LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail, ensemble l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable ;
Attendu que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que selon le deuxième des textes susvisés, le salarié demandant son départ à la retraite respecte un préavis dont la durée est déterminée conformément à l'article L. 1234-1 du code du travail ; que selon le dernier de ces textes, le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial de retraite et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé en Conseil d'Etat ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ; qu'il en résulte que lorsqu'un salarié a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis dont l'exécution a été suspendue pendant la durée de l'arrêt de travail consécutif à un accident du travail n'est susceptible d'aucun report ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 26 août 1977 par la société les Cars Hourtoule en qualité de conducteur receveur ; que, par courrier reçu le 3 juin 2005 par l'employeur, il a avisé ce dernier qu'il entendait faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre suivant ; que le 15 juillet, il a été victime d'un accident de travail et a été placé en arrêt de travail ; que, le 1er septembre 2005, son employeur l'a fait passer du statut de salarié à celui de retraité ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes pour mise à la retraite nulle, l'arrêt retient, après avoir constaté que le salarié avait, en juin 2005, notifié, sans aucune ambiguïté, à l'employeur sa volonté de quitter l'entreprise au 1er septembre 2005, pour faire valoir ses droits à la retraite, que l'accident de travail dont il avait été victime le 15 juillet 2005 avait suspendu son contrat de travail ce dont il résultait qu'en faisant passer le salarié au statut de retraité le 1er septembre 2005, l'employeur devait être considéré comme l'ayant mis d'office à la retraite, peu important le souhait émis par le salarié antérieurement à l'accident et que cette mise à la retraite doit être déclarée nulle, en application des dispositions de l'article L. 122-32-2, devenu l'article L. 1226-9 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail résultait d'une volonté claire et non équivoque du salarié de partir à la retraite le 1er septembre 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties suivant l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 23 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles du 4 juin 2013 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Cars Hourtoule.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société CARS HOURTOULE à verser à Monsieur X... les sommes de 20.963,20 € à titre d'indemnité légale de licenciement et 31.445 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et 3.000 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ;
AUX MOTIFS QU' « Aux termes de la lettre adressée en juin 2005 à l'employeur par M. X..., libellée ainsi qu'il suit: "Je vous informe que j'ai décidé de faire valoir mes droits à la retraite à compter du 1er septembre 2005", il ressort, sans aucune ambiguïté, que ce dernier a exprimé sa volonté de quitter l'entreprise à cette date. Cette démarche ayant consisté pour M. X... à prendre, le premier, l'initiative de la rupture de la relation de travail, s'analyse en une résiliation unilatérale du contrat de travail produisant les effets d'une démission et nécessitant le respect, par l'intéressé d'un délai de préavis de deux mois. Il n'est pas contesté que M. X... n'a pas exécuté la totalité de son préavis en raison de l'accident de travail dont il a été victime le 15 juillet 2005 et que son contrat de travail s'est trouvé suspendu à compter de cette date. Or en application des dispositions de l'article R 4624-21 du code du travail, lorsque le salarié qui a donné sa démission est victime d'un accident du travail en cours de préavis, le contrat de travail est suspendu durant l'arrêt de travail jusqu'à la visite de reprise, visite qui, en l'espèce, n'a jamais eu lieu. Il s'ensuit qu'en faisant passer M. X... du statut de salarié à celui de retraité le 1er septembre 2005 et en rompant les relations de travail avec ce dernier pendant une période de suspension consécutive à un accident du travail, sans procéder à un report de la date de prise d'effet de la retraite, la société Les Cars Hourtoule doit être considérée comme ayant mis d'office M. X... à la retraite le 1er septembre 2005 et ainsi résilié unilatéralement le contrat de travail, peu important que le salarié ait émis le souhait, avant l'accident, d'être en retraite. Cette mise à la retraite doit être déclarée nulle en application des dispositions de l'article 122-32-2 devenu L1226-9 du code du travail et produire les effets d'un licenciement ouvrant droit à indemnisation dès lors que le salarié ne réclame pas sa réintégration. Concernant l'indemnité légale de licenciement sollicitée par M. X..., il conviendra de la fixer à 20.963,20 et d'ordonner en tant que de besoin la compensation de cette somme avec celle de 6.905,20 € versée au salarié au titre de l'indemnité de départ à la retraite, ces deux types d'indemnisation ne pouvant se cumuler. L'indemnité compensatrice de préavis de deux mois n'est pas due au salarié celui-ci ayant été indemnisé au titre de ses jours d'arrêt de travail jusqu'au 1er septembre 2005 puis ensuite au titre de sa pension de retraite. Eu égard à l'ancienneté de 28 ans dont justifie M. X... au sein de la société Les Cars Hourtoule et alors que toute rupture illicite de la relation de travail crée nécessairement un préjudice au moins moral au salarié qui en est victime, il lui sera alloué la somme de 31 445 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive. Eu égard à la disparité de la situation économique des parties, il sera alloué à M. X..., une somme que l'équité commande de fixer à 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la date de la rupture du contrat de travail est celle à laquelle son auteur a manifesté la volonté de quitter l'entreprise, c'est-à-dire à la date d'envoi du courrier notifiant à l'employeur la rupture de son contrat de travail ; que le non-respect des règles relatives au déroulement du préavis n'est pas susceptible de remettre en cause la nature et le régime de la rupture du contrat de travail ; que si, lorsque le salarié est victime d'un accident du travail à la suite d'une démission, l'exécution du préavis est suspendue, l'éventuelle méconnaissance de ses obligations par l'employeur n'a pas pour effet de requalifier la démission exprimée de manière claire et non équivoque antérieurement à l'accident en un licenciement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'« aux termes de la lettre adressée en juin 2005 à l'employeur par M. X..., libellée ainsi qu'il suit : « Je vous informe que j'ai décidé de faire valoir mes droits à la retraite à compter du 1er septembre 2005 », il ressort sans ambigüité que ce dernier a manifesté sa volonté de quitter l'entreprise à cette date » (arrêt p. 2) ; qu'en considérant néanmoins que le fait pour la société CARS HOURTOULE de ne pas avoir procédé à un report de la prise d'effet de la retraite à la suite de la suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail au cours du préavis devait s'analyser en une mise à la retraite produisant les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L. 1226-7, 1237-1, L. 1237-4, L. 1237-5, L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si le préavis de démission est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par un accident du travail survenu postérieurement à la décision du salarié de rompre le contrat de travail, il n'en va pas de même en cas de départ à la retraite lorsque le salarié manifeste la volonté de cesser définitivement son activité professionnelle et accomplit auprès des organismes de sécurité sociale les démarches lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein à la date de fin de la relation de travail qu'il a indiquée à l'employeur ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... avait fait part à la société CARS HOURTOULE de sa volonté de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2005 et qu'il avait, nonobstant l'arrêt de travail survenu au cours du préavis, effectivement fait valoir ses droits à la retraite à compter de cette date puisqu'il « perçoit une pension de retraite de la CNAV et une pension de retraite de l'ARCCO depuis le 1er septembre 2005 » ; qu'en reprochant néanmoins à la société CARS HOURTOULE de ne pas avoir procédé à un report de la prise d'effet de la retraite, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L. 1226-7, 1237-1, L. 1237-4, L. 1237-5, L. 1237-9, L. 1237-10 et R. 4624-21 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QU'en cas de départ à la retraite résultant de la volonté du salarié, l'employeur ne dispose d'aucune possibilité de reporter la date de prise d'effet de la retraite qui dépend exclusivement des démarches accomplies par le salarié auprès des organismes d'assurance-vieillesse ; qu'en reprochant néanmoins à la société CARS HOURTOULE de ne pas avoir procédé à un report de la prise d'effet de la retraite, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-7, 1237-1, L. 1237-4, L. 1237-5, L. 1237-9, L. 1237-10 et R. 4624-21 du code du travail.