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31/03/2016 | FRANCE | N°15-14265

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 31 mars 2016, 15-14265


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le cabinet Chevalier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2015), que M. X..., salarié de la société Polyfilms, représentée par son liquidateur judiciaire, la société SMJ, a été victime, le 18 février 2005, d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) ; qu'après reconnaissance de la faute i

nexcusable de l'employeur, M. X... a saisi aux fins d'indemnisation de son ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le cabinet Chevalier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2015), que M. X..., salarié de la société Polyfilms, représentée par son liquidateur judiciaire, la société SMJ, a été victime, le 18 février 2005, d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) ; qu'après reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, M. X... a saisi aux fins d'indemnisation de son préjudice une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnisation qui lui a été accordée au titre de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle, alors, selon le moyen, qu'en l'absence d'aléa quant à la survenance de l'événement favorable qui n'a pu advenir du fait de l'accident, le préjudice subi par la victime du fait de cet accident doit être indemnisé dans son intégralité ; qu'en jugeant que M. X... n'aurait droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice lié à sa perte de promotion professionnelle, après avoir constaté que « les attestations établissent que M. X... suivait, lors de la survenue de l'accident du travail, une formation de six mois à l'issue de laquelle il aurait pris des fonctions de chef de ligne, mieux rémunérées, en septembre 2005 », d'où il résultait que l'accident du 18 février 2005 l'avait privé de cette promotion et avait donc créé un risque qui s'était réalisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle est distinct de celui résultant de la perte de gains professionnels futurs, indemnisé par la rente ;
Et attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'indemnisation de la perte d'une chance de promotion ne pouvait recouvrir la perte de salaire, la cour d'appel a exactement déduit que la demande de M. X... de percevoir l'intégralité du salaire différentiel de septembre 2005 jusqu'à son licenciement économique ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice matériel, alors, selon le moyen :
1°/ que le préjudice correspondant au coût de l'intervention d'un jardinier professionnel pour effectuer les travaux lourds de jardinage que les séquelles de l'accident ne permettent plus à M. X... d'effectuer est distinct du préjudice extrapatrimonial d'agrément et du préjudice réparé par la rente qui lui est versée par la caisse primaire d'assurance maladie qui indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, qui est un préjudice extrapatrimonial ; qu'en déboutant M. X... de sa demande au titre de ce préjudice matériel au motif qu'il « tente rait de contourner la restriction apportée à l'étendue du préjudice d'agrément ou la finalité de la rente qui lui versée », la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'en déboutant M. X... de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel au motif inopérant que M. X... ne prouve pas son incapacité à effectuer des travaux de jardinage, sans rechercher s'il ne se trouvait pas, du fait de l'accident, dans l'impossibilité d'effectuer les travaux lourds dont il avait demandé la prise en charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en refusant d'indemniser M. X... du préjudice qu'il subit du fait de l'obligation dans laquelle il se trouve de recourir aux services d'un jardinier professionnel pour effectuer certains travaux lourds dans sa propriété, au motif que « M. Mohamed X... ne démontre pas ¿ qu'un autre membre de sa famille ne seraient à même d'assurer l'entretien de ce jardin et qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de considérer que le recours à une entreprise pour effectuer cet entretien soit indispensable », la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant au paiement d'une somme de 60 601, 32 euros relative au coût des prestations d'un jardinier eu égard à l'impossibilité dans laquelle il serait d'entretenir le parc de son domicile, l'arrêt énonce que les nouvelles règles d'indemnisation des préjudices personnels, postérieures à la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 n'emportent pas de réparation intégrale de tous les préjudices ; qu'ensuite, M. X..., qui ne prouve pas son incapacité à effectuer des travaux de jardinage, tente de contourner la restriction apportée à l'étendue du préjudice d'agrément ou la finalité de la rente qui lui est versée ;
Qu'en l'état de ces énonciations et constatations souveraines de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle dont il résulte que M. X... n'a pas apporté la preuve d'un préjudice non couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la caisse :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire qu'elle supportera le coût de l'expertise médicale, alors, selon le moyen :
1°/ que dans les procédures en reconnaissance de faute inexcusable, aucune disposition légale ne prévoit que les frais des expertises judiciaires diligentées pour déterminer les préjudices de la victime sont supportés par les caisses primaires d'assurance maladie ; qu'en mettant à la charge de la caisse le coût de l'expertise judiciaire ordonnée par le jugement du 20 avril 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;
2°/ que seule une partie perdante peut être condamnée à supporter les dépens, à moins que le juge, par décision motivée, ne les mette en totalité ou en partie à la charge d'une autre partie ; qu'en matière d'action en reconnaissance de faute inexcusable, c'est l'employeur reconnu coupable d'une telle faute qui est la seule partie perdante ; qu'aussi, en condamnant la caisse à supporter le coût de l'expertise judiciaire, cependant que la partie perdante était l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision de condamnation de la caisse aux dépens, a violé l'article 696 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 452-3, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, que les frais d'expertise ordonnée en vue de l'évaluation des chefs de préjudice subis par la victime d'un accident de travail dû à la faute inexcusable de l'employeur sont avancés par la caisse qui en récupère le montant auprès de celui-ci ; que lorsque l'employeur est soumis à une procédure collective, leur montant est récupéré par voie de déclaration de créance, lorsque l'accident est antérieur à l'ouverture de cette procédure ;
Et attendu que l'arrêt constate que la caisse n'a pas procédé en temps utile à la déclaration de sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire de la société Polyfilms ;
D'où il suit qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité le montant de l'indemnisation accordée à M. X... au titre de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle à la somme de 30. 000 euros et d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes complémentaires à ce titre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la perte de chance de promotion professionnelle, ne peut ici être prise en compte que la chance sérieuse de promotion professionnelle ; que les attestations établissent que M. X... suivait, lors de la survenue de l'accident du travail, une formation de six mois à l'issue de laquelle il aurait pris des fonctions de chef de ligne, mieux rémunérées, en septembre 2005 ; que le premier juge a justement précisé que l'indemnisation de la perte d'une chance de promotion ne pouvait recouvrer la perte de salaire, la réparation dont s'agit devant réparer la perte d'espérance salariale ; que la demande de M. X... de percevoir l'intégralité du salaire différentiel de septembre 2005 jusqu'à son licenciement économique ne peut donc être accueillie et le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé ce préjudice à la somme de 30 000 euros ;
ALORS QU'en l'absence d'aléa quant à la survenance de l'événement favorable qui n'a pu advenir du fait de l'accident, le préjudice subi par la victime du fait de cet accident doit être indemnisé dans son intégralité ; qu'en jugeant que M. X... n'aurait droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice lié à sa perte de promotion professionnelle, après avoir constaté que « les attestations établissent que M. X... suivait, lors de la survenue de l'accident du travail, une formation de six mois à l'issue de laquelle il aurait pris des fonctions de chef de ligne, mieux rémunérées, en septembre 2005 » (arrêt p. 4, al. 7), d'où il résultait que l'accident du 18 février 2005 l'avait privé de cette promotion et avait donc créé un risque qui s'était réalisé, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 60. 601, 32 euros en réparation du préjudice matériel qu'il subit du fait de l'obligation dans laquelle il se trouve de recourir aux services d'un jardinier pour pallier son incapacité à effectuer des travaux lourds de jardinage ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... demande paiement d'une somme de 60. 601, 32 euros en se référant au coût des prestations d'un jardinier (devis annuel de 2. 152 euros) eu égard à l'impossibilité dans laquelle il serait d'entretenir le parc de son domicile ; que la Cour entend rappeler que les nouvelles règles d'indemnisation des préjudices personnels, postérieures à la décision du Conseil constitutionnelle du 18 juin 2010 n'emportent pas de réparation intégrale de tous les préjudices ; qu'ensuite, M. X... qui ne prouve pas son incapacité à effectuer des travaux de jardinage, tente de contourner la restriction apportée à l'étendue du préjudice d'agrément ou la finalité de la rente qui lui est versée ; que cette demande sera rejetée ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE M. Mohamed X... sollicite la somme de 60. 601, 32 euros à titre de capital pour assumer les frais d'entretien de son jardin, en faisant valoir un devis portant sur la somme annuelle de 2. 152, 80 euros ; que s'il ressort des conclusions de l'expert que M. Mohamed X... ne peut prétendre à une activité qui nécessiterait l'intégralité du membre supérieur droit, il note également que les lésions anatomiques observées ne justifient pas non plus le non d'usage complet de l'épaule droite ; que, par ailleurs, le Tribunal relève que M. Mohamed X... ne démontre pas, ni ne prétend, qu'il procédait lui-même à l'entretien de son jardin avant l'accident pas plus qu'il n'allègue qu'un autre membre de sa famille ne seraient à même d'assurer l'entretien de ce jardin ; qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de considérer que le recours à une entreprise pour effectuer cet entretien soit indispensable, de sorte que M. Mohamed X... sera débouté de sa demande de ce chef ;
1°) ALORS QUE le préjudice correspondant au coût de l'intervention d'un jardinier professionnel pour effectuer les travaux lourds de jardinage que les séquelles de l'accident ne permettent plus à M. X... d'effectuer est distinct du préjudice extrapatrimonial d'agrément et du préjudice réparé par la rente qui lui est versée par la Caisse primaire d'assurance maladie qui indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, qui est un préjudice extrapatrimonial ; qu'en déboutant M. X... de sa demande au titre de ce préjudice matériel au motif qu'il « tente rait de contourner la restriction apportée à l'étendue du préjudice d'agrément ou la finalité de la rente qui lui versée » (arrêt p. 4, al. 9), la Cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'en déboutant M. X... de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel au motif inopérant que M. X... ne prouve pas son incapacité à effectuer des travaux de jardinage (arrêt p. 4, al. 9), sans rechercher s'il ne se trouvait pas, du fait de l'accident, dans l'impossibilité d'effectuer les travaux lourds dont il avait demandé la prise en charge, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en refusant d'indemniser M. X... du préjudice qu'il subit du fait de l'obligation dans laquelle il se trouve de recourir aux services d'un jardinier professionnel pour effectuer certains travaux lourds dans sa propriété, au motif que « M. Mohamed X... ne démontre pas ¿ qu'un autre membre de sa famille ne seraient à même d'assurer l'entretien de ce jardin et qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de considérer que le recours à une entreprise pour effectuer cet entretien soit indispensable » (jugement p. 9, al. 1er), la Cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la CPAM des Yvelines supportera le coût de l'expertise médicale ;
Sans donner aucun motif à sa décision ;
1. ALORS QUE, dans les procédures en reconnaissance de faute inexcusable, aucune disposition légale ne prévoit que les frais des expertises judiciaires diligentées pour déterminer les préjudices de la victime sont supportés par les caisses primaires d'assurance maladie ; qu'en mettant à la charge de la CPAM des Yvelines le coût de l'expertise judiciaire ordonnée par le jugement du 20 avril 2012, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS QUE seule une partie perdante peut être condamnée à supporter les dépens, à moins que le juge, par décision motivée, ne les mette en totalité ou en partie à la charge d'une autre partie ; qu'en matière d'action en reconnaissance de faute inexcusable c'est l'employeur reconnu coupable d'une telle faute qui est la seule partie perdante ; qu'aussi, en condamnant la CPAM des Yvelines à supporter le coût de l'expertise judiciaire, cependant que la partie perdante était l'employeur, la Cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision de condamnation de l'exposante aux dépens, a violé l'article 696 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-14265
Date de la décision : 31/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 31 mar. 2016, pourvoi n°15-14265


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14265
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