LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 78-2, alinéa 8, du code de procédure pénale, ensemble les articles 67, § 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/ 2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi et que, pour son application, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa ; que, conformément aux exigences de l'article 67, § 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des articles 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/ 2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, ces dispositions garantissent qu'un tel contrôle ne revêt pas un effet équivalent à celui des contrôles aux frontières ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. Anis X..., de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a été placé en rétention administrative à la suite d'un contrôle d'identité effectué en gare de Lyon à Paris, le 24 avril 2015, sur instructions d'un chef de service de la brigade des réseaux ferrés, officier de police judiciaire, qui avait prescrit, pour une durée de quatre heures, des contrôles afin de vérifier le respect du port et de la détention des documents permettant le transit et le séjour, sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 8, du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour mettre fin à cette rétention, l'ordonnance retient que les contrôles n'ont pas été effectués dans l'ensemble de la gare mais, au contraire, sur un quai précis, en fonction d'informations préalablement recueillies portant sur l'arrivée de migrants clandestins, et que le caractère aléatoire, exigé par l'article 78-2, alinéa 8, du code de procédure pénale, implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du procès-verbal de police que le contrôle, circonscrit à la partie de la gare où circulait un train utilisé par des filières d'immigration irrégulière, avait été réalisé pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, pendant une durée n'excédant pas six heures, d'une manière ciblée, dans le temps et l'espace, suffisant à garantir le caractère non systématique des opérations, le premier président a violé les textes susvisés ;
Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 1er mai 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris
Le procureur général près la cour d'appel de Paris fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du premier juge qui avait rejeté les exceptions de nullité soulevées et ordonné la prolongation du maintien d'Anis X... en rétention administrative ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
Aux termes de l'article 78-2, alinéa 8 (ou 4) du code de procédure pénale, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du même article 78-2, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.
Pour l'application de ce texte, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. Ces contrôles, pour être réguliers, doivent présenter un caractère non systématique et donc aléatoire.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne saurait être procédé à des contrôles en application de ce texte au motif qu'il serait plausible que les personnes contrôlées aient commis une infraction.
Il résulte, cependant, du procès-verbal que les policiers étaient avertis de ce que " entre 60 et 80 migrants clandestins " empruntent quotidiennement le train " Thello " arrivant chaque jour gare de Lyon à 9h30 et que le contrôle a été effectué " à proximité de la voie N où arrive le train " Thello " en provenance de Venise ".
Il se déduit de ces mentions que le choix d'effectuer des contrôles à la descente de ce train entre 9h00 et 13h00 ne présentait aucune caractère aléatoire.
Dans ces conditions, l'absence au procès-verbal de toute précision sur la façon dont les policiers ont assuré le caractère aléatoire des contrôles individuels, auxquels ils ont alors procédé, de certaines des personnes descendant du train retire tout effet à la clause de style figurant au dit procès-verbal selon laquelle les policiers procédaient à des " contrôles aléatoires ".
Il sera encore observé d'une part, qu'il ne résulte pas du procès-verbal que des contrôles auraient été effectués dans l'ensemble de la gare, dès lors qu'un quai précis est mentionné et qu'un lien entre les informations recueillies sur le train litigieux et le contrôle résulte clairement du procès-verbal et, d'autre part, que le caractère aléatoire exigé par le texte implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées.
Ce silence du procès-verbal conduit à considérer que les contrôles ont, au contraire, été effectués sur la base de critères prédéfinis au regard des informations préalablement recueillies, comme l'apparence d'extranéité, qui leur retirent tout caractère aléatoire, étant observé que c'est bien ainsi que le premier juge a analysé, justement en fait, sans cependant en tirer les conséquences juridiques qui s'imposaient, la façon dont le contrôle a été effectué.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée et la procédure déclarée irrégulière, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.
ALORS QUE Le contrôle d'identité effectué dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international est régulier, dès lors qu'il a été pratiqué pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière et, de manière aléatoire et non systématique, à l'intérieur d'un laps de temps n'excédant pas six heures ; que les policiers n'ont nullement l'obligation de procéder à des contrôles dans toute l'enceinte de la gare ; qu'au contraire l'objectif de prévention et de recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière justifie qu'ils limitent leur action à la partie de celle-ci où circulent des trains effectuant un parcours international et que, dès lors qu'il n'effectuent pas un contrôle systématique, il ne leur est pas interdit de contrôler plusieurs personnes en provenance d'une même destination ou circulant sur un même quai ; qu'en l'espèce, pour constater l'irrégularité de la procédure de rétention d'Anis X..., le délégué du premier président retient qu'il ne résulte pas du procèsverbal que des contrôles auraient été effectués dans l'ensemble de la gare mais au contraire sur un quai précis et que le caractère aléatoire exigé par le texte implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées ; qu'en statuant ainsi, le premier président qui a ajouté aux textes des conditions qu'ils ne prévoient pas, a violé par fausse application l'article 78-2 alinéa 4 du code de procédure pénale, ensemble les articles 67 § 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que 20 et 21 du Règlement (CE) n° 562/ 2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;