La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2016 | FRANCE | N°14-28170

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2016, 14-28170


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 6 novembre 2014, RG n° 13/ 16040), que, le 19 juillet 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances sis à Bandol, susceptibles d'être occupés not

amment par M. et Mme X..., afin de rechercher la preuve de la fraude fiscal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 6 novembre 2014, RG n° 13/ 16040), que, le 19 juillet 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances sis à Bandol, susceptibles d'être occupés notamment par M. et Mme X..., afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale commise par les sociétés de droit luxembourgeois Barysud, Baya et Barylux au regard de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. et Mme X... ont formé un recours contre le déroulement des opérations, effectuées le 23 juillet 2013 ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance de rejeter leur demande d'annulation des opérations de visite et des saisies alors, selon le moyen :

1°/ que l'administration fiscale ne peut appréhender que des documents et supports d'information se rapportant, au moins en partie, aux agissements visés par l'ordonnance judiciaire autorisant les opérations de visite et saisie domiciliaires, et ceci quelles que soient la nature et la forme de ces documents et supports d'information ; que, d'autre part, il appartient à la juridiction du premier président de la cour d'appel, saisie d'un recours contre le déroulement d'opérations de visite et de saisie, de contrôler que les pièces appréhendées entrent dans le cadre de l'autorisation donnée, par la confrontation de l'ordonnance d'autorisation et des pièces saisies ; qu'en se fondant seulement, quant à la question de savoir si les pièces appréhendées entraient dans le cadre de l'autorisation donnée, pour exclure que les opérations de visite et de saisie litigieuses aient été massives et indifférenciées, sur la mention, sur le procès-verbal de visite et de saisie, par les agents de l'administration fiscale eux-mêmes qu'ils avaient constaté la présence, parmi les données accessibles à partir de l'ordinateur qui se trouvait dans les lieux visités, de documents entrant dans le champ de l'autorisation, sans contrôler elle-même que les fichiers appréhendés par l'administration fiscale entraient dans le cadre de l'autorisation donnée, par la confrontation de l'ordonnance d'autorisation et des fichiers saisis, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'il appartient à l'officier de police judiciaire présent lors des opérations de visite et de saisie de veiller spontanément au respect du secret professionnel et des droits de la défense, même en l'absence de difficulté étant apparue pendant le cours des opérations et même en l'absence de remarque formulée par l'occupant des lieux ou par son représentant ; qu'en énonçant, par conséquent, pour écarter le moyen tiré de la passivité de l'officier de police judiciaire lors des opérations de visite et de saisie litigieuses, qu'il résultait du procès-verbal de saisie qu'aucune difficulté n'était apparue pendant le cours des opérations qui aurait nécessité l'intervention spécifique de l'officier de police judiciaire et que le représentant des occupants des lieux n'avait formulé aucune remarque avant de signer le procès-verbal, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'inventaire des pièces et documents saisis doit être signé par les agents de l'administration des impôts, par l'officier de police judiciaire, par l'occupant des lieux ou son représentant, et, en cas d'impossibilité, par deux témoins ; qu'en écartant, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité des inventaires, après avoir relevé que les inventaires des fichiers informatiques saisis figuraient sur des CD qui ne portaient que les paraphes, et non les signatures, des parties présentes, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, que contrairement à ce que postule la première branche, s'il appartient au premier président de la cour d'appel, saisi d'un recours contre les opérations de visite et de saisie arguant que les pièces appréhendées n'entraient pas dans le cadre de l'autorisation donnée, de procéder à cette vérification en confrontant les pièces et l'autorisation, encore faut-il que le demandeur précise et produise les pièces qui lui paraissent avoir été saisies illicitement ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'il résultait des procès-verbaux qu'aucune difficulté n'était apparue durant les opérations et que les parties intéressées n'avaient formulé aucune remarque avant la signature des procès-verbaux, c'est à bon droit que le premier président a retenu qu'il ne pouvait être reproché à l'officier de police judiciaire, tenu de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, d'être resté passif ;

Et attendu, enfin, qu'ayant relevé souverainement que les paraphes apposés sur les cédéroms non réinscriptibles comportant l'inventaire des fichiers saisis, annexés aux procès-verbaux, étaient ceux des personnes présentes ayant signé ces documents, le magistrat délégué a pu considérer que ces paraphes valaient signatures ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Le pourvoi fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR déclaré non fondé le recours formé par M. et Mme Jean-Pierre X... et D'AVOIR débouté en conséquence M. et Mme Jean-Pierre X... de leur demande d'annulation totale ou partielle des opérations de visite et de saisie diligentées le 23 juillet 2013 dans les locaux situés 24, boulevard Louis Lumière à Bandol ;

AUX MOTIFS QUE « sur la validité des opérations de saisie./ À l'appui de leur demande d'invalidation de l'ensemble des opérations de saisie, les époux X... invoquent une saisie massive, indifférenciée et disproportionnée des fichiers de l'ordinateur présent dans les locaux visités et une violation manifeste de la procédure visée à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Il convient d'examiner successivement ces deux moyens./ Sur la saisie des fichiers./ Les époux X... soutiennent que l'administration a procédé à la saisie de l'intégralité des fichiers de l'ordinateur présent dans les locaux sans discernement ni considération tenant à leur éventuel lien avec la fraude présumée ou à leur caractère privé ou confidentiel. Ils ajoutent que le logiciel utilisé par l'administration interdit tout tri postérieur à la saisie dans la mesure où le support des fichiers est indivisible et insécable ce qui ne permet pas au juge d'exercer un contrôle juridictionnel efficace dès lors que l'intitulé des fichiers inventoriés ne renseigne pas sur leur contenu réel et ne permet pas de les identifier. Ces dires des demandeurs ne sont toutefois pas étayés par des éléments précis./ Il résulte de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales que les agents de l'administration des impôts peuvent, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, procéder à la saisie de documents papiers ou informatiques dans les lieux déterminés par l'ordonnance d'autorisation. Pour respecter le principe de proportionnalité découlant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, la saisie ne peut porter que sur des documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance d'autorisation./ Il ressort du procès-verbal de saisie et de l'inventaire que les agents de l'administration fiscale ont notamment procédé à l'examen des données accessibles à partir d'un ordinateur présent dans le bureau. Les agents ont mentionné qu'ils avaient constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation et ont procédé à une extraction des fichiers en utilisant les fonctionnalités du logiciel Encase. La saisie n'a porté que sur 230 fichiers qui ont pu être gravés sur un CD unique, étant précisé qu'aucun fichier de messagerie n'a été saisi. Il n'y a ainsi pas eu copie intégrale du disque dur de l'ordinateurs examiné./ Il appartient en outre aux demandeurs au recours de préciser quels fichiers ou éléments de fichiers seraient insaisissables en indiquant la raison pour chacune des pièces. Et en tout état de cause, le caractère insaisissable de certaines pièces n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres pièces./ En l'espèce, l'extraction de fichiers avec le logiciel Encase, le fait que la saisie ne porte que sur 230 fichiers qui ont été inventoriés et l'absence de toute précision sur l'insaisissabilité des pièces saisies sont autant d'éléments montrant qu'il n'y a pas eu saisie massive et indifférenciée justifiant l'invalidation de l'intégralité des opérations de visite et de saisie domiciliaires./ Sur la violation de la procédure de saisie./ Sur la passivité de l'officier de police judiciaire./ Les époux X... soutiennent que l'officier de police judiciaire présent aux opérations de visite et de saisie a eu un rôle purement passif dans la mesure où il a laissé les agents de l'administration copier l'intégralité du disque dur de l'ordinateur ce qui a entraîné une saisie indifférenciée des fichiers./ L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dispose que l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale./ En l'espèce, l'administration fiscale souligne à juste titre qu'il résulte du procès-verbal de saisie qu'aucune difficulté n'est apparue pendant le cours des opérations qui aurait nécessité l'intervention spécifique de l'officier de police judiciaire, étant observé que l'occupant des lieux n'a formulé aucune remarque même s'il a refusé de signer le procès-verbal. Par ailleurs, la copie de l'intégralité du disque dur et la saisie indifférenciée ne sont nullement établies. Il s'ensuit que le moyen tiré de la passivité de l'officier de police judiciaire ne peut être retenu./ Sur la régularité de l'inventaire./ Les demandeurs soulèvent l'irrégularité de l'inventaire aux motifs qu'il n'a pas été signé, qu'il ne mentionne pas les voies de recours ni les possibilités offertes à l'occupant des lieux de contester son établissement et de solliciter, en cas de difficultés, la mise sous scellés de la saisie./ L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière et exige seulement qu'il soit signé par les parties présentes aux opérations./ En l'espèce, seuls ont été saisis des fichiers informatiques inventoriés sur un CD non réinscriptible annexé au procès-verbal, lequel relate en détail la procédure de saisie et précise les modalités de la voie de recours ouverte pour contester les opérations. Un exemplaire du CD d'inventaire a été remis à Monsieur X.... Dans la mesure où aucune difficulté n'a été soulevée pour la réalisation de l'inventaire, les éléments saisis n'ont pas été placés sous scellés ce qui rendait inutile une information sur l'ouverture de scellés inexistants. Le procès-verbal des opérations de visite et de saisie a été signé et le CD d'inventaire paraphé par toutes les parties intervenantes, à l'exception de Monsieur X... qui a refusé de signer./ Les dispositions de la loi ont dès lors été respectées et les demandeurs ont été en mesure de connaître la nature des données appréhendées. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'inventaire sera en conséquence rejeté./ Sur l'annulation de la saisie de certains fichiers./ Il appartient aux demandeurs de lister et de produire les pièces pour lesquelles ils sollicitent l'annulation de la saisie en indiquant les motifs de la demande, afin de permettre à la juridiction saisie d'exercer un contrôle effectif sur le bienfondé de la demande./ Or, les époux X... se contentent d'une demande générale d'annulation des fichiers ayant trait à des correspondances privées, confidentielles et hors du champ de l'autorisation des ordonnances des 18 et 23 juillet 2013. Il ne peut être fait droit à une telle demande en l'absence de toute indication précise des pièces concernées et de leur production » (cf., ordonnance attaquée, p. 3 à 5) ;

ALORS QUE, de première part, l'administration fiscale ne peut appréhender que des documents et supports d'information se rapportant, au moins en partie, aux agissements visés par l'ordonnance judiciaire autorisant les opérations de visite et saisie domiciliaires, et ceci quelles que soient la nature et la forme de ces documents et supports d'information ; que, d'autre part, il appartient à la juridiction du premier président de la cour d'appel, saisie d'un recours contre le déroulement d'opérations de visite et de saisie, de contrôler que les pièces appréhendées entrent dans le cadre de l'autorisation donnée, par la confrontation de l'ordonnance d'autorisation et des pièces saisies ; qu'en se fondant seulement, quant à la question de savoir si les pièces appréhendées entraient dans le cadre de l'autorisation donnée, pour exclure que les opérations de visite et de saisie litigieuses aient été massives et indifférenciées, sur la mention, sur le procès-verbal de visite et de saisie, par les agents de l'administration fiscale eux-mêmes qu'ils avaient constaté la présence, parmi les données accessibles à partir de l'ordinateur qui se trouvait dans les lieux visités, de documents entrant dans le champ de l'autorisation, sans contrôler elle-même que les fichiers appréhendés par l'administration fiscale entraient dans le cadre de l'autorisation donnée, par la confrontation de l'ordonnance d'autorisation et des fichiers saisis, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de deuxième part, il appartient à l'officier de police judiciaire présent lors des opérations de visite et de saisie de veiller spontanément au respect du secret professionnel et des droits de la défense, même en l'absence de difficulté étant apparue pendant le cours des opérations et même en l'absence de remarque formulée par l'occupant des lieux ou par son représentant ; qu'en énonçant, par conséquent, pour écarter le moyen tiré de la passivité de l'officier de police judiciaire lors des opérations de visite et de saisie litigieuses, qu'il résultait du procès-verbal de saisie qu'aucune difficulté n'était apparue pendant le cours des opérations qui aurait nécessité l'intervention spécifique de l'officier de police judiciaire et que l'occupant des lieux n'avait formulé aucune remarque même s'il a refusé de signer le procès-verbal, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de troisième part, l'inventaire des pièces et documents saisis doit être signé par les agents de l'administration des impôts, par l'officier de police judiciaire, par l'occupant des lieux ou son représentant, et, en cas d'impossibilité, par deux témoins ; qu'en écartant, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'inventaire, après avoir relevé que l'inventaire des fichiers informatiques saisis figurait sur un CD qui ne portait que les paraphes, et non les signatures, des parties présentes, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-28170
Date de la décision : 03/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2016, pourvoi n°14-28170


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28170
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award