Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Daniel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 7 janvier 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de corruption de mineur de quinze ans, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 19 février 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'au cours d'une enquête préliminaire ouverte à la suite de la dénonciation, par l'assistante sociale, d'agissements suspects d'un homme à l'encontre de garçons âgés d'une douzaine d'années, M. X..., mis en cause, a été interpellé à son domicile et placé en garde à vue, avant qu'une perquisition de son domicile ne soit entreprise ; que, de retour au service, un officier de police judiciaire lui a notifié ses droits, puis a avisé de cette mesure le procureur de la République ; que les mineurs susceptibles d'avoir été victimes de ces agissements ont été entendus à deux reprises, sans qu'ait été accompli l'enregistrement audiovisuel de leurs auditions ; qu'ultérieurement poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de corruption de mineurs, le prévenu a régulièrement soulevé des exceptions prises de la nullité relatives notamment à sa garde à vue, aux auditions des mineurs réalisées sans enregistrement audiovisuel, à la perquisition de son domicile et à la saisie de son ordinateur ; que le tribunal ayant annulé ces actes, le procureur a formé appel de cette décision en déposant une requête sur le fondement de l'article 507 du code de procédure pénale, à laquelle il a été fait droit ;
En cet état :
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 76 du code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de base légale, dénaturation d'une pièce du dossier, violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a jugé que la perquisition effectuée le 17 novembre 2015 au domicile de M. X... était régulière ;
" aux motifs que le tribunal a justement validé la perquisition réalisée au domicile du prévenu, ce dernier ayant signé le formulaire d'assentiment ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a statué sur ce point ;
" alors qu'une perquisition ne peut, en enquête préliminaire, être effectuée sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu ; que, pour refuser d'annuler la perquisition effectuée au domicile de M. X..., la cour d'appel a seulement considéré que celui-ci avait signé « le formulaire d'assentiment » ; que ledit formulaire ne saurait cependant attester du consentement de M. X... à la perquisition de son domicile dès lors, d'une part, qu'il ne vise que le consentement de ce dernier à « la visite de son ordinateur », et d'autre part, qu'il est postérieur à la perquisition, étant daté du 18 novembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants et dont il ne résulte pas que M. X... aurait consenti à la perquisition de son domicile le 17 novembre 2015, la cour d'appel a donc dénaturé une pièce du dossier et a violé l'article 76 du code de procédure pénale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 76, 802 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de base légale, dénaturation d'une pièce du dossier ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé d'annuler le placement sous scellé de l'ordinateur de M. X... ;
" aux motifs que, lors de la perquisition réalisée par les enquêteurs le 17 novembre 2015 à 10 heures 30 tendant à l'appréhension de l'ordinateur de l'intéressé, expressément acceptée par le prévenu comme l'a justement retenu le tribunal, les scellés n'ont pas été apposés immédiatement sur ledit ordinateur pour permettre son exploitation qui a été réalisée en présence du prévenu le 18 novembre 2015 à 10 heures 40 et sans observation de sa part sur les résultats de cette exploitation ; que, dès lors, le prévenu ne justifie nullement d'un grief quelconque et de conditions susceptibles d'avoir entraîné une modification de l'ordinateur et de son contenu avant ce placement sous scellés qui n'est donc pas tardif ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a statué sur ce point, les documents issus de l'exploitation de l'ordinateur ne devant pas être annulés ;
" alors qu'une saisie ne peut, en enquête préliminaire, être effectuée sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu ; que, pour refuser d'annuler la saisie de l'ordinateur effectuée lors de la perquisition au domicile de M. X... le 17 novembre 2015, la cour d'appel a seulement considéré que « l'appréhension de son ordinateur avait été expressément acceptée par le prévenu » ; que « le formulaire d'assentiment » visé par les juges du fond ne saurait cependant attester du consentement de M. X... à la saisie de son ordinateur dès lors, d'une part, qu'il ne vise que le consentement de ce dernier à « la visite » dudit ordinateur, et d'autre part, qu'il est postérieur à la perquisition, étant daté du 18 novembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants et dont il ne résulte pas que M. X... aurait consenti à la saisie de son ordinateur effectuée lors de la perquisition à son domicile le 17 novembre 2015, la cour d'appel a donc dénaturé une pièce du dossier et a violé l'article 76 du code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que contrairement à ce qui est allégué, le demandeur au pourvoi a régulièrement donné aux enquêteurs, préalablement à la perquisition critiquée, l'autorisation manuscrite d'y procéder en son domicile, légalement exigée dans le cadre d'une enquête préliminaire ; qu'elle figure au dossier de la procédure en cote D 24 ;
Que, dès lors, les moyens manquent en fait ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-52, 802 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté la demande d'annulation des auditions des victimes mineures ;
" aux motifs que les dispositions de l'article 706-52 du code de procédure pénale ont été adoptées dans le seul intérêt de la victime et aucune nullité ne peut être invoquée par le prévenu du fait d'un défaut d'enregistrement des déclarations d'une victime mineure, le prévenu ne pouvant justifier d'un grief quelconque alors même qu'il a eu à sa disposition le procès-verbal d'audition de cette victime ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a annulé l'audition des mineurs ;
" alors que l'audition d'un mineur prétendument victime de corruption de mineur doit obligatoirement faire l'objet d'un enregistrement ; que le défaut d'enregistrement d'une telle audition porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne mise en cause et aux droits de la défense ainsi qu'à l'intérêt supérieur de la procédure pénale dont l'objectif est la manifestation de la vérité, en sorte que l'audition non enregistrée doit être annulée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a refusé de faire droit à la demande d'annulation des auditions des mineurs prétendument victimes, au motif erroné que l'article 706-52 du code de procédure pénale ne serait prévu que dans l'intérêt du mineur et au motif inopérant que, dès lors qu'il a eu accès aux procès-verbaux desdites auditions, M. X... ne justifierait d'aucun grief ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité des auditions des mineurs, soulevée par le prévenu, prise de ce qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, l'arrêt retient que la violation des dispositions de l'article 706-52 du code de procédure pénale ont été adoptées dans le seul intérêt de la victime et que le prévenu ne peut justifier d'un grief quelconque ;
Attendu que, si c'est à tort que les juges prononcent par ces motifs alors que l'enregistrement est également prévu dans l'intérêt de la personne mise en cause, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués dès lors qu'il ressort de ses constatations que M. X..., à la lecture du procès-verbal d'audition critiqué, n'a pu justifier d'un grief résultant de l'irrégularité invoquée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63-1 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté la demande de nullité de la garde à vue de M. X... ;
" aux motifs qu'il résulte des procès-verbaux que le prévenu a été interpellé à 10 heures 30 à son domicile ; qu'il lui a été expressément indiqué qu'il était placé en garde à vue ; qu'avec son autorisation, une perquisition a été effectuée à son domicile et dès lors, la notification effective de ses droits de gardé à vue aux termes d'un procès-verbal établi à 11 heures, 30 minutes plus tard, soit sans retard ni grief compte-tenu du temps de la perquisition et de la conduite jusqu'au commissariat, étant rappelé que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune audition ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a statué sur ce point ;
" alors que la personne qui, pour les nécessités de l'enquête, est sous la contrainte, tenue à la disposition d'un officier de police judiciaire, doit immédiatement être placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été interpellé à 10 heures 30 mais que la notification effective de ses droits de gardé à vue n'était intervenue qu'à 11 heures, soit trente minutes plus tard ; qu'elle a cependant refusé de faire droit à la demande d'annulation de la garde à vue, au motif inopérant que cette notification était intervenue « sans retard ni grief compte tenu du temps de la perquisition et de la conduite jusqu'au commissariat, étant rappelé que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune audition » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs contradictoires et insusceptibles de caractériser une circonstance insurmontable, pourtant seule de nature à justifier un retard dans la notification des droits, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63 et 513 du code de procédure pénale, défaut de base légale, contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté la demande nullité de la garde à vue de M. M. X... ;
" aux motifs que le ministère public a été avisé du placement en garde à vue du prévenu à 11 heures 15 soit 15 minutes après que les droits du gardé à vue lui aient été notifiés au retour au commissariat ; que cette information n'est pas tardive et ne peut entraîner la nullité de la garde à vue ; que les auditions du prévenu pendant sa garde à vue sont donc régulières ;
" alors que l'officier de police judiciaire qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit informer le procureur de la République dès le début de cette mesure, soit au moment où la personne est privée de sa liberté et est tenue à la disposition de l'officier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est placée, pour considérer que l'information du procureur de la République n'était pas intervenue tardivement, à compter du moment où « les droits du gardé à vue lui ont été notifiés au retour du commissariat », et non au moment du placement en garde à vue, intervenu à 10 heures 30 ; qu'elle en a déduit, de manière erronée, que l'information du procureur de la République n'avait été donnée qu'avec quinze minutes de retard alors qu'en réalité, ce retard était de quarante-cinq minutes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors qu'en tout état de cause, l'officier de police judiciaire, qui est amené, pour les nécessités de l'enquête, à placer une personne en garde à vue, a le devoir d'en informer le procureur de la République dès le début de la mesure ; que tout retard dans l'information donnée à ce magistrat, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été interpellé à 10 heures 30 mais que le procureur de la République n'avait été informé de cette mesure qu'à 11 heures 45 ; qu'il résulte de ces énonciations que le procureur de la République a été informé avec quarante-cinq minutes de retard ; que la cour d'appel a cependant refusé de faire droit à la demande d'annulation de la garde à vue, considérant que cette notification n'était pas tardive ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs insuffisants et insusceptibles de caractériser une circonstance insurmontable, pourtant seule de nature à justifier un retard dans l'information du procureur de la République, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 63, alinéa 1er, et 63-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'officier de police judiciaire, qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit en aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure, et que, selon le second de ces textes, la personne concernée doit être immédiatement informée des droits attachés à son placement en garde à vue, tout retard dans la mise en oeuvre de ces deux obligations, non justifié par des circonstances insurmontables, faisant nécessairement grief aux intérêts de ladite personne ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt et des pièces de la procédure que M. X... a été interpellé à son domicile et immédiatement placé en garde à vue le 17 novembre 2015, à 10 heures 30, puis que, jusqu'à 10 heures 50, une perquisition a été effectuée en ce lieu, qui a permis de saisir l'ordinateur du mis en cause ; que, de retour au service, l'officier de police judiciaire a, de 11 heures à 11 heures 05, procédé à la notification de ses droits à la personne gardée à vue, puis donné au procureur de la République, à 11 heures 15, l'avis légalement exigé ;
Attendu que, pour refuser d'annuler la mesure de garde à vue et la procédure subséquente, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aucun élément de la procédure n'établit une circonstance insurmontable justifiant la décision de différer tant la notification de ses droits à l'intéressé que l'information du procureur de la République, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 7 janvier 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la garde à vue, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de NANCY, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.