LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1289 du code civil, 24 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, 31 et suivants du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Laure X..., avocate, ayant cédé, le 10 août 1995, à M. Y..., dix parts représentant 2, 5 % du capital de sa société civile professionnelle, devenue la SCP X... et Y... (la SCP), est décédée le 2 août 2003, laissant pour lui succéder sa fille unique, Mme Z... ; que M. Y... et la SCP ont assigné, en paiement du solde débiteur du compte courant d'associée de la défunte, Mme Z... qui a sollicité la communication des documents comptables, financiers et fiscaux de la SCP afférents aux exercices 1995 à 2013, en vue d'obtenir la rétribution de ses parts et sa quote-part des bénéfices distribués ;
Attendu que, pour accueillir l'action de M. Y... et de la SCP, et rejeter les demandes de Mme Z..., l'arrêt énonce que les comptes postérieurs au décès de Laure X... ne concernent pas le litige et que Mme Z..., assignée en qualité d'ayant droit de celle-ci, est la mieux placée, en qualité de titulaire des parts sociales de sa mère, pour disposer des renseignements qu'elle sollicite sur la situation de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'ayant droit de l'associé décédé n'acquiert pas la qualité d'associé, d'autre part, qu'il conserve, jusqu'à la cession ou au rachat intégral des parts de son auteur, vocation à la répartition des bénéfices, lesquels sont susceptibles de se compenser avec le solde débiteur du compte courant d'associé du défunt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y... et la SCP X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Z...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de communication de pièces présentée par Mme Z... et D'AVOIR condamné cette dernière, en qualité d'héritière de Laure X..., à verser à la SCP X... et Y... la somme de 470. 676, 85 euros ;
AUX MOTIFS QUE Mme Z... demande que soit ordonnée avant toute décision la communication, par la SCP X... · et Y... et Me Y..., ainsi que par l'ANAAFA, des documents comptables, financiers et fiscaux de la SCP X... et Y... se rapportant aux années 1995 à 2013, nonobstant les délais de prescription et spécialement des liasses fiscales de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse, la balance des comptes de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse, les grands livres historiques généraux de la SCP des années 1995 à 2013 incluse ; que la SCP X... et Y... et Me Y... justifient avoir communiqué les balances et les comptes de résultats des années 2000 à 2005 inclus ; que les comptes postérieurs aux décès de Laure X... ne concernent pas le litige, alors que Mme Z... a été assignée en qualité d'ayant droit de feue Laure X... ; qu'elle est d'ailleurs en tant que titulaire des parts sociales de sa mère, qui représentent 390 parts sur 400, la mieux placée pour disposer de ces renseignements sur la situation de la société après le décès de sa mère ; que cette demande de communication de pièces est purement dilatoire ; que sur les sommes dues par la succession X... à la SCP, les balances des comptes montrent, au titre du compte courant Laure X.../ SCP : un solde débiteur de 2. 802. 784, 04 francs (427. 221. 67 euros) au 31 décembre 2001, un solde débiteur de 505. 276, 09 euros au 31 décembre 2002, un solde débiteur de 524. 932, 32 euros au 31 décembre 2003 ; que même s'il n'y a pas eu de procès-verbal d'approbation formelle des comptes 2001 et 2002, c'est sur leur base que les associés ont tenu les 21 janvier 2002 et 20 janvier 2003 des assemblées générales décidant de répartitions de bénéfices, retenant les comptes des années précédentes comme références ; que M. A..., expert-comptable, a examiné, à la demande de Mme Z..., les journaux et grands livres de la SCP au 31 décembre 2003 ; qu'il atteste que le compte courant de Me X... (n° 445000) est débiteur au 31 décembre 2003, avant affectation du résultat de l'exercice, de 524. 932, 32 euros ; qu'aucun élément ne permet de suspecter la fiabilité de ces données comptables ; qu'une expertise ne s'impose pas ; que la SCP estime qu'il y a lieu au titre de 2003 d'y ajouter 83. 098, 44 euros de prélèvements et d'en déduire 5. 668, 59 euros d'apports, 9. 231 euros d'affectation de résultat, 2. 275 euros d'indemnités journalières, 67. 410, 32 euros d'indemnités d'assurance-décès, de sorte que le total aboutirait à 534. 783, 03 euros ; que les prélèvements sont comptabilisés à part ; que M. A... a attesté un montant de prélèvements par Laure X... pour 2003, laissant un compte débiteur de 83. 098, 44 euros ; que cette somme a été à juste titre ajoutée aux sommes dues ; qu'il en est de même pour l'apport de 5. 663, 59 euros ; qu'il n'y a pas de discussion sur les 2. 275 euros d'indemnités journalières et les 67. 410, 32 euros d'indemnité d'assurance-décès ; qu'en ce qui concerne l'affectation des bénéfices, au vu des éléments fournis, il convient de retenir celle de 62. 000 euros retenue à titre subsidiaire, de sorte que le solde aboutit à 470. 676, 85 euros ;
ALORS, 1°), QU'en cas de décès de l'associé, membre d'une société civile professionnelle d'avocats, ses héritiers ou ses légataires conservent vocation à la répartition des bénéfices jusqu'à la cession ou au rachat des parts de leur auteur ; que Mme Z... faisait valoir que tant que les parts de sa mère n'avaient pas été cédées ou rachetées, elle avait vocation à participer à la distribution des bénéfices de la SCP, ces sommes devant venir en déduction du solde du compte courant d'associé de sa mère de sorte qu'il convenait d'enjoindre à M. Y... et la SCP X... et Rolleghem de communiquer les documents comptables pour les années 2004 à 2013 afin de chiffrer les bénéfices qui lui étaient dus ; qu'en refusant de faire droit à cette demande au prétexte que les comptes postérieurs aux décès de Laure X... ne concernaient pas le litige, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 24 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et 31 et suivants du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;
ALORS, 2°), QU'en cas de décès de l'associé, membre d'une société civile professionnelle d'avocats, ses héritiers ou ses légataires conservent vocation, en cette qualité, à la répartition des bénéfices jusqu'à la cession ou au rachat des parts de leur auteur ; qu'en considérant que les comptes postérieurs au décès de Mme X... ne concernaient pas le litige dans la mesure où Mme Z... avait été assignée en qualité d'ayant droit de sa mère cependant que c'est précisément en cette même qualité que Mme Z... pouvait prétendre percevoir les bénéfices de la SCP, ce dont il découlait que la qualité d'ayant droit conférait à Mme Z... qualité et intérêt pour demander, dans le cadre du litige l'opposant à la SCP X... et Rolleghem et à M. Rolleghem, le paiement de la quote-part lui revenant dans les bénéfices, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile, 24 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et 31 et suivants du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;
ALORS, 3°), QUE si, en cas de décès de l'associé d'une société civile professionnelle d'avocats, ses héritiers conservent vocation à la répartition des bénéfices jusqu'à la cession ou le rachat des parts de leur auteur, ils n'ont pas pour autant la qualité d'associé de la société ; qu'en ajoutant, pour rejeter la demande de communication de pièces de Mme Z..., que cette dernière en qualité d'héritière des parts de sa mère était « la mieux placée » pour disposer de ces documents cependant que Mme Z... n'avait pas la qualité d'associée de sorte qu'elle ne pouvait avoir accès auxdits documents, la cour d'appel a violé l'article 24 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
ALORS, 4°), QU'en fixant le solde du compte-courant d'associé de Laure X... sans rechercher, comme il y avait été invitée, si les bénéfices que Mme Z..., en sa qualité d'héritière de sa mère, avait vocation à percevoir jusqu'à la cession des parts de Laure X... ne devaient pas s'imputer sur ce solde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1289 du code civil, 24 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et 31 et suivants du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992.