LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... après s'être associée avec M. Y... pour créer la société Le vieux moulin, avoir fait l'objet d'un licenciement pour motif économique par la dite société en 2005, et cédé l'intégralité de ses parts en 2006, a de nouveau été engagée selon contrat de travail du 31 août 2007 pour exercer les fonctions d'employée administrative à temps partiel ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et la condamnation de la société à lui payer des rappels de salaires au titre d'heures complémentaires et les indemnités de rupture ; que la société a soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt énonce que c'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence, et retient que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité du lien de subordination entre la société et Mme X... qui supporte la charge de la preuve ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait que Mme X... avait produit divers documents, parmi lesquels un contrat de travail, une attestation d'emploi et des bulletins de paie, la cour d'appel, en faisant supporter à celle-ci la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Le vieux moulin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Vieux Moulin à payer à la SCP Sevaux et Mathonnet la somme de 3 000 euros et rejette l'autre demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir invité les parties à mieux se pourvoir et condamné Madame X... à payer à la société Le vieux moulin une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu'en application de l'article L.1411-1 du code du travail : « Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient (…) » ; qu'il s'en déduit que c'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence et que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; que pour justifier de la compétence du conseil de prud'hommes, Mme X... produit : son contrat de travail à temps partiel du 31 août 2007 sic , une attestation d'emploi à compter du 13 novembre 2007 sic pour une durée de 12 h par semaine datée du 15 janvier 2008, ses bulletins de salaires, son courrier du 22 novembre 2011, aux termes duquel elle sollicitait son licenciement en soutenant que le gérant lui avait indiqué que son époux et elle-même ne faisait plus partie du personnel, le courrier de la société Le vieux moulin du 29 novembre 2011 contenant mise en demeure d'avoir à justifier de son absence depuis le 19 novembre, le courrier de la société Le vieux moulin du 6 décembre 2011, lui indiquant qu'il n'y avait pas eu de licenciement et sollicitant à nouveau un justificatif d'absence, le courrier du 6 décembre 2011, adressé aux époux X... par la société le Le vieux moulin ; que toutefois, elle ne verse aucun autre élément au soutien de l'existence d'un lien de subordination, ni notamment quant au service du restaurant qu'elle aurait été contrainte d'assurer bien qu'employée administrative, ni encore quant à ses prétendus sic heures complémentaires accomplies pour un emploi à temps complet ; qu'or, il ressort des débats et des pièces du dossier que la société Le vieux moulin a été crée par M. Y... et Mme X... en qualité d'associés et qu'après cession de ses parts sociales à sa mère pour un euro symbolique, son époux, M. X..., chef cuisinier, est demeuré co-gérant, s'engageant d'ailleurs au mois de décembre 2005 en qualité de caution solidaire de la société au titre du prêt de 27.500 euros consenti à cette dernière, la société Le vieux moulin justifiant en outre de saisies-arrêt mises en place dès 2009 sur les salaires des époux X... ; que par ailleurs et si en cette même période du mois de décembre 2005, Mme X... a fait l'objet d'un licenciement économique de son emploi de commerciale avant d'être reembauchée en qualité d'employée administrative à temps partiel à compter du mois d'août 2007, il ne résulte toutefois d'aucune des pièces produites qu'elle ait cessé ses activités au sein de l'établissement, alors que la continuation de ses fonctions résulte des attestations établies par des divers co-contractants du restaurant (sous-traitants, salariés, propriétaire du fonds de commerce, clients etc) indiquant que M. et Mme X... se sont toujours présentés comme propriétaires, patrons et associés de celui-ci (cf attestations 9 à 19) ; que de fait les pièces du dossier établissent encore que M. Y... et Mme X... ne travaillaient pas en réalité les mêmes jours et que Mme X... prenait des décisions de gestion ne relevant pas de ses fonctions d'employé administrative (paiement d'une facture personnelle du 10 mai 2011, réglée le 25 mai par carte bancaire de la société avec mention « acompte sur salaire Philippe X... » ou retrait de caisse ou par carte bancaire avec mention de sa main « acompte sur salaire » – pièces 20 à 22 concernant décembre 2009, février mars juin et décembre 2010 ou octobre 2011 avec cette mention « Thierry suis désolée mais pour te prouver que je n'ai pas une tune ») tandis que l'agenda servait de carte de liaison outre fiches de réservations reçues ; qu'enfin, il ressort d'une première note manuscrite non datée que Mme X... écrivait au titre de la vente du restaurant dont les parties avaient convenu : « (…) essaye de cibler sur certains sites une clientèle étrangère les Anglais sont très friands d'établissements comme le notre (…) », tandis que par note du mois de novembre 2011 elle indiquait au sujet de la vente des véhicules Partner dont la société était propriétaire : « (…) si tu peux en tirer 3 ou voir 4.000 euros tant mieux pour éponger les dus (…) » ; qu'il s'ensuit qu'en dépit du contrat de travail souscrit et des lettres postérieures à la date de rupture des relations de travail, les pièces du dossier ci-avant examinées ne permettent pas d'établir la réalité d'un lien de subordination entre la société Le vieux moulin et Mme X... qui supporte la charge de la preuve ; que le jugement déféré sera dès lors infirmé et les parties invitées à mieux se pourvoir ; que les dépens ainsi qu'une somme de 1000 euros seront supportés par Mme X... ;
Alors, de première part, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste la réalité de rapporter la preuve de son caractère fictif ; qu'ayant relevé que Madame X... produisait un contrat de travail écrit la liant avec la société Le vieux Moulin en date du « 31 août 2007 » (arrêt, p. 3), la cour d'appel, en faisant peser néanmoins la charge de la preuve sur Madame X..., a inversé la charge de la preuve, et violé l'article 1315 du code civil.
Alors, de deuxième part, que l'exercice d'un mandat social ne fait pas obstacle à lui-seul à l'exercice d'un contrat de travail ; qu'en se bornant à relever que Madame X... s'est toujours présentée, avec son époux, comme propriétaires, patrons et associés de la société le vieux moulin, que ceux-ci ne travaillaient pas en réalité les mêmes jours et que Madame X... prenait des décisions de gestion ne relevant pas de ses fonctions d'employé administrative tandis que l'agenda servait de carte de liaison outre fiches de réservations reçues, qu'enfin Madame X... « écrivait au titre de la vente du restaurant dont les parties avaient convenu : "(…) essaye de cibler sur certains sites une clientèle étrangère les Anglais sont très friands d'établissements comme le notre (…)", tandis que par note du mois de novembre 2011 elle indiquait au sujet de la vente des véhicules Partner dont la société était propriétaire : "(…) si tu peux en tirer 3 ou voir 4.000 euros tant mieux pour éponger les dus (…) », sans constater que Madame X... exécutait les fonctions qui lui étaient dévolues par le contrat de travail écrit signé entre les parties en dehors de tout rapport de subordination juridique à l'égard de la société Le vieux moulin, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au sens de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Alors, de troisième part, qu'une gestion de fait se caractérise par l'exercice en toute indépendance d'une activité positive de direction de la société ; qu'en se bornant à relever que monsieur et Madame X... se sont toujours présentés comme propriétaires, patrons et associés de la société le vieux moulin, qu'ils ne travaillaient pas en réalité les mêmes jours et que Madame X... prenait des décisions de gestion ne relevant pas de ses fonctions d'employé administrative tandis que l'agenda servait de carte de liaison outre fiches de réservations reçues, qu'enfin Madame X... « écrivait au titre de la vente du restaurant dont les parties avaient convenu : "(…) essaye de cibler sur certains sites une clientèle étrangère les Anglais sont très friands d'établissements comme le notre (…)", tandis que par note du mois de novembre 2011 elle indiquait au sujet de la vente des véhicules Partner dont la société était propriétaire : "(…) si tu peux en tirer 3 ou voir 4.000 euros tant mieux pour éponger les dus (…) », sans caractériser une activité positive de gestion et de direction en toute liberté de Madame X... dans la société Le vieux moulin, la cour d'appel, statuant par des motifs impropres à caractériser une gestion de fait, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1221-1 du code du travail ;
Alors, en toute hypothèse, qu'à l'exception des cas où il estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge qui se déclare incompétent doit désigner la juridiction qu'il estime compétente ; qu'en déclarant la juridiction prud'homale incompétente pour connaître du litige opposant Madame X... à la société Le vieux moulin en se contentant d'appeler les parties à mieux se pourvoir sans toutefois désigner la juridiction estimée compétente pour connaître de ce litige, la cour d'appel a violé les articles 86 et 96 du code de procédure civile ;