LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° G14-28. 353 et J 14-28. 354 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Amiens, 8 octobre 2014), que M. X... a été engagé le 19 août 1991 par la société Sieval aux droits de laquelle vient la société Lear Corporation Seating France en qualité d'opérateur sellier ; que M. Y... a été engagé par cette dernière le 1er septembre 2003 en qualité agent de production ; qu'à la suite de l'annonce en janvier 2009 d'un projet de fermeture du site de production de Lagny-le-Sec où ils étaient affectés, les salariés ont participé à un mouvement de grève en avril 2009 ; que par arrêt du 17 avril 2009, la cour d'appel, statuant en référé, a ordonné l'expulsion des grévistes des locaux de cette usine ; que mis à pied à titre conservatoire le 23 avril 2009, ils ont été licenciés pour faute lourde par lettre du 12 mai 2009 ;
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes au titre de la nullité du licenciement et de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent procéder à la requête des particuliers à des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, et n'excèdent pas leurs pouvoirs lorsqu'ils procèdent à des auditions à seule fin d'éclairer leurs constatations ; qu'il résulte de ce texte qu'ils doivent demander aux salariés grévistes de décliner leur identité dès lors que cette identification ne saurait être valablement recherchée auprès de leur seul employeur ou de leur seul supérieur hiérarchique, ou encore du seul responsable des ressources humaines ; que le salarié contestait dans ses écritures avoir participé aux blocages de l'entreprise, précisant que s'il avait été présent lors des piquets de grève organisés par le mouvement social, à l'instar d'une centaine de salariés, sa présence parmi les manifestants ayant participé aux faits litigieux n'était nullement démontrée, nonobstant les indications erronées du responsable des ressources humaines consignées au sein des constats d'huissier, qui n'avait pas vérifié son identité ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats d'huissier réalisés sur les seules indications du responsable des ressources humaines et à la requête de l'employeur, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier des 21, 22 et 23 avril, ainsi que d'ailleurs le 28 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que les salariés dans leurs écritures contestaient avoir participé aux blocages de l'entreprise, et observait que l'huissier de justice avait noté son nom sur la simple indication du responsable des ressources humaines du site, sans même avoir vérifié son identité, dénonçait l'absence de contradiction ayant présidé à l'élaboration de ces constats, sur lesquels dès lors ne pouvaient se fonder exclusivement les juges pour décider de sa participation aux faits illicites ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats dépourvus de tout caractère contradictoire et dont le salarié contestait la pertinence, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier des 21, 22 et 23 avril, ainsi que d'ailleurs le 28 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que pour écarter le moyen développé par les salariés dans leurs conclusions d'appel, tiré de l'absence de désorganisation de l'entreprise due à la grève en raison notamment du recours illicite à la sous-traitance, par l'employeur, pour contourner les effets de la grève, recours constaté par un inspecteur du travail à l'occasion d'un contrôle réalisé le 4 mai 2009 dans un atelier de l'entreprise ISS logistique et production, au sein d'un ancien bâtiment de PSA Aulnay-sous-Bois, ce dont il résultait que l'abus du droit de grève justifiant le licenciement pour faute lourde n'était pas établi, la cour d'appel a énoncé qu'il ressortait du constat de l'inspecteur du travail que la prestation « qui aurait été confiée à la société ISS par la société Lear (…) a démarré le 29 avril précédent, soit postérieurement aux faits reprochés au salarié et à sa mise à pied » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait de ce document que parmi les salariés interrogés par l'inspecteur du travail à 12 h 30, l'un d'entre eux était sur place depuis le 27 avril 2009 (M. Z...) et l'autre depuis le 24 avril 2009 (M. A... Ahmed), ce dont il résultait que la société Lear avait eu recours à ce sous-traitant depuis au moins le 24 avril 2009 et non depuis le 29 avril suivant, la cour d'appel a dénaturé le constat de l'inspecteur du travail du 4 mai 2009, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que pour décider que la faute lourde reprochée au salarié était caractérisée, la cour d'appel a énoncé que les salariés « n'ignorait pas que l'impossibilité de livrer son unique client était de nature à remettre en cause la continuité même de l'entreprise » ; qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il était démontré que l'entreprise avait rapidement recouru aux services d'un sous-traitant pour contourner les effets de la grève, et qu'il ressortait de l'ordonnance du tribunal de grande instance de Senlis du 7 mai 2009 que « le terme qu'avait fixé la société Lear pour le transfert des contrats de travail était atteint », de sorte que les quelques salariés non-grévistes qui avaient pu continuer quelque temps à travailler à Lagny-le-Sec avaient pu désormais exercer leurs fonctions à Cergy, « s'ils n'encadr aient pas à Aulnay-sous-Bois les intérimaires recrutés de façon irrégulière », ce dont il résultait que la continuité même de l'entreprise n'avait pas été remise en cause par la participation, du reste non démontrée, des salariés aux actes litigieux, la cour d'appel qui a procédé par voie de simple affirmation a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du code du travail ;
5°/ que les salariés exposaient dans leurs écritures que s'il avait été licencié pour faute lourde pour avoir participé à des faits illicites pendant la grève, sur la foi des seules indications du responsable des ressources humaines du site, d'autres salariés de l'entreprise, qui avaient été attraits devant le juge des référés et qui avaient été identifiés de façon identique, n'avaient pas été sanctionnés ; qu'ils en déduisaient logiquement qu'ils avaient subi un traitement discriminatoire, lequel emportait la nullité de la sanction ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la société Lear Corporation avait, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, excédé les limites de son pouvoir et procédé à une discrimination en sanctionnant les salariés, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, ensemble l'article L. 2511-1 du code du travail ;
6°/ que les salariés ayant observé dans leurs écritures que d'autres salariés de l'entreprise, dont les noms figuraient aux côtés du sien sur les constats d'huissiers en ce qu'ils auraient également participé aux faits illicites, en particulier la déléguée syndicale, n'avaient pas été sanctionnés, la cour d'appel aurait dû rechercher si la circonstance que le maintien de plusieurs salariés dans l'entreprise avait été considéré par la société Lear corporation comme compatible avec l'intérêt de celle-ci, ne démontrait pas que les agissements reprochés à l'ensemble de ces salariés, dont les salariés, étaient dépourvus du caractère de la faute lourde invoquée pour justifier son licenciement ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'il revient aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur et la portée des constats d'huissiers, lesquels sont soumis à la libre discussion des parties lors du débat contradictoire devant la juridiction ; qu'il en résulte l'absence d'atteinte au principe de l'égalité des armes au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
Attendu ensuite qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des conclusions des salariés, reprises à l'audience, que ceux-ci aient soutenu devant la cour d'appel le grief tiré d'un licenciement discriminatoire ;
Attendu enfin qu'ayant apprécié souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis dont les constats d'huissiers de justice et le procès verbal de l'inspecteur du travail, la cour d'appel a constaté, hors toute dénaturation, que les salariés, bien qu'informés du caractère illicite de l'occupation des lieux et du blocage de l'accès au site après la notification de l'arrêt de référé de la cour d'appel ordonnant l'expulsion des grévistes suivie d'un commandement de quitter les lieux, avaient personnellement participé à la poursuite de ces opérations de blocage durant quatre jours, interdisant le travail de salariés non grévistes ; qu'elle en a exactement déduit que les licenciements étaient fondés sur une faute lourde ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en sa cinquième branche et dès lors irrecevable, et inopérant en ses quatrième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne solidairement MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° G 14-28. 353 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur José X... de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et congés payés afférents, de rappel de salaire pendant la mise à pied et indemnité de congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture,
Aux motifs adoptés qu'en application de l'article L. 2511-1 du Code du travail, seule une faute lourde peut justifier le licenciement d'un salarié gréviste ; que la faute lourde est caractérisée dès lors que les faits reprochés entravent le travail des autres salariés ou entraînent une désorganisation de l'entreprise ; que l'occupation des lieux de travail par les salariés grévistes qui résistent à une ordonnance d'expulsion peut aussi caractériser la faute lourde ; qu'en l'espèce, par arrêt en date du 17 avril 2009, la Cour d'Appel d'Amiens, statuant sur appel d'une ordonnance de référé du Président de Grande Instance de Senlis en date du 9 avril 2009 ayant rejeté les demandes de la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE dirigées contre Monsieur Faustin B...
C..., initiateur et animateur du mouvement social ayant débuté le 6 avril 2009, tendant à l'expulsion des salariés grévistes occupant les locaux de l'usine de Lagny-le-Sec, a infirmé l'ordonnance et ordonné l'expulsion des salariés grévistes des locaux de l'usine de la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE de Lagny-le-Sec ; que cet arrêt a été porté à la connaissance des salariés grévistes dès le 21 avril 2009 à 11h20, qui n'ont pas entendu y déférer ; qu'il a été constaté par Maître E..., huissier de justice, que le même jour à 12h18 Monsieur José X..., parmi une trentaine de personnes, a participé à empêcher le passage d'un camion 20 m3 au niveau du seul accès de l'usine resté libre ; que le 22 avril 2009, après la signification à Monsieur B...
C..., entouré de nombreux salariés grévistes, d'un commandement de quitter les lieux, à 13h30, et malgré un nouveau rappel oral de la part de l'huissier d'avoir à laisser libre accès au passage de camions de livraison, au niveau du seul accès encore libre, Monsieur José X..., parmi une trentaine de salariés grévistes, a de nouveau entravé le passage d'un camion de 20m3 qui a été contraint de rebrousser chemin devant la détermination du piquet de grève ; que sa participation active à ces faits illicites de blocage des entrées et sorties de camions de livraison a encore pu être observée le 23 avril 2009 (même si un premier camion a pu entrer dans l'usine pour y charger des sièges et en ressortir, un 2ème camion en a été empêché), puis le 28 avril 2009 ; que lors des constatations de l'huissier, Monsieur José X... a été précisément identifié, des membres de la direction ayant précisé à l'huissier constatant les identités des salariés qui empêchaient le passage des camions ; Monsieur José X... soutient à tort ne pas avoir été précisément identifié puisqu'il n'appartenait absolument pas à l'huissier, contrairement aux affirmations du salarié, de demander aux grévistes de décliner leur identité, ce qui aurait excédé ses pouvoirs et aurait eu pour effet de retirer toute valeur probante aux procès-verbaux ; que Monsieur José X... soutient aussi à tort que la prestation confiée à l'entreprise ISS Logistique et Production au sein de l'ancien bâtiment du B. T. U. de PSA Aulnay-sous-Bois consistant dans le contrôle et la finition de sièges importés d'Espagne destinés aux véhicules C2 et C3 de PSA permet d'établir que l'employeur s'était organisé de manière à ce que le mouvement de grève n'entraîne pas la désorganisation de l'entreprise ; qu'en effet, il résulte de l'examen du courrier de l'Inspecteur du Travail, Monsieur Guy D..., en date du 4 mai 2009, que LEAR a confié à ISS l'assemblage des dossiers arrières importés d'Espagne et leur livraison en bord de ligne PSA, outre le contrôle des sièges ; que le matériel permettant cette prestation (deux lignes de contrôle et de finition) n'a été installé par LEAR que le mercredi 29 avril 2009, soit plusieurs jours après l'arrêt de la Cour d'Appel ordonnant l'expulsion des grévistes resté sans effet devant la persistance des salariés grévistes à s'opposer à l'entrée des camions de livraison ; que la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE LAGNY n'a pas été en mesure de livrer les sièges à son unique client PSA en raison du blocage illégal des entrées et sorties des véhicules de livraison, ce qui l'a contraint à mettre en place cette solution alternative partielle et temporaire, ce qui ne contredit aucunement mais au contraire conforte la situation de désorganisation que subissait alors (fin avril 2009) depuis plusieurs jours l'entreprise ; qu'ainsi, en ayant fait obstacle de manière répétée à toute entrée ou sortie de véhicules de livraison, au mépris d'une décision judiciaire ordonnant la libération des lieux qui avait été portée à sa connaissance, la poursuite du blocage des accès à l'usine ayant entraîné une désorganisation de l'entreprise, placée alors dans l'impossibilité de livrer son seul client, Monsieur José X... a commis une faute lourde, justifiant sa mise à pied à titre conservatoire et la privation des indemnités de congés payés en cours d'acquisition, exclusive de toute indemnité et préavis ; qu'en outre l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire n'apparaît pas avoir été mené dans des circonstances vexatoires pour le salarié ; que les demandes à ces titres de Monsieur José X... seront donc rejetées ;
Et aux motifs propres que comme en matière de faute grave, la preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise et s'ils procèdent d'une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, intention qui doit être appréciée strictement et résulter d'éléments objectifs ; que la lettre de licenciement est libellée comme suit : « Un conflit social a débuté au sein de notre usine à compter du 6 avril 2009 au matin consécutivement à un appel à la cessation du travail. Plusieurs salariés grévistes, parmi lesquels vous vous êtes déclaré, ont rejoint ce mouvement qui a rapidement dégénéré en abus du droit de grève. Par une décision du 17 avril 2009, la cour d'appel d'Amiens a constaté l'existence de cet abus caractérisé par un blocage de l'usine, une atteinte à la liberté du travail des non-grévistes et des dégradations de matériel appartenant à l'entreprise et a ordonné l'expulsion des salariés grévistes dont vous étiez partie. En dépit de cette décision de justice, d'un commandement de quitter les lieux, d'une tentative d'expulsion infructueuse et de nombreux rappels à l'ordre de la direction, vous vous êtes refusé à cesser vos pratiques. Cette situation illicite a perduré dans les jours qui ont suivi et pendant plus de deux semaines consécutives. Au cours de cette période, nous avons pu constater, tout comme l'ont été relevé par voie d'huissier à diverses reprises, que vous avez directement participé à l'organisation physique et par l'édification d'un barrage et d'un brasier entretenu pour empêcher toute circulation, au blocage des entrées et sorties de l'usine. Vous avez ainsi, en toute illégalité, persistait à participer à ce mouvement abusif en utilisant des modes d'action prohibés ayant conduit à l'arrêt de toute livraison de notre production chez notre client PSA. La persistance de ce trouble manifestement illicite a été à l'origine de la plus grande confusion sur le site et a favorisé les comportements les plus déloyaux et plus particulièrement des vols et dégradations répétés, des provocations et propos injurieux à l'adresse des salariés nongrévistes, notamment pour l'équipe de nuit. De toute évidence, vous avez délibérément poursuivi un abus du droit de grève alors même que vous connaissiez la gravité des conséquences, pour l'entreprise, du blocage des entrées et des sorties et ainsi empêché le fonctionnement normal de notre entreprise. La teneur et la persistance de vos agissements, corroborés par les circonstances dans lesquelles vous avez cru devoir opérer, démontrent votre volonté manifeste déporter atteinte et de nuire à l'entreprise. Outre leur caractère illicite, vos actions ont été d'autant plus animées d'une réelle volonté de nuire que vous connaissiez la gravité de vos agissements et les conséquences majeures qu'ils pouvaient et ont emporté pour notre entreprise. Ces circonstances nous conduisent donc à vous notifier votre licenciement pour faute lourde, privatif de toute indemnité. » ; que l'employeur qui reproche à plusieurs salariés des faits identiques, ce qui est le cas dans une action collective, peut leur adresser la même lettre de licenciement, les faits devant être établis individuellement pour chaque salarié et les motifs invoqués, qui sont précis et matériellement vérifiables, pouvant être justifiés, en cas de contestation, par l'employeur qui est en droit d'invoquer toutes circonstances de fait ; qu'au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l'espèce la qualification de faute lourde aux griefs exposés dans la lettre de licenciement ; qu'ils ont notamment exactement relevé que le salarié était parfaitement informé du caractère illicite de l'occupation des lieux et du blocage de l'accès au site par arrêt de la cour de ce siège du 17 avril 2009 porté à sa connaissance le 21 avril 2009 et suivi d'un commandement de quitter les lieux le 22 avril et a cependant été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier des 21, 22 et 23 avril, ainsi que d'ailleurs le 28 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte ; qu'il est ainsi établi qu'il a participé à l'entretien de brasiers constitué de matériels de l'entreprise et au blocage de l'accès au site de l'entreprise pour les camions, blocage de nature à interdire le travail des non-grévistes, ces griefs invoqués dans la lettre de licenciement étant établis ; qu'il ressort par ailleurs et à tout le moins du constat de l'inspecteur du travail du 4 mai 2009, que la prestation qui aurait été confiée à ISS par la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY a démarré le 29 avril précédent, soit postérieurement aux faits reprochés à M. José X... et à sa mise à pied ; qu'il s'en déduit encore des éléments au soutien de l'affirmation de la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY selon laquelle elle était dans l'incapacité de fournir à son unique client la prestation attendue et par conséquent que son activité était complètement désorganisée, ainsi qu'il résulte du constat d'huissier en date du 28 avril 2009 produit par la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY selon lequel les grévistes continuaient à empêcher totalement les camions d'avoir accès au site ; que les premiers juges ont ainsi exactement caractérisé, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, à l'égard du salarié un comportement fautif d'une gravité telle qu'il imposait son éviction immédiate de l'entreprise, comportement délibérément destiné à nuire à la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY, dont M. José X... n'ignorait pas que l'impossibilité de livrer son unique client était de nature à remettre en cause la continuité même de l'entreprise ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit justifié par une faute lourde le licenciement de M. José X... et débouté le salarié de ses demandes en conséquence de la rupture de son contrat de travail, en ce comprises ses demandes au titre de la mise à pied et au titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture, dans la mesure où il ne résulte pas des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de cette procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire ;
Alors, d'une part, que selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent procéder à la requête des particuliers à des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, et n'excèdent pas leurs pouvoirs lorsqu'ils procèdent à des auditions à seule fin d'éclairer leurs constatations ; qu'il résulte de ce texte qu'ils doivent demander aux salariés grévistes de décliner leur identité dès lors que cette identification ne saurait être valablement recherchée auprès de leur seul employeur ou de leur seul supérieur hiérarchique, ou encore du seul responsable des ressources humaines ; que le salarié contestait dans ses écritures avoir participé aux blocages de l'entreprise, précisant que s'il avait été présent lors des piquets de grève organisés par le mouvement social, à l'instar d'une centaine de salariés, sa présence parmi les manifestants ayant participé aux faits litigieux n'était nullement démontrée, nonobstant les indications erronées du responsable des ressources humaines consignées au sein des constats d'huissier, qui n'avait pas vérifié son identité ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats d'huissier réalisés sur les seules indications du responsable des ressources humaines et à la requête de l'employeur, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier des 21, 22 et 23 avril, ainsi que d'ailleurs le 28 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Alors, d'autre part, en tout état de cause, que le salarié qui dans ses écritures contestait avoir participé aux blocages de l'entreprise, et observait que l'huissier de justice avait noté son nom sur la simple indication du responsable des ressources humaines du site, sans même avoir vérifié son identité, dénonçait l'absence de contradiction ayant présidé à l'élaboration de ces constats, sur lesquels dès lors ne pouvaient se fonder exclusivement les juges pour décider de sa participation aux faits illicites ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats dépourvus de tout caractère contradictoire et dont le salarié contestait la pertinence, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier des 21, 22 et 23 avril, ainsi que d'ailleurs le 28 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la Cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors, en outre, que pour écarter le moyen développé par le salarié dans ses conclusions d'appel, tiré de l'absence de désorganisation de l'entreprise due à la grève en raison notamment du recours illicite à la sous-traitance, par l'employeur, pour contourner les effets de la grève, recours constaté par un inspecteur du travail à l'occasion d'un contrôle réalisé le 4 mai 2009 dans un atelier de l'entreprise ISS Logistique et Production, au sein d'un ancien bâtiment de PSA Aulnay sous bois, ce dont il résultait que l'abus du droit de grève justifiant le licenciement pour faute lourde n'était pas établi, la Cour d'appel a énoncé qu'il ressortait du constat de l'inspecteur du travail que la prestation « qui aurait été confiée à la société ISS par la société LEAR (…) a démarré le 29 avril précédent, soit postérieurement aux faits reprochés à M. José X... et à sa mise à pied » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait de ce document que parmi les salariés interrogés par l'inspecteur du travail à 12h30, l'un d'entre eux était sur place depuis le 27 avril 2009 (M. Z... Chemsedine) et l'autre depuis le 24 avril 2009 (M. A... Ahmed), ce dont il résultait que la société LEAR avait eu recours à ce sous-traitant depuis au moins le 24 avril 2009 et non depuis le 29 avril suivant, la Cour d'appel a dénaturé le constat de l'inspecteur du travail du 4 mai 2009, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, par ailleurs, que pour décider que la faute lourde reprochée au salarié était caractérisée, la Cour d'appel a énoncé que Monsieur X... « n'ignorait pas que l'impossibilité de livrer son unique client était de nature à remettre en cause la continuité même de l'entreprise » ; qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il était démontré que l'entreprise avait rapidement recouru aux services d'un sous-traitant pour contourner les effets de la grève, et qu'il ressortait de l'ordonnance du Tribunal de Grande Instance de SENLIS du 7 mai 2009 que « le terme qu'avait fixé la société LEAR pour le transfert des contrats de travail était atteint », de sorte que les quelques salariés non-grévistes qui avaient pu continuer quelque temps à travailler à Lagny le Sec avaient pu désormais exercer leurs fonctions à Cergy, « s'ils n'encadr aient pas à Aulnay sous bois les intérimaires recrutés de façon irrégulière », ce dont il résultait que la continuité même de l'entreprise n'avait pas été remise en cause par la participation, du reste non démontrée, du salarié aux actes litigieux, la Cour d'appel qui a procédé par voie de simple affirmation a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du Code du travail ;
Alors, subsidiairement, que Monsieur X... exposait dans ses écritures que s'il avait été licencié pour faute lourde pour avoir participé à des faits illicites pendant la grève, sur la foi des seules indications du responsable des ressources humaines du site, d'autres salariés de l'entreprise, qui avaient été attraits devant le juge des référés et qui avaient été identifiés de façon identique, n'avaient pas été sanctionnés ; qu'il en déduisait logiquement qu'il avait subi un traitement discriminatoire, lequel emportait la nullité de la sanction ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la société LEAR CORPORATION avait, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, excédé les limites de son pouvoir et procédé à une discrimination en sanctionnant Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1132-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 2511-1 du Code du travail ;
Alors, enfin, que Monsieur X... ayant observé dans ses écritures que d'autres salariés de l'entreprise, dont les noms figuraient aux côtés du sien sur les constats d'huissiers en ce qu'ils auraient également participé aux faits illicites, en particulier la déléguée syndicale Evelyne F..., n'avaient pas été sanctionnés, la Cour d'appel aurait dû rechercher si la circonstance que le maintien de plusieurs salariés dans l'entreprise avait été considéré par la société LEAR CORPORATION comme compatible avec l'intérêt de celle-ci, ne démontrait pas que les agissements reprochés à l'ensemble de ces salariés, dont Monsieur X..., étaient dépourvus du caractère de la faute lourde invoquée pour justifier son licenciement ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du Code du travail.
Moyen produit au pourvoi n° J 14-28. 354 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Philippe Y... de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et congés payés afférents, de rappel de salaire pendant la mise à pied et indemnité de congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture,
Aux motifs adoptés qu'en application de l'article L. 2511-1 du Code du travail, seule une faute lourde peut justifier le licenciement d'un salarié gréviste ; que la faute lourde est caractérisée dès lors que les faits reprochés entravent le travail des autres salariés ou entraînent une désorganisation de l'entreprise ; que l'occupation des lieux de travail par les salariés grévistes qui résistent à une ordonnance d'expulsion peut aussi caractériser la faute lourde ; qu'en l'espèce, par arrêt en date du 17 avril 2009, la Cour d'Appel d'Amiens, statuant sur appel d'une ordonnance de référé du Président de Grande Instance de Senlis en date du 9 avril 2009 ayant rejeté les demandes de la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE dirigées contre Monsieur Faustin B...
C..., initiateur et animateur du mouvement social ayant débuté le 6 avril 2009, tendant à l'expulsion des salariés grévistes occupant les locaux de l'usine de Lagny-le-Sec, a infirmé l'ordonnance et ordonné l'expulsion des salariés grévistes des locaux de l'usine de la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE de Lagny-le-Sec ; que cet arrêt a été porté à la connaissance des salariés grévistes dès le 21 avril 2009 à 11h20, qui n'ont pas entendu y déférer ; que le 22 avril 2009, après la signification à Monsieur B...
C..., entouré de nombreux salariés grévistes, d'un commandement de quitter les lieux, à 13h30, et malgré un nouveau rappel oral de la part de l'huissier d'avoir à laisser libre accès au passage de camions de livraison, au niveau du seul accès encore libre, Monsieur Philippe Y..., parmi une trentaine de salariés grévistes, a de nouveau entravé le passage d'un camion de 20m3 qui a été contraint de rebrousser chemin devant la détermination du piquet de grève ; que sa participation active à ces faits illicites de blocage des entrées et sorties de camions de livraison a encore pu être observée le 23 avril 2009 (même si un premier camion a pu entrer dans l'usine pour y charger des sièges et en ressortir, un 2ème camion en a été empêché) ; que lors des constatations de l'huissier, Monsieur Philippe Y... a été précisément identifié, des membres de la direction ayant précisé à l'huissier constatant les identités des salariés qui empêchaient le passage des camions ; Monsieur Philippe Y... soutient à tort ne pas avoir été précisément identifié puisqu'il n'appartenait absolument pas à l'huissier, contrairement aux affirmations du salarié, de demander aux grévistes de décliner leur identité, ce qui aurait excédé ses pouvoirs et aurait eu pour effet de retirer toute valeur probante aux procès-verbaux ; que Monsieur Philippe Y... soutient aussi à tort que la prestation confiée à l'entreprise ISS Logistique et Production au sein de l'ancien bâtiment du B. T. U. de PSA Aulnay-sous-Bois consistant dans le contrôle et la finition de sièges importés d'Espagne destinés aux véhicules C2 et C3 de PSA permet d'établir que l'employeur s'était organisé de manière à ce que le mouvement de grève n'entraîne pas la désorganisation de l'entreprise ; qu'en effet, il résulte de l'examen du courrier de l'Inspecteur du Travail, Monsieur Guy D..., en date du 4 mai 2009, que LEAR a confié à ISS l'assemblage des dossiers arrières importés d'Espagne et leur livraison en bord de ligne PSA, outre le contrôle des sièges ; que le matériel permettant cette prestation (deux lignes de contrôle et de finition) n'a été installé par LEAR que le mercredi 29 avril 2009, soit plusieurs jours après l'arrêt de la Cour d'Appel ordonnant l'expulsion des grévistes resté sans effet devant la persistance des salariés grévistes à s'opposer à l'entrée des camions de livraison ; que la Société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE LAGNY n'a pas été en mesure de livrer les sièges à son unique client PSA en raison du blocage illégal des entrées et sorties des véhicules de livraison, ce qui l'a contraint à mettre en place cette solution alternative partielle et temporaire, ce qui ne contredit aucunement mais au contraire conforte la situation de désorganisation que subissait alors (fin avril 2009) depuis plusieurs jours l'entreprise ; qu'ainsi, en ayant fait obstacle de manière répétée à toute entrée ou sortie de véhicules de livraison, au mépris d'une décision judiciaire ordonnant la libération des lieux qui avait été portée à sa connaissance, la poursuite du blocage des accès à l'usine ayant entraîné une désorganisation de l'entreprise, placée alors dans l'impossibilité de livrer son seul client, Monsieur José X... a commis une faute lourde, justifiant sa mise à pied à titre conservatoire et la privation des indemnités de congés payés en cours d'acquisition, exclusive de toute indemnité et préavis ; qu'en outre l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire n'apparaît pas avoir été mené dans des circonstances vexatoires pour le salarié ; que les demandes à ces titres de Monsieur Philippe Y... seront donc rejetées ;
Et aux motifs propres que comme en matière de faute grave, la preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise et s'ils procèdent d'une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, intention qui doit être appréciée strictement et résulter d'éléments objectifs ; que la lettre de licenciement est libellée comme suit : « Un conflit social a débuté au sein de notre usine à compter du 6 avril 2009 au matin consécutivement à un appel à la cessation du travail. Plusieurs salariés grévistes, parmi lesquels vous vous êtes déclaré, ont rejoint ce mouvement qui a rapidement dégénéré en abus du droit de grève. Par une décision du 17 avril 2009, la cour d'appel d'Amiens a constaté l'existence de cet abus caractérisé par un blocage de l'usine, une atteinte à la liberté du travail des non-grévistes et des dégradations de matériel appartenant à l'entreprise et a ordonné l'expulsion des salariés grévistes dont vous étiez partie. En dépit de cette décision de justice, d'un commandement de quitter les lieux, d'une tentative d'expulsion infructueuse et de nombreux rappels à l'ordre de la direction, vous vous êtes refusé à cesser vos pratiques. Cette situation illicite a perduré dans les jours qui ont suivi et pendant plus de deux semaines consécutives. Au cours de cette période, nous avons pu constater, tout comme l'ont été relevé par voie d'huissier à diverses reprises, que vous avez directement participé à l'organisation physique et par l'édification d'un barrage et d'un brasier entretenu pour empêcher toute circulation, au blocage des entrées et sorties de l'usine. Vous avez ainsi, en toute illégalité, persistait à participer à ce mouvement abusif en utilisant des modes d'action prohibés ayant conduit à l'arrêt de toute livraison de notre production chez notre client PSA. La persistance de ce trouble manifestement illicite a été à l'origine de la plus grande confusion sur le site et a favorisé les comportements les plus déloyaux et plus particulièrement des vols et dégradations répétés, des provocations et propos injurieux à l'adresse des salariés nongrévistes, notamment pour l'équipe de nuit. De toute évidence, vous avez délibérément poursuivi un abus du droit de grève alors même que vous connaissiez la gravité des conséquences, pour l'entreprise, du blocage des entrées et des sorties et ainsi empêché le fonctionnement normal de notre entreprise. La teneur et la persistance de vos agissements, corroborés par les circonstances dans lesquelles vous avez cru devoir opérer, démontrent votre volonté manifeste déporter atteinte et de nuire à l'entreprise. Outre leur caractère illicite, vos actions ont été d'autant plus animées d'une réelle volonté de nuire que vous connaissiez la gravité de vos agissements et les conséquences majeures qu'ils pouvaient et ont emporté pour notre entreprise. Ces circonstances nous conduisent donc à vous notifier votre licenciement pour faute lourde, privatif de toute indemnité. » ; que l'employeur qui reproche à plusieurs salariés des faits identiques, ce qui est le cas dans une action collective, peut leur adresser la même lettre de licenciement, les faits devant être établis individuellement pour chaque salarié et les motifs invoqués, qui sont précis et matériellement vérifiables, pouvant être justifiés, en cas de contestation, par l'employeur qui est en droit d'invoquer toutes circonstances de fait ; qu'au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l'espèce la qualification de faute lourde aux griefs exposés dans la lettre de licenciement ; qu'ils ont notamment exactement relevé que le salarié était parfaitement informé du caractère illicite de l'occupation des lieux et du blocage de l'accès au site par arrêt de la cour de ce siège du 17 avril 2009 porté à sa connaissance le 21 avril 2009 et suivi d'un commandement de quitter les lieux le 22 avril et a cependant été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier du 22 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte ; qu'il est ainsi établi qu'il a participé à l'entretien de brasiers constitué de matériels de l'entreprise et au blocage de l'accès au site de l'entreprise pour les camions, blocage de nature à interdire le travail des non-grévistes, ces griefs invoqués dans la lettre de licenciement étant établis ; qu'il ressort par ailleurs et à tout le moins du constat de l'inspecteur du travail du 4 mai 2009, que la prestation qui aurait été confiée à ISS par la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY a démarré le 29 avril précédent, soit postérieurement aux faits reprochés à M. Philippe Y... et à sa mise à pied ; qu'il s'en déduit encore des éléments au soutien de l'affirmation de la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY selon laquelle elle était dans l'incapacité de fournir à son unique client la prestation attendue et par conséquent que son activité était complètement désorganisée, ainsi qu'il résulte du constat d'huissier en date du 28 avril 2009 produit par la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY selon lequel les grévistes continuaient à empêcher totalement les camions d'avoir accès au site ; que les premiers juges ont ainsi exactement caractérisé, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, à l'égard du salarié un comportement fautif d'une gravité telle qu'il imposait son éviction immédiate de l'entreprise, comportement délibérément destiné à nuire à la société LEAR CORPORATION SEATING FRANCE CERGY, dont M. Philippe Y... n'ignorait pas que l'impossibilité de livrer son unique client était de nature à remettre en cause la continuité même de l'entreprise ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit justifié par une faute lourde le licenciement de M. Philippe Y... et débouté le salarié de ses demandes en conséquence de la rupture de son contrat de travail, en ce comprises ses demandes au titre de la mise à pied et au titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture, dans la mesure où il ne résulte pas des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de cette procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire ;
Alors, d'une part, que selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent procéder à la requête des particuliers à des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, et n'excèdent pas leurs pouvoirs lorsqu'ils procèdent à des auditions à seule fin d'éclairer leurs constatations ; qu'il résulte de ce texte qu'ils doivent demander aux salariés grévistes de décliner leur identité dès lors que cette identification ne saurait être valablement recherchée auprès de leur seul employeur ou de leur seul supérieur hiérarchique, ou encore du seul responsable des ressources humaines ; que le salarié contestait dans ses écritures avoir participé aux blocages de l'entreprise, précisant que s'il avait été présent lors des piquets de grève organisés par le mouvement social, à l'instar d'une centaine de salariés, sa présence parmi les manifestants ayant participé aux faits litigieux n'était nullement démontrée, nonobstant les indications erronées du responsable des ressources humaines consignées au sein des constats d'huissier, qui n'avait pas vérifié son identité ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats d'huissier réalisés sur les seules indications du responsable des ressources humaines et à la requête de l'employeur, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier du 22 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Alors, d'autre part, en tout état de cause, que le salarié qui dans ses écritures contestait avoir participé aux blocages de l'entreprise, et observait que l'huissier de justice avait noté son nom sur la simple indication du responsable des ressources humaines du site, sans même avoir vérifié son identité, dénonçait l'absence de contradiction ayant présidé à l'élaboration de ces constats, sur lesquels dès lors ne pouvaient se fonder exclusivement les juges pour décider de sa participation aux faits illicites ; qu'en se fondant pourtant exclusivement sur des constats dépourvus de tout caractère contradictoire et dont le salarié contestait la pertinence, pour décider que « le salarié avait été nommément mis en cause comme ayant personnellement poursuivi des actions de blocage par constat d'huissier du 22 avril, le salarié ne contredisant pas utilement l'identification qui en résulte », la Cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors, en outre, que pour écarter le moyen développé par le salarié dans ses conclusions d'appel, tiré de l'absence de désorganisation de l'entreprise due à la grève en raison notamment du recours illicite à la sous-traitance, par l'employeur, pour contourner les effets de la grève, recours constaté par un inspecteur du travail à l'occasion d'un contrôle réalisé le 4 mai 2009 dans un atelier de l'entreprise ISS Logistique et Production, au sein d'un ancien bâtiment de PSA Aulnay sous bois, ce dont il résultait que l'abus du droit de grève justifiant le licenciement pour faute lourde n'était pas établi, la Cour d'appel a énoncé qu'il ressortait du constat de l'inspecteur du travail que la prestation « qui aurait été confiée à la société ISS par la société LEAR (…) a démarré le 29 avril précédent, soit postérieurement aux faits reprochés à M. Philippe Y... et à sa mise à pied » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait de ce document que parmi les salariés interrogés par l'inspecteur du travail à 12h30, l'un d'entre eux était sur place depuis le 27 avril 2009 (M. Z... Chemsedine) et l'autre depuis le 24 avril 2009 (M. A... Ahmed), ce dont il résultait que la société LEAR avait eu recours à ce sous-traitant depuis au moins le 24 avril 2009 et non depuis le 29 avril suivant, la Cour d'appel a dénaturé le constat de l'inspecteur du travail du 4 mai 2009, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, par ailleurs, que pour décider que la faute lourde reprochée au salarié était caractérisée, la Cour d'appel a énoncé que Monsieur Y... « n'ignorait pas que l'impossibilité de livrer son unique client était de nature à remettre en cause la continuité même de l'entreprise » ; qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il était démontré que l'entreprise avait rapidement recouru aux services d'un sous-traitant pour contourner les effets de la grève, et qu'il ressortait de l'ordonnance du Tribunal de Grande Instance de SENLIS du 7 mai 2009 que « le terme qu'avait fixé la société LEAR pour le transfert des contrats de travail était atteint », de sorte que les quelques salariés non-grévistes qui avaient pu continuer quelque temps à travailler à Lagny le Sec avaient pu désormais exercer leurs fonctions à Cergy, « s'ils n'encadr aient pas à Aulnay sous bois les intérimaires recrutés de façon irrégulière », ce dont il résultait que la continuité même de l'entreprise n'avait pas été remise en cause par la participation, du reste non démontrée, du salarié aux actes litigieux, la Cour d'appel qui a procédé par voie de simple affirmation a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du Code du travail ;
Alors, subsidiairement, que Monsieur Y... exposait dans ses écritures que s'il avait été licencié pour faute lourde pour avoir participé à des faits illicites pendant la grève, sur la foi des seules indications du responsable des ressources humaines du site, d'autres salariés de l'entreprise, qui avaient été attraits devant le juge des référés et qui avaient été identifiés de façon identique, n'avaient pas été sanctionnés ; qu'il en déduisait logiquement qu'il avait subi un traitement discriminatoire, lequel emportait la nullité de la sanction ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la société LEAR CORPORATION avait, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, excédé les limites de son pouvoir et procédé à une discrimination en sanctionnant Monsieur Y..., la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1132-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 2511-1 du Code du travail ;
Alors, enfin, que Monsieur Y... ayant observé dans ses écritures que d'autres salariés de l'entreprise, dont les noms figuraient aux côtés du sien sur les constats d'huissiers en ce qu'ils auraient également participé aux faits illicites, en particulier la déléguée syndicale Evelyne F..., n'avaient pas été sanctionnés, la Cour d'appel aurait dû rechercher si la circonstance que le maintien de plusieurs salariés dans l'entreprise avait été considéré par la société LEAR CORPORATION comme compatible avec l'intérêt de
celle-ci, ne démontrait pas que les agissements reprochés à l'ensemble de ces salariés, dont Monsieur Y..., étaient dépourvus du caractère de la faute lourde invoquée pour justifier son licenciement ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du Code du travail.