestant de la répartition égalitaire entre les deux associées (22.500 € chacune depuis le mois de mai 2009) ainsi que la déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur le revenu (formulaire n° 2072) qui est établie, à l'occasion de chaque exercice fiscal, par un expert-comptable, lequel l'adresse à l'intimée, le document extrait dudit formulaire lui permettant d'établir sa propre déclaration ; que Mme Y... ne conteste pas avoir reçu en 2010, soit avant l'engagement de la présente instance, une reddition de l'ensemble des comptes de gestion depuis le mois d'août 2007, l'intégralité des relevés de compte bancaire ouvert au nom de la sci pour les années 2009, 2010, 2011 étant de surcroît versée au débat sans susciter de discussion de sa part, à l'exception d'une somme de 5.000 € prélevée le 5 mai 2009 sur le compte bancaire qui ne lui paraît pas suffisamment justifiée ; mais il sera relevé sur ce point que Mme Y... ne justifie pas avoir interrogé sa demi-soeur sur la cause de ce prélèvement et qu'elle a renoncé en cause d'appel à exercer l'action ut singuli de ce chef ; qu'en cet état le grief de prélèvements indus n'est pas établi ; que Mme Y... ne saurait imputer l'absence de convocation d'assemblée générale à faute à Mme X... alors qu'elle est, elle-même, cogérante et ne justifie ni n'allègue avoir pris en cette qualité aucune initiative propre à pallier cette carence ; qu'enfin la sous-évaluation manifeste alléguée du loyer commercial n'est nullement étayée, alors qu'il est constant que le premier locataire a cédé le fonds de commerce à une société Le chapelier Fou, le projet d'acte de cession ayant été adressé à Mme Y... qui a autorisé Mme X... à signer en son nom, de sorte que la première ne saurait soutenir que l'opération se serait déroulée à son insu, la sci ayant consenti un nouveau bail de neuf ans qui a commencé à courir le 1er janvier 2006 moyennant un loyer annuel en principal de 10.800 € dont il n'est nullement établi qu'il serait inférieur au prix du marché ; que les premiers juges ont néanmoins retenu que les griefs ainsi articulés, l'existence même de ce contentieux, l'échec d'une tentative de médiation durant l'instance, comme le climat de défiance entre associées, de même que l'éloignement géographique de Mme Y..., laquelle réside à Lyon, ne peut qu'entretenir, révélaient la disparition de tout affectio societatis et exposait la société à un risque de paralysie ; que la disparition de l'affectio societatis, même entre deux associées égalitaires, ne suffit pas à justifier la dissolution d'une société, il faut encore que la mésentente entre associés paralyse le fonctionnement de celle-ci, la charge de cette preuve incombant à celui qui se prévaut de ce motif de dissolution ; que la preuve d'une telle paralysie n'est pas rapportée par l'intimée qui laisse sans réplique les observations de l'appelante, laquelle fait valoir que la société n'a plus à supporter la charge de l'emprunt contracté pour l'acquisition, que le bien est loué dans des conditions conformes au marché, que la situation comptable est bénéficiaire, la SCI remplissant ses obligations sociales et comptables, n'ayant aucun passif, disposant de comptes bancaires créditeurs et n'ayant, en l'état, à gérer qu'un bail commercial qui se poursuit sans difficulté ; que la seule défiance manifestée par Mme Y... à l'égard de Mme X..., laquelle serait aisément susceptible d'être surmontée, ne caractérise pas, faute de paralysie démontrée, le juste motif de dissolution anticipée de la société ;
1/ ALORS QU'en présence de la mésentente entre les deux seules associés égalitaires d'une société civile immobilière, toutes deux co-gérantes, ayant eu pour cause et pour effet de faire prendre unilatéralement les décisions par l'une d'entre elles, en dehors de toute assemblée délibérative régulièrement constituée, et d'une mésentente ayant atteint une gravité telle qu'elle avait abouti à la disparition de tout affectio societatis entre les associées, disparition confirmée par l'échec de la médiation judiciaire ordonnée en première instance, la dissolution anticipée de la société civile immobilière pouvait être ordonnée, la mésentente ayant paralysé la société ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil ;
2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'après avoir constaté que la mésentente entre les deux seules associés égalitaires d'une société civile immobilière, toutes deux co-gérantes, avait eu pour effet de faire prendre unilatéralement les décisions par l'une d'entre elles et que ladite mésentente avait atteint une gravité telle qu'elle avait abouti à la disparition de tout affectio societatis entre les associées, disparition confirmée par l'échec de la médiation judiciaire ordonnée en première instance, la cour d'appel invitée à prononcer la dissolution anticipée de la société civile immobilière, devait rechercher si le recours sur une longue durée à une gestion de fait par l'une des associées et co-gérante révélait la paralysie la société ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1844-7 du code civil ;
3/ ALORS QUE la comptabilité d'une société civile immobilière, s'entend à tout le moins de la comptabilité de trésorerie prévue par les articles 1855 et 1856 du Code civil ; que pour dénier la paralysie de la personne morale, la cour d'appel a considéré « qu'il est justifié que la comptabilité est tenue, la gestion de la location du local appartenant à la sci ayant été confiée, depuis l'année 2009, à un agent immobilier extérieur, le cabinet Walter Wainstock Immobilier, auquel Mme Y... s'adresse pour vérifier les comptes, lesquels sont au demeurant accessibles en ligne aux deux associées qui disposent, chacune, d'un code d'accès depuis le cadre internet de cet agent » ; qu'en assimilant à la comptabilité obligatoire d'une société civile immobilière, le compte de gestion de l'administrateur de son bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés.