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31/03/2016 | FRANCE | N°14-25604

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 31 mars 2016, 14-25604


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Amiens, venant aux droits du bâtonnier de l'ordre des avocats d'Abbeville, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI du Beffroi, et contre M. X..., ès qualités de mandataire ad hoc de la SCI du Beffroi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juillet 2014), que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la

Caisse d'épargne), titulaire d'une inscription d'hypothèque conventionnell...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Amiens, venant aux droits du bâtonnier de l'ordre des avocats d'Abbeville, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI du Beffroi, et contre M. X..., ès qualités de mandataire ad hoc de la SCI du Beffroi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juillet 2014), que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la Caisse d'épargne), titulaire d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur un immeuble appartenant à la SCI du Beffroi, lui a délivré, le 19 janvier 2005, un commandement aux fins de saisie immobilière qui a été publié à la conservation des hypothèques le 22 février 2005, puis prorogé le 5 février 2008 ; qu'à la suite d'une adjudication qui n'a pas été suivie du versement du prix, la Caisse d'épargne a engagé une procédure de folle enchère ; qu'une nouvelle adjudication a été prévue le 28 septembre 2010 ; que, le 14 septembre 2010, un bail commercial conclu le 30 août 2006, entre la SCI du Beffroi et la société Emma fleurs, a été annexé au cahier des charges ; que, par jugement du 21 janvier 2011, le juge de l'exécution a constaté la caducité du commandement ; que la Caisse d'épargne a assigné la SCI et la société Emma fleurs en annulation du bail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation, alors, selon le moyen, que c'est à la date de formation du contrat que le juge doit se placer pour en apprécier la validité ; qu'en conséquence, doit être annulé le bail consenti sur un immeuble ayant déjà fait l'objet d'un commandement de saisie immobilière, quand bien même celui-ci deviendrait par la suite caduc ; qu'en l'espèce, à la date de la conclusion du contrat de bail commercial entre la SCI du Beffroi et la société Emma fleurs le 30 août 2006, un commandement aux fins de saisie immobilière avait été délivré à la SCI du Beffroi le 29 janvier 2005 et publié le 22 février 2005 ; que la cour d'appel, qui était saisie par le créancier d'une demande en nullité d'un bail conclu postérieurement à un commandement aux fins de saisie immobilière alors en cours de validité, ne pouvait que constater la nullité dudit bail à la date de sa conclusion ; qu'en considérant qu'il n'y avait lieu à prononcer la nullité du bail compte tenu de la caducité du commandement constatée par jugement du 21 janvier 2011, la cour d'appel a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile applicable en la cause, ensemble les articles 1108 et 1126 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage, la cour d'appel, qui a relevé que le jugement du 21 janvier 2011 avait constaté la caducité du commandement, en a exactement déduit que le bail consenti postérieurement à la publication du commandement ne pouvait être annulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1167 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la Caisse d'épargne tendant à ce que le bail consenti le 30 août 2006 lui soit déclaré inopposable, l'arrêt retient que, postérieurement à sa conclusion, la société EC immobilier s'est portée adjudicataire et que la preuve n'est pas rapportée de ce que l'adjudication de l'immeuble n'a pas eu lieu du seul fait de la conclusion du bail ni que le bail aurait été consenti en fraude manifeste de ses droits, imputable à la SCI du Beffroi ou à la société Emma fleurs ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes et conditions du bail ne constituaient pas, de la part du débiteur, un acte d'appauvrissement de nature à priver d'efficacité l'inscription hypothécaire conventionnelle de la banque sur l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la société Emma fleurs et la SCI du Beffroi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Emma fleurs et la SCI du Beffroi à payer la somme de 3 000 euros à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, déboutant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de ses prétentions, dit n'y avoir lieu à prononcer l'annulation du bail consenti le 30 août 2006 par la SCI du Beffroi à la SARL Emma Fleurs ;
AUX MOTIFS QUE : « il n'est pas contesté que la SCI du Beffroi a donné à bail un local commercial à la SARL Emma Fleurs postérieurement à la publication du commandement de payer à la conservation des hypothèques ; que toutefois par jugement du 21 janvier 2011, le juge de l'exécution a constaté la caducité de ce commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 22 février 2005 ; que, contrairement à l'appréciation faite par les premiers juges, l'acte caduc n'est pas un acte qui disparaît seulement pour l'avenir ; que l'acte frappé de caducité, réduit à néant dans son principe même, tombe rétroactivement avec les effets substantiels qu'il avait commencés à produire ; que dès lors, le commandement aux fins de saisie immobilière dont la caducité a été constatée, est privé rétroactivement de tous ses effets ; qu'il n'y a donc pas lieu à prononcer l'annulation du bail consenti le 30 août 2006 par la SCI du Beffroi à la SARL Emma Fleurs » ;
ALORS QUE : c'est à la date de formation du contrat que le juge doit se placer pour en apprécier la validité ; qu'en conséquence, doit être annulé le bail consenti sur un immeuble ayant déjà fait l'objet d'un commandement de saisie immobilière, quand bien même celui-ci deviendrait par la suite caduc ; qu'en l'espèce, à la date de la conclusion du contrat de bail commercial entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs le 30 août 2006, un commandement aux fins de saisie immobilière avait été délivré à la SCI du Beffroi le 29 janvier 2005 et publié le 22 février 2005 ; que la cour d'appel, qui était saisie par le créancier d'une demande en nullité d'un bail conclu postérieurement à un commandement aux fins de saisie immobilière alors en cours de validité, ne pouvait que constater la nullité dudit bail à la date de sa conclusion ; qu'en considérant qu'il n'y avait lieu à prononcer la nullité du bail compte tenu de la caducité du commandement constatée par jugement du 21 janvier 2011, la cour d'appel a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile applicable en la cause, ensemble les articles 1108 et 1126 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, déboutant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de ses prétentions, dit n'y avoir lieu à lui déclarer inopposable le bail conclu le 30 août 2006 entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs ;
AUX MOTIFS QUE : « à l'examen des pièces produites, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie ne rapporte aucunement la preuve de ce que l'adjudication de l'immeuble n'a pas eu lieu du seul fait de la conclusion du bail ; que d'ailleurs, postérieurement à la conclusion du bail entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a eu un adjudicataire pour l'immeuble, la SARL EC Immobilier ; que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie ne démontre donc pas l'existence d'un préjudice résultant du seul fait de la conclusion du bail consenti le 30 août 2006 ; qu'elle ne démontre pas non plus que le dit bail aurait été consenti en fraude manifeste de ses droits, imputable à la SCI du Beffroi ou à la SARL Emma Fleurs ; qu'il n'y a donc pas lieu de déclarer inopposable à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, le bail consenti le 30 août 2006 » ;
ALORS 1°) QUE : l'action paulienne permet à un créancier d'attaquer l'acte qui fait sortir un bien ou une valeur du patrimoine du débiteur sans contrepartie ou l'acte qui, en modifiant la consistance du patrimoine du débiteur, rend le gage du créancier plus difficile à réaliser ; qu'il en est ainsi, comme en l'espèce, d'un bail commercial, versé aux débats en cause d'appel par l'exposante, consenti pour une durée de neuf ans sur l'immeuble servant de garantie à la créance, au vil prix de 150 ¿ TTC par an ; qu'en déboutant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de son action paulienne tendant à voir déclarer un tel bail inopposable à son égard, sans s'expliquer sur les termes et conditions de celui-ci et rechercher s'il ne constituait pas, de la part du débiteur, un acte objectif d'appauvrissement de nature à priver d'efficacité l'inscription hypothécaire conventionnelle de la banque sur l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
ALORS 2°) QUE : dans ses conclusions d'appel, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie faisait valoir que les termes et conditions du bail conclu entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs pour une durée de neuf ans, au vil prix de 150 ¿ TTC par an, avaient nécessairement eu pour effet de priver d'efficacité l'hypothèque conventionnelle qu'elle avait inscrite sur l'immeuble ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QU' : en statuant de la sorte sans plus répondre au chef péremptoire des conclusions de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie selon lequel le bail commercial litigieux avait été consenti à vil prix à la SARL Emma Fleurs représentée par mademoiselle Y... qui n'était autre que la fille des associés de la SCI du Beffroi, la cour d'appel a encore violé à ce titre l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE : en déboutant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de son action paulienne tendant à voir déclarer le bail litigieux inopposable à son égard, au motif que « postérieurement à la conclusion du bail entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a eu un adjudicataire pour l'immeuble, la SARL EC Immobilier », sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant valoir que la SARL EC Immobilier, représentée par mademoiselle Emmanuelle Y..., fille des associés de la SCI du Beffroi, avait été spécialement créée dans le but de se porter acquéreur de l'immeuble lors de la première adjudication de l'immeuble, puis avait été mise en sommeil avant d'être dissoute sans avoir réglé le prix de l'adjudication, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 5°) QUE : en toute hypothèse, en déboutant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de son action paulienne tendant à voir déclarer le bail litigieux inopposable à son égard, au motif inopérant que « postérieurement à la conclusion du bail entre la SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a eu un adjudicataire pour l'immeuble, la SARL EC Immobilier », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le bail litigieux n'avait pas été annexé au cahier des charges que par dire du 14 septembre 2010, soit bien postérieurement à ladite adjudication en date du 20 mars 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
ALORS 6°) QU' : en toute hypothèse, en se prononçant de la sorte tout en relevant que la SARL EC Immobilier n'avait pas réglé le prix de l'adjudication et qu'une procédure de folle enchère avait été engagée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1167 du code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SAISIE IMMOBILIERE - Commandement - Caducité - Effets - Etendue - Détermination - Portée

SAISIE IMMOBILIERE - Commandement - Effets - Baux - Baux postérieurs au commandement - Nullité - Exception - Cas - Caducité du commandement constatée par jugement du juge de l'exécution

La caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage. Justifie ainsi sa décision de rejeter la demande du créancier saisissant en annulation d'un bail commercial consenti par le propriétaire du bien objet de la saisie après publication du commandement de payer, fondée, par application de l'article 684 de l'ancien code de procédure civile, sur le seul fait que ce bail était postérieur audit commandement, la cour d'appel qui relève qu'un jugement du juge de l'exécution a constaté la caducité de ce commandement


Références :

article 684 de l'ancien code de procédure civile applicable à la cause

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 03 juillet 2014

Sur les effets de la caducité frappant un commandement de payer valant saisie immobilière, à rapprocher :2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi n° 13-11887, Bull. 2014, II, n° 179 (1) (cassation partielle) ;2e Civ., 19 février 2015, pourvoi n° 13-28445, Bull. 2015, II, n° 47 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 31 mar. 2016, pourvoi n°14-25604, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe
Rapporteur ?: Mme Andrich
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 31/03/2016
Date de l'import : 22/07/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14-25604
Numéro NOR : JURITEXT000032352933 ?
Numéro d'affaire : 14-25604
Numéro de décision : 31600428
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2016-03-31;14.25604 ?
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