La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2016 | FRANCE | N°14-88193

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 avril 2016, 14-88193


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jacques X...,- La société Drugstore Champs-Elysées,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 2 décembre 2014, qui, pour emploi de salariés le jour du 1er mai, a condamné le premier, à trente-deux amendes de 50 euros, et la seconde, à trente-deux amendes de 200 euros ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapp

orteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ; ...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jacques X...,- La société Drugstore Champs-Elysées,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 2 décembre 2014, qui, pour emploi de salariés le jour du 1er mai, a condamné le premier, à trente-deux amendes de 50 euros, et la seconde, à trente-deux amendes de 200 euros ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 3132-12, L. 3133-4, L. 3133-6, R. 3132-5 du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X..., ès qualités, coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné, ès qualités, à trente-deux amendes contraventionnelles de 50 euros à titre de peines principales, pour trente-deux infractions de non-respect des règles sur le chômage du 1er mai et sur son indemnisation, et en ce qu'il a déclaré la société Drugstore Champs-Elysées coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamnée à trente-deux amendes contraventionnelles de 200 euros à titre de peines principales, pour trente-deux infractions de non-respect des règles sur le chômage du 1er mai et sur son indemnisation ;
" aux motifs propres que, aux termes de l'arrêt attaqué, « il résulte du procès-verbal dressé le 17 septembre 2014 par l'inspection du travail que trente-deux infractions aux règles du chômage le 1er mai ont été relevées le 1er mai 2012 à l'encontre de la société Drugstore Champs-Elysées qui exploite un « magasin à comptoirs multiples » comprenant une brasserie formée d'une salle et d'une cuisine, ainsi que de plusieurs boutiques ; que les inspecteurs ont en effet constaté la présence de trente-deux salariés « en situation de travail », onze en qualité d'hôtesse d'accueil, maître d'hôtel, chef de rang et barmaid au bar brasserie, six en qualité de chef de partie, cuisinier et runner en cuisine et quinze en qualité de directeur et responsable des boutiques, hôtesse de vente pour les différentes boutiques, responsable de magasin et responsable de la cave à vin ; qu'il ressort des bulletins de paie des salariés que ceux-ci ont perçu un paiement majoré pour le travail du « jour férié 1er mai » ; que, pour justifier le recours au travail le 1er mai, les prévenus font valoir que le concept de drugstore consiste à faire bénéficier les parisiens, et plus généralement toutes les personnes se trouvant à Paris, d'un ensemble de services restaurant, cinéma et boutiques, accessibles tous les jours de l'année de 8 heures – 10 heures les samedis, dimanches et jours fériés, à 2 heures du matin ; qu'au surplus le drugstore en cause, situé sur l'avenue des Champs-Elysées, est en zone touristique très fréquentée tous les jours de l'année, les restaurants et boutiques étant pour la plupart ouverts toute l'année sans interruption ; qu'au surplus, les salariés relèvent de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants et d'un accord collectif d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail en date du 25 novembre 2011 qui prévoit expressément le travail du 1er mai ; mais qu'aux tenues de l'article L. 3133-4 du code du travail « le 1er mai est un jour férié et chômé » ; que, si l'article L. 3133-6 prévoit une dérogation pour « les établissements et services ne pouvant, en raison de la nature de leur activité, interrompre le travail », cette disposition n'institue aucune dérogation de principe au repos du 1er mai en faveur des établissements et services bénéficiant comme en l'espèce à raison des activités de brasserie et débit de tabac du repos par roulement ; qu'il appartient à celui qui se prévaut de cette dérogation d'établir que la nature de l'activité exercée ne permet pas d'interrompre le travail le jour du 1er mai ; qu'en se bornant à invoquer le choix d'un modèle économique et les raisons purement commerciales impliquant l'ouverture quotidienne au public, l'organisation matérielle imbriquée des locaux comprenant des services communs, l'emplacement géographique de l'établissement au coeur d'un centre touristique « sans interruption », les prévenus ne caractérisent pas l'incapacité absolue d'interrompre le travail en raison de la nature de l'activité ; que, par ailleurs, les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants ne créent aucune obligation effective de présence des salariés « prévus au planning le jour du 1er mai » ; que l'accord collectif sur l'aménagement du temps de travail du 25 novembre 2011, également argué par les appelants n'a pour objet exclusif que celui de préciser les obligations de l'employeur concernant la rémunération du 1er mai et de déclarer souhaitable la présence des personnels affectés aux boutiques, cinémas et restaurants ; qu'en l'état de ces éléments, dont aucune autorisation inconditionnelle de dérogation au chômage du 1er mai ne peut se déduire, il y a lieu de confirmer le jugement ; qu'eu égard aux circonstances des infractions et à la personnalité de leurs auteurs, le jugement sera également confirmé sur le prononcé des peines ;
" et aux motifs adoptés que, aux termes du jugement entrepris, il résulte des débats de l'audience et des pièces versées à la procédure que M. X... a bien commis les faits qui lui sont reprochés ;
" 1°) alors que les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail le 1er mai, sont les mêmes que les industries dans lesquelles sont utilisées les matières susceptibles d'altération très rapide et les mêmes que celles dans lesquelles toute interruption de travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication, ainsi que les catégories d'établissements et établissements mentionnés à l'article R. 3132-5 du code du travail, et qui sont admis, en application de l'article L. 3132-12, à donner le repos hebdomadaire par roulement pour les salariés employés aux travaux ou activités spécifiés dans le tableau figurant à l'article R. 3132-5 du code du travail, parmi lesquels figurent les « cafés et restaurants » ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 2°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire ; que dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la SNC Drugstore Champs-Elysées exposaient, notamment, pour établir que la nature des activités litigieuses ne permettait pas d'interrompre le travail le 1er mai, que cet établissement comportait à titre principal « des services de restauration pour lesquels il a toujours été admis une dérogation aux règles imposant le chômage du 1er mai », ces services de restauration nécessitant le recours à « de nombreuses données périssables », ainsi que le fait que la configuration des locaux en fait un lieu « non divisible » devant obligatoirement être traversé pour accéder « aux toilettes ainsi qu'au restaurant du Drugstore » ; qu'ils exposaient subsidiairement qu'en tout état de cause, la matérialité de l'infraction n'était pas établie « concernant les dix-sept salariés affectés à l'activité de brasserie et de restauration » ; qu'en jugeant que les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés et restaurant ne créent aucune obligation effective de présence des salariés « prévus au planning le jour du 1er mai », sans répondre aux conclusions des prévenus alléguant que par nature les activités de restauration du Drugstore, notamment, en raison de l'utilisation de nombreuses denrées périssables et de l'indivisibilité des locaux, justifiaient son ouverture le 1er mai, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire ; que page 7 in fine de leurs écritures d'appel, M. X... et la société Drugstore Champs-Elysées exposaient que conformément aux règles légales et conventionnelles, les trente-deux salariés ayant travaillé le 1er mai « ont tous bénéficié en sus de leur rémunération d'une indemnité égale au montant de leur salaire journalier » ; qu'en les condamnant pour non-respect des règles sur l'indemnisation du travail le 1er mai après avoir relevé qu'il « ressort des bulletins de paie des salariés que ceux-ci ont perçu un paiement majoré pour le travail du « jour férié 1er mai », sans vérifier si ce paiement majoré ne satisfaisait pas aux exigences légales, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du travail, base des poursuites, que la société Drugstore Champs-Elysées et son dirigeant, M. X..., ont été poursuivis devant la juridiction de proximité pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article L. 3133-4 du code du travail, en employant, le 1er mai, trente-deux salariés au sein du drugstore, magasin à comptoirs multiples comprenant une brasserie et des boutiques de presse internationale, librairie, magasin de cadeaux, épicerie, caves à vin et à cigares ; que la juridiction ayant déclaré les prévenus coupables, ceux-ci ont interjeté appel ainsi que le ministère public ; Sur le moyen pris, en ses première et troisième branches :

Attendu qu'en énonçant que l'article L. 3133-6 du code précité n'institue aucune dérogation de principe au repos du 1er mai en faveur des établissements et des activités bénéficiant du repos par roulement, l'arrêt a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Mais, sur le moyen pris, en sa deuxième branche :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt énonce que les prévenus font valoir un modèle économique impliquant une ouverture quotidienne, l'organisation matérielle imbriquée des locaux comprenant des services communs et implantés dans un centre historique, mais n'établissent pas l'incapacité absolue d'interrompre le travail, le 1er mai, en raison de la nature de l'activité exercée par la société ; que les juges ajoutent que la convention collective des hôtels, cafés et restaurants invoquée ne crée aucune obligation effective de présence des salariés prévus au planning du 1er mai et qu'il en est de même de l'accord collectif sur l'aménagement du temps de travail du 25 novembre 2011 ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des appelants faisant valoir que dix-sept salariés avaient été régulièrement affectés à la brasserie, dont la nature de l'activité de restauration, en raison, notamment, des nombreuses denrées périssables utilisées, justifiait son ouverture le 1er mai, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 décembre 2014, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. X... et la société Drugstore Champs-Elysées à dix-sept amendes relatives aux salariés affectés à la brasserie, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-88193
Date de la décision : 12/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 avr. 2016, pourvoi n°14-88193


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.88193
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award