LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société civile immobilière Capimmo du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Analyses de risques immobiliers et la société GAN assurances IARD ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (Civ 1re , 20 septembre 2012, pourvoi n° 11-14.546), que, par acte du 10 juin 2002, la société civile immobilière Capimmo (la SCI) a vendu divers lots de copropriété à la société Cime en formation (la SARL), représentée par ses deux associés fondateurs ; qu'invoquant le fait que la superficie réelle des locaux vendus était inférieure de plus d'un vingtième à celle figurant dans l'acte, la SARL a, par acte du 4 juin 2003, assigné la SCI en réduction de prix ; qu'un jugement du 13 janvier 2009 a déclaré cette demande irrecevable au motif que la SARL ne démontrait pas qu'elle avait acquis la qualité d'acquéreur avant l'extinction du délai de déchéance prévu par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 , faute de rapporter la preuve, selon les modalités prévues par l'article 1328 du code civil, de la date du procès-verbal d'assemblée générale de reprise des actes accomplis pendant sa période de formation, qu'elle a produit, portant la date du 31 octobre 2002 ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de déclarer la SARL recevable en son action en diminution du prix, alors, selon le moyen :
1°/ que la société Cime se bornait, dans ses écritures d'appel, à faire valoir que l'acte de reprise des engagements des associés par une société était déclaratif et n'avait pas à être publié pour être opposable aux tiers ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'effet rétroactif de l'engagement de reprise, qui aurait conféré la qualité de propriétaire ab initio à la société Cime et rendu indifférent le fait de s'interroger sur la date de la délibération des associés valant reprise de leurs engagements, sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que la déchéance du droit d'agir résultant de l'écoulement d'un délai de forclusion doit être appréciée à la date d'expiration dudit délai de forclusion, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation a posteriori ; que le délai préfix prévu à peine de déchéance par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, qui impose au propriétaire d'un bien immobilier d'introduire son action en diminution du prix de vente dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique, n'est susceptible d'aucune prolongation et suppose que la partie qui a introduit son action dans ce délai ait eu la qualité d'acquéreur à la date d'introduction de l'instance, ou à tout le moins qu'elle ait acquis cette qualité avant l'expiration du délai de déchéance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que par l'effet de la reprise des engagements résultant d'une délibération d'assemblée générale – dont la date était expressément contestée par la société Capimmo qui soutenait qu'elle était intervenue plusieurs années après l'expiration du délai de forclusion – la société Cime aurait repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 et aurait été, par le jeu de la rétroactivité attachée à cette reprise, réputée propriétaire de l'immeuble ab initio, en sorte qu'il aurait été indifférent de s'interroger sur la date de cette reprise ; qu'en statuant ainsi, cependant que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion du droit d'agir devait s'apprécier à la date d'expiration du délai, le 10 juin 2003, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation ultérieure, et que la cour d'appel avait donc l'obligation de déterminer la date réelle de reprise des engagements par la société Cime pour établir si celle-ci avait bien acquis la qualité de propriétaire avant l'expiration dudit délai de forclusion, le 10 juin 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 122 et 126 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas contesté que la SARL, régulièrement immatriculée, avait repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 par une délibération de ses associés, la cour d'appel, qui n'a pas violé le principe de la contradiction, en a exactement déduit que peu importait la date de la délibération dès lors que, par l'effet rétroactif de cette reprise, la SARL était réputée propriétaire de l'immeuble à l'égard des tiers et de la SCI depuis l'origine de la vente le 10 juin 2002 et justifiait avoir qualité pour agir en diminution de prix le 4 juin 2003 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Capimmo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Capimmo et la condamne à payer à la société Cime la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Capimmo.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement rendu le 13 janvier 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille et, statuant à nouveau, D'AVOIR déclaré la société CIME recevable en son action en diminution du prix ;
AUX MOTIFS QU'il reste à examiner la reprise par la délibération des associés dont la SCI CAPIMMO, qui conclut à la confirmation du jugement, soutient quelle n'a pas date certaine à son égard, par application de l'article 1328 du code civil ; ainsi qu'elle l'expose clairement en pages 15 à 17 de ses écritures, la SCI CAPIMMO ne conteste pas l'existence de la délibération valant reprise ni même l'intention des associés de reprendre les engagements au moyen d'une délibération prise en assemblée générale. Elle ne conteste que la date portée sur la délibération qui, selon elle, serait fausse pour être intervenue plusieurs années après la date indiquée ; Ni l'existence du procès-verbal d'assemblée générale litigieux, produit en original devant la cour, ni l'intention de la société régulièrement immatriculée le 2 août 2002 de rependre les engagements de ses associés ne sont contestées par la SCI CAPIMMO qui ne discute donc pas l'actuelle qualité de propriétaire de la SARL CIME mais qui soutient que celle-ci ne justifie pas avoir eu cette qualité au jour de l'introduction de l'instance et au plus tard au jour de l'expiration du délai de déchéance soit le 10 juin 2003 ; que l'acte de reprise des engagements étant déclaratif, il n'est soumis à aucune forme de publicité pour être opposable aux tiers ; que dès lors que la SARL CIME, régulièrement immatriculée, a repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 par une délibération de ses associés, ce qui n'est pas discuté par l'intimée, cette société est devenue propriétaire de l'immeuble depuis l'origine et la rétroactivité de cette acquisition est opposable aux tiers et à la SCI CAPIMMO ; que dans ces conditions, il est indifférent que la délibération ait été prise à la date indiquée sur le procès-verbal ou à une date ultérieure dès lors que, par l'effet de cette reprise, la Sarl CIME, réputée propriétaire de l'immeuble à l'égard des tiers et de la SCI CAPIMMO depuis l'origine de la vente en juin 2002, justifie avoir eu qualité pour agir en diminution du prix le 4 juin 2003 ; que le moyen tiré de l'absence de date certaine de la délibération valant reprise doit être rejeté ; et comme l'instance a été introduite dans le délai d'un an de l'article 46 qui expirait le 10 juin 2003, l'action de la Sarl CIME doit être déclarée recevable sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'original du registre des délibérations ni l'original de toutes les délibérations prises par la société depuis son immatriculation ; que le jugement sera infirmé ;
ALORS D'UNE PART QUE la société CIME se bornait, dans ses écritures d'appel, à faire valoir que l'acte de reprise des engagements des associés par une société était déclaratif et n'avait pas à être publié pour être opposable aux tiers ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'effet rétroactif de l'engagement de reprise, qui aurait conféré la qualité de propriétaire ab initio à la société CIME et rendu indifférent le fait de s'interroger sur la date de la délibération des associés valant reprise de leurs engagements, sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART ET QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE la déchéance du droit d'agir résultant de l'écoulement d'un délai de forclusion doit être appréciée à la date d'expiration dudit délai de forclusion, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation a posteriori ; que le délai préfix prévu à peine de déchéance par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, qui impose au propriétaire d'un bien immobilier d'introduire son action en diminution du prix de vente dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique, n'est susceptible d'aucune prolongation et suppose que la partie qui a introduit son action dans ce délai ait eu la qualité d'acquéreur à la date d'introduction de l'instance, ou à tout le moins qu'elle ait acquis cette qualité avant l'expiration du délai de déchéance ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a estimé que par l'effet de la reprise des engagements résultant d'une délibération d'assemblée générale – dont la date était expressément contestée par la Société CAPIMMO qui soutenait qu'elle était intervenue plusieurs années après l'expiration du délai de forclusion – la Société CIME aurait repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 et aurait été, par le jeu de la rétroactivité attachée à cette reprise, réputée propriétaire de l'immeuble ab initio, en sorte qu'il aurait été indifférent de s'interroger sur la date de cette reprise ; qu'en statuant ainsi, cependant que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion du droit d'agir devait s'apprécier à la date d'expiration du délai, le 10 juin 2003, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation ultérieure, et que la Cour d'appel avait donc l'obligation de déterminer la date réelle de reprise des engagements par la société CIME pour établir si celle-ci avait bien acquis la qualité de propriétaire avant l'expiration dudit délai de forclusion, le 10 juin 2003, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 122 et 126 du Code de procédure civile.