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07/04/2016 | FRANCE | N°14-28259

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 avril 2016, 14-28259


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 octobre 2014), que M. X... a été engagé le 1er avril 2006, en qualité d'attaché commercial, par la société Y... utilitaire, avec reprise d'ancienneté de vendeur à compter de l'année 2000 ; qu'il a, le 7 mars 2011, constitué une société exerçant, comme la société Y... utilitaire, le commerce des véhicules utilitaires et que les deux sociétés sont entrées en relations commerciales ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 24 mai 2012 ;

Sur le moyen

unique :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement pour f...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 octobre 2014), que M. X... a été engagé le 1er avril 2006, en qualité d'attaché commercial, par la société Y... utilitaire, avec reprise d'ancienneté de vendeur à compter de l'année 2000 ; qu'il a, le 7 mars 2011, constitué une société exerçant, comme la société Y... utilitaire, le commerce des véhicules utilitaires et que les deux sociétés sont entrées en relations commerciales ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 24 mai 2012 ;

Sur le moyen unique :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement pour faute lourde justifié alors, selon le moyen :
1°/ qu'imposer au salarié la restitution de son téléphone portable professionnel et des clés d'accès à l'entreprise, à un moment où il n'a pas encore reçu de notification d'une mise à pied conservatoire, constitue un licenciement verbal ; que la cour d'appel a constaté que le 24 avril 2012, jour de la venue de l'huissier de justice requis par le salarié pour faire constater les agissements de son employeur, ce dernier avait exigé qu'il restitue les clés d'accès aux locaux de l'entreprise et son téléphone portable professionnel ; qu'en excluant un licenciement verbal, au motif que par lettre du 24 avril 2012, l'employeur lui avait notifié une mise à pied conservatoire, quand cette lettre avait nécessairement été reçue postérieurement à cette date par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que ne commet pas de faute lourde avec l'intention de nuire à l'employeur le salarié qui dénonce les infractions et fautes de l'employeur commises au préjudice d'une société dont il est le gérant et informe des tiers de cette situation ; qu'il est constant que le salarié a dénoncé la pose, par son employeur, de fausses plaques d'immatriculation sur les véhicules que lui confiait en dépôt la société Gers utilitaires, dont le salarié était le gérant, faits d'escroquerie pour lesquels un rappel à la loi a été notifié au gérant de la SARL Y... utilitaire par le procureur de la République ; qu'en décidant, néanmoins, que cette dénonciation du salarié et son intervention auprès de la société Eurogage pour qu'elle contrôle la société Y... utilitaire, en l'informant qu'elle apposait de fausses plaques d'immatriculation, constituait une violation des obligations nées du contrat de travail dans l'intention de nuire à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;
3°/ que le fait, pour un salarié, de porter à la connaissance du procureur de la République des faits qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, ne constitue pas une faute ; qu'en excluant toute incidence, sur le litige prud'homal, du litige pénal entre la société Y... utilitaire, employeur du salarié, et la société Gers utilitaires, dont ce dernier était le gérant, cependant que la dénonciation par le salarié de faits avérés, pénalement sanctionnés, commis par son employeur au préjudice de la société Gers utilitaires, était déterminante et excluait toute violation de son obligation de loyauté envers l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le téléphone portable professionnel et les clefs d'accès à l'entreprise avaient été restitués à l'occasion de la notification verbalement faite au salarié de sa mise à pied conservatoire et que le salarié avait non pas dénoncé une infraction au procureur de la République, mais insinué à un client de l'entreprise que le véhicule acquis par lui n'était pas en règle, caractérisant ainsi la volonté du salarié de nuire à l'entreprise, indépendamment du litige pénal opposant celle-ci à l'entreprise créée par le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... notifié pour faute lourde était justifié ;
Aux motifs que la faute lourde est une violation des obligations nées du contrat de travail commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ; qu'il incombe à l'employeur de prouver cette intention de nuire ; que selon la lettre de licenciement, « Le 2 avril 2012, à 14 h 39 mn, l'entreprise a été destinataire du message suivant : Oui bonjour, c'est Monsieur Z..., j'ai eu votre message l'autre jour, au niveau des papiers qu'il fallait contacter la gendarmerie tout ça, mais bon veuillez me rappeler, mais bon, car les papiers ils sont pas à moi donc ce serait bien que ce soit vous qui vous en occupiez, alors tenez moi au courant, merci. Ce message a été constaté par Maître C..., huissier de justice le 23 avril 2012. Cet huissier a pris l'attache de Monsieur Z..., client de l'entreprise, et, le 25 avril 2012, ce dernier lui a déclaré avoir reçu un sms du portable personnel de Monsieur X... lui indiquant qu'il fallait contacter rapidement la gendarmerie de Fleurance en la personne de Monsieur A... car il pourrait rencontrer des problèmes lors de la demande de changement de carte grise, laissant supposer que le véhicule qu'il a acheté à Y... utilitaire aurait été volé. Monsieur Z... a également déclaré avoir été à la gendarmerie et avoir rencontré Monsieur A..., lequel a procédé à des contrôles au niveau du véhicule concerné et qu'aucune anomalie n'a été révélée. Ces faits de dénonciation calomnieuse commis à l'égard de l'entreprise, constitutifs d'un manquement à vos obligations, atteste de l'intention délibérée de nuire à notre entreprise dans le but d'en tirer un profit personnel. Par ailleurs, au cours de la semaine du 16 au 20 avril 2012, vous vous êtes adressé à la société Eurogage afin d'initier un contrôle ; ce contrôle effectué, le représentant de la société Eurogage a déclaré à Monsieur Y... que ce contrôle avait été déclenché suite à une alerte de son employé Monsieur X..., lequel a procédé à des allégations peu rassurantes pour la société Eurogage. Vous vous êtes rendu coupable de détournement de clientèle : Monsieur Nicolas B... a attesté en ce sens, en indiquant que le commercial Monsieur X... m'a clairement dit de venir voir un camion à son domicile (Gers Utilitaires) après avoir écouté mes critères ; j'ai finalement fait l'acquisition d'un Ford transit benne chez un autre vendeur, marque qui est bien présente chez S. Utilitaire » ; que M. X..., par le biais de la société Gers utilitaires dont il était le gérant, a acheté à la société Y... utilitaire, en réalisant une marge commerciale, divers véhicules, qu'il vendait pour le compte de la société Y... utilitaire dont il était le salarié, moyennant une commission ; qu'à juste titre l'A. G. S. souligne l'absence d'incidence du litige pénal né à l'occasion du commerce entre Y... utilitaire et Gers utilitaires, sur le litige prud'homal opposant M. X..., salarié, à son employeur, la société Y... utilitaire ; que l'objet du présent litige est l'exécution par le salarié des obligations de son contrat de travail, en particulier son obligation de loyauté envers l'employeur ; qu'il est établi par le constat d'huissier de justice le 23 avril 2012 et le procès-verbal de gendarmerie du 16 avril 2012, que la société Y... utilitaire a reçu un message sur son répondeur téléphonique émanant de son client « M. Z... » dont il ressort que M. X... a insinué auprès de ce client que le véhicule acquis par lui à Y... utilitaire n'était pas en règle, au point que M. Z... a contacté la gendarmerie qui a effectué des vérifications en recherchant si les véhicules de la société Y... utilitaire étaient inscrits au fichier des véhicules volés ; qu'il est par ailleurs confirmé par Eurogage que M. X..., entre le 16 et le 20 avril 2012, est intervenu, non pas auprès des autorités de police ou de gendarmerie afin de dénoncer des faits de nature pénale, mais auprès de cet organisme, afin qu'il procède à un contrôle au sein de la société Y... utilitaire, en le mettant en garde sur le fait que son employeur, apposait de fausses plaques d'immatriculation ; que ces faits sont constitutifs de manquements de M. X... à son obligation de loyauté envers l'employeur ayant comme dessein de porter atteinte au crédit de la société Y... utilitaire ; que ces griefs constituent à eux seuls une violation des obligations nées du contrat de travail commise dans l'intention de nuire à l'employeur ; que le licenciement a exactement été prononcé pour faute lourde, sans qu'il y ait lieu d'examiner le grief de détournement de clientèle ; que la mise à pied conservatoire de M. X... et la demande de remise des clés et de son téléphone portable sont intervenues simultanément le 24 avril 2012, jour de la venue de l'huissier de justice requis par M. X... afin de faire constater les agissements de l'employeur ; qu'en conséquence, le motif de licenciement est avéré et simultané à la mise à pied ;
Alors 1°) qu'imposer au salarié la restitution de son téléphone portable professionnel et des clés d'accès à l'entreprise, à un moment où il n'a pas encore reçu de notification d'une mise à pied conservatoire, constitue un licenciement verbal ; que la cour d'appel a constaté que le 24 avril 2012, jour de la venue de l'huissier de justice requis par M. X... pour faire constater les agissements de son employeur, ce dernier avait exigé qu'il restitue les clés d'accès aux locaux de l'entreprise et son téléphone portable professionnel ; qu'en excluant un licenciement verbal, au motif que par lettre du 24 avril 2012, l'employeur lui avait notifié une mise à pied conservatoire, quand cette lettre avait nécessairement été reçue postérieurement à cette date par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 2°) que ne commet pas de faute lourde avec l'intention de nuire à l'employeur le salarié qui dénonce les infractions et fautes de l'employeur commises au préjudice d'une société dont il est le gérant et informe des tiers de cette situation ; qu'il est constant que M. X... a dénoncé la pose, par son employeur, de fausses plaques d'immatriculation sur les véhicules que lui confiait en dépôt la société Gers utilitaires, dont M. X... était le gérant, faits d'escroquerie pour lesquels un rappel à la loi a été notifié au gérant de la Sarl Y... utilitaire par le procureur de la République ; qu'en décidant, néanmoins, que cette dénonciation de M. X... et son intervention auprès de la société Eurogage pour qu'elle contrôle la société Y... utilitaire, en l'informant qu'elle apposait de fausses plaques d'immatriculation, constituait une violation des obligations nées du contrat de travail dans l'intention de nuire à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;
Alors 3°) que le fait, pour un salarié, de porter à la connaissance du procureur de la République des faits qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, ne constitue pas une faute ; qu'en excluant toute incidence, sur le litige prud'homal, du litige pénal entre la société Y... utilitaire, employeur de M. X..., et la société Gers utilitaires, dont ce dernier était le gérant, cependant que la dénonciation par M. X... de faits avérés, pénalement sanctionnés, commis par son employeur au préjudice de la société Gers utilitaires, était déterminante et excluait toute violation de son obligation de loyauté envers l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-28259
Date de la décision : 07/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 07 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 avr. 2016, pourvoi n°14-28259


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28259
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