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31/05/2016 | FRANCE | N°15-85920

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mai 2016, 15-85920


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Franck X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 24 septembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols aggravés, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la

chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Cord...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Franck X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 24 septembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols aggravés, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 février 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite des accusations portées par Myriam X... à l'encontre de son père M. Franck X..., tous deux étant de nationalité belge, le procureur de la République de Nice a ouvert une information judiciaire des chefs de viols aggravés commis en Italie et à Monaco entre juillet 2012 et décembre 2013 et d'agression sexuelle aggravée commise courant janvier 2014 en France, à Beausoleil ; que M. X...a été mis en examen du chef de viols aggravés commis en France, à Monaco et en Italie ; qu'il a déposé une requête en annulation d'actes de la procédure ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 40, 41, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de cancellation de la question figurant cote 76 lors de la confrontation ;
" aux motifs qu'il y a lieu de rappeler que, le 13 octobre 2014, l'officier de police judiciaire du commissariat de Menton recueillait les déclarations de Mme Jennifer X..., et de sa fille Myriam, alors âgée de quinze ans, laquelle dénonçait quatre faits de viols commis par son père M. Franck X..., entre 2012 et 2014, d'abord en Italie, puis à Monaco et enfin à Beausoleil ; qu'il n'est pas contesté qu'informé des faits dénoncés, le magistrat de permanence a prescrit à l'officier de police judiciaire de poursuivre les faits commis en France (cote 056) ; qu'il y a lieu de constater que le mis en cause n'a jamais été interrogé lors de sa garde à vue sur les faits commis à l'étranger ; que lors de la confrontation, l'officier de police judiciaire a seulement demandé à la jeune Myriam X... " ton père t'a-t-il vraiment violé il y a neuf mois à Beausoleil et à trois autres reprises " ? ; que si l'enquêteur fait référence dans sa question à la plainte déposée par cette dernière contre son père, il n'a jamais cité précisément les lieux où se seraient déroulés les faits dénoncés en dehors de ceux commis en France, à Beausoleil ; que, dès lors, il n'apparaît pas que les enquêteurs soient sortis du cadre de leur saisine ; que la procédure de garde à vue est, dès lors, parfaitement régulière ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence, à cancellation de la question posée par les enquêteurs lors de la confrontation ;
" alors qu'en l'espèce, les enquêteurs ont été uniquement saisis par le procureur de la République de faits commis à Beausoleil ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, tout en reconnaissant qu'il a été demandé au demandeur, à l'occasion d'une confrontation : « ton père t'a-t-il vraiment violée il y a neuf mois à Beausoleil et à trois autres reprises ? », ce qui renvoyait aux faits précédemment dénoncés et prétendument commis à l'étranger, considérer que les enquêteurs ne sont pas sortis du cadre de leur saisine puisque l'officier de police judiciaire n'a jamais cité précisément les lieux où se seraient déroulés les faits dénoncés en dehors de ceux commis en France, à Beausoleil " ;
Attendu que, pour rejeter le moyen tendant à voir canceller une question dans le procès-verbal de la confrontation réalisée au cours de l'enquête préliminaire, l'arrêt attaqué retient, notamment, que si le magistrat de permanence a prescrit à l'officier de police judiciaire de poursuivre l'enquête sur les faits commis en France, il y a lieu de constater que le mis en cause n'a jamais été interrogé lors de sa garde à vue sur les faits commis à l'étranger, que lors de la confrontation, l'officier de police judiciaire a seulement demandé à la jeune Myriam X...: " ton père t'a-t-il vraiment violée il y a neuf mois à Beausoleil et à trois autres reprises ? " mais n'a jamais cité précisément les lieux où se seraient déroulés les faits dénoncés en dehors de ceux commis en France, à Beausoleil ; que les juges en déduisent qu'il n'apparaît pas que les enquêteurs soient sortis du cadre de leur saisine ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il résulte du procès-verbal de confrontation qu'avant que la question litigieuse soit posée, trois autres faits de viols avaient été évoqués spontanément par la plaignante au cours de cet acte, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2, 113-6, 113-7 du code pénal, 43, 52, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité du réquisitoire introductif, du procès-verbal de première comparution et des actes subséquents ;
" aux motifs que le requérant demande l'annulation du réquisitoire introductif, du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution et de " tous actes subséquents " au visa des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale, au motif que le procureur de la République ne pouvait requérir l'ouverture d'une information pour des faits commis à l'étranger par un étranger sur une victime étrangère, ce qui est le cas en l'espèce des faits dénoncés du chef de viol commis en Italie et à Monaco ; que, par le biais d'une requête en nullité, il soulève en réalité l'incompétence du juge d'instruction pour instruire sur les faits commis à l'étranger ; qu'il convient au préalable de rappeler qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction d'annuler un réquisitoire du ministère public ; qu'en tout état de cause, le visa, dans le réquisitoire introductif des pièces qui y sont jointes équivaut à une analyse des dites pièces, lesquelles déterminent, par les indications qu'elles contiennent, l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction ; que, quelle que soit la qualification donnée aux faits par le ministère public, le juge d'instruction se trouve saisi " in rem " des faits concernés, c'est à dire en l'espèce, par l'enquête préliminaire menée par le commissariat de police de Menton suite à la plainte déposée, et visée par le réquisitoire introductif ; qu'en l'espèce, les quatre faits dénoncés par la plaignante sont susceptibles d'avoir été commis par son père, donc au sein de la cellule familiale, entre 2012 et 2014 et dans un périmètre très voisin même si plusieurs de ces faits paraissent avoir été commis à l'étrange ; que certains faits sont susceptibles d'être qualifiés viols par ascendant sur mineur de quinze ans et d'autres, d'agression sexuelle par ascendant sur mineur de quinze ans que la compétence des juridictions françaises et l'application de la loi pénale française n'est pas douteuse pour les faits commis à Beausoleil, où demeurent désormais le mis en examen et les parties civiles ; que les articles 43, 52 et 203 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République ou au juge d'instruction de se saisir des infractions qui sont connexes aux infractions dont ils ont à connaître, c'est à dire qui présentent avec celles-ci des rapports étroits qui commandent qu'elles soient instruites et jugées ensemble ; que les dispositions de l'article 203 du code de procédure pénale n'étant pas limitatives, elles s'étendent aux cas dans lesquels il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'en l'espèce doivent être regardées, d'autant plus comme connexes, les atteintes commises par le même individu sur la même victime, dans un laps de temps limité, dans un périmètre géographique lui aussi limité, même s'il concerne trois Etats différents, et de surcroît, dans le cadre de relations intra-familiales, tous ces éléments étant de nature à caractériser les rapports étroits unissant les différentes infractions ; que le juge d'instruction a, dès lors, compétence pour connaître de l'ensemble des faits ; qu'ainsi il n'y pas lieu à annulation du procès-verbal de première comparution ni des actes subséquents ; que ce moyen de nullité sera dès lors rejeté ;
" 1°) alors que la loi pénale française n'est applicable à une infraction commise hors du territoire de la République par une personne de nationalité étrangère à l'encontre d'une personne de nationalité étrangère que s'il existe un lien d'indivisibilité entre ces faits et une infraction commise sur le territoire de la République ; qu'en l'espèce, une information judiciaire a été ouverte et une mise en examen a été prononcée pour des faits de viols et agressions sexuelles commis en Italie, à Monaco et en France ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour rejeter le moyen de nullité de ces actes tiré de l'incompétence du juge français pour des faits commis à l'étranger, juger que « les articles 43, 52 et 203 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République ou au juge d'instruction de se saisir des infractions qui sont connexes aux infractions dont ils ont à connaître … ;
" 2°) alors qu'à titre subsidiaire, selon la jurisprudence de la chambre criminelle, l'indivisibilité entre les éléments d'une prévention suppose qu'ils soient dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement intime, que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que les illustrations de l'indivisibilité concernent systématiquement des infractions différentes entretenant un certain lien de complémentarité ; qu'en l'espèce, les infractions poursuivies sont similaires et totalement indépendantes les unes des autres ; qu'il appartenait dès lors à la chambre de l'instruction d'annuler les actes de la procédure rendus en violation des règles d'ordre public de compétence territoriale " ;
Vu l'article 113-2 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l'encontre d'une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l'un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République ; qu'il en est de même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, dans le seul cas où il existe un lien d'indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité du réquisitoire introductif, de la mise en examen et des actes subséquents, tiré de l'incompétence des juridictions répressives françaises pour juger les faits qui auraient été commis à l'étranger, l'arrêt retient que les quatre faits dénoncés par la plaignante sont susceptibles d'avoir été commis par son père, donc au sein de la cellule familiale, entre 2012 et 2014 et dans un périmètre très voisin même si plusieurs de ces faits paraissent avoir été commis à l'étranger ; que la compétence des juridictions françaises et l'application de la loi pénale française n'est pas douteuse pour les faits commis à Beausoleil, où demeurent désormais le mis en examen et les parties civiles ; que les juges ajoutent que les articles 43, 52 et 203 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République ou au juge d'instruction de se saisir des infractions qui sont connexes aux infractions dont ils ont à connaître, c'est-à-dire qui présentent avec celles-ci des rapports étroits qui commandent qu'elles soient instruites et jugées ensemble et qu'en l'espèce, sont connexes les atteintes commises par le même individu sur la même victime, dans un laps de temps limité, dans un périmètre géographique lui aussi limité, même s'il concerne trois Etats différents et de surcroît, dans le cadre de relations intra-familiales, tous ces éléments étant de nature à caractériser les rapports étroits unissant les différentes infractions ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le lien de connexité existant entre plusieurs infractions ne peut avoir pour effet de rendre la loi pénale française applicable à celles commises à l'étranger par une personne de nationalité étrangère sur une victime étrangère, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 24 septembre 2015, mais en ses seules dispositions ayant écarté le moyen de nullité du réquisitoire introductif, de l'interrogatoire de première comparution et des actes subséquents, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-85920
Date de la décision : 31/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COMPETENCE - Compétence territoriale - Juridictions d'instruction - Crimes et délits commis à l'étranger - Faits commis par une personne de nationalité étrangère sur une victime de nationalité étrangère - Conditions - Lien d'indivisibilité avec une infraction commise par le même auteur sur le territoire de la République - Connexité (non)

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Faits commis par une personne de nationalité étrangère sur une victime de nationalité étrangère - Lien d'indivisibilité avec une infraction commise par le même auteur sur le territoire de la République - Connexité - Effet

La loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l'encontre d'une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l'un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République. Il en est de même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, dans le seul cas où il existe un lien d'indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres. Si plusieurs infractions sont simplement connexes, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître de celles commises à l'étranger par une personne de nationalité étrangère sur une victime étrangère


Références :

article 113-2 du code pénal

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 24 septembre 2015

Sur la compétence territoriale des juridictions françaises à l'égard des infractions commises à l'étranger par un étranger sur une victime étrangère sur le fondement de l'indivisibilité, à rapprocher :Crim., 5 août 1920, Bull. crim. 1920, n° 355 (rejet) ;Crim., 23 avril 1981, pourvois n° 79-90.346 et 81-90.489, Bull. crim. 1984, n° 116 (rejet) ;Crim., 27 octobre 2004, pourvoi n° 04-85187, Bull. crim. 2004, n° 263 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mai. 2016, pourvoi n°15-85920, Bull. crim. criminel 2016, n° 165
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 165

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Cordier (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Guého
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.85920
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