LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 145-1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 décembre 2013), que, le 23 novembre 1993, M. X... a pris à bail des locaux commerciaux appartenant à la SCI Hubert et Claude ; que, le 26 juin 2003, il a cédé son droit au bail à la société Chato Disprim au profit de laquelle le bail a été renouvelé ; que, le 1er septembre 2004, la société Chato Disprim a consenti à M. X... une sous-location sur une partie des locaux ; que, la société Chato Disprim ayant été placée en liquidation judiciaire, le juge-commissaire a autorisé la résiliation du bail le 22 avril 2009 ; que, le 3 décembre 2009, la SCI Hubert et Claude a notifié à M. X... qu'elle mettait fin à la convention d'occupation précaire l'autorisant à se maintenir dans les lieux ; que, M. X... ayant refusé de quitter les lieux en se prévalant d'un bail commercial, la SCI Hubert et Claude l'a assigné en expulsion ; que la société Celimmo, devenue propriétaire des locaux, est intervenue volontairement en la cause ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la SCI Hubert et Claude n'a pas reconnu M. X... comme locataire puisqu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Chato Disprim, elle a encaissé et facturé à celui-ci des indemnités d'occupation et non des loyers et a dénoncé la convention d'occupation verbalement consentie à la suite de la résiliation du bail dont était titulaire la locataire principale ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, les circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d'occupation précaire après la résiliation du bail principal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la SCI Hubert et Claude et la société Celimmo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Hubert et Claude et la société Celimmo à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI Hubert et Claude et de la société Celimmo ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit M. X... occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, d'avoir ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux constituant la partie sud de l'entrepôt situé 104, route d'Avignon CD 571 à Château Renard, avec si besoin le concours de la force publique, d'avoir fixé l'indemnité d'occupation due par M. X... à la somme mensuelle de 900 euros et d'avoir condamné M. X... à payer cette indemnité à la SCI Hubert et Claude pour la période du 1er mars 2010 au 31 janvier 2012, et à la société CELIMMO pour la période du 1er février 2012 jusqu'à libération complète des lieux ;
Aux motifs que « le bail principal dont était titulaire la société Chato Disprim a été résilié avec autorisation du juge commissaire du 22 avril 2009 ; que la sous location dont se prévaut M. Claude X... résulte d'un contrat intitulé "contrat de location de locaux vacants non meublés" conclu pour une durée de 1 an à compter du 10 septembre 2004 pour un loyer mensuel de 547,77 euros provision sur charge comprise et portant sur un local commercial désigné comme local plus bureau ; que M. X... justifie par la production d'un extrait K bis daté du 16 février 2010 exploiter dans les lieux un fonds de commerce de vente en gris demi gros de faits et légumes il est donc susceptible de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux ; que, toutefois, pour rendre opposable au bailleur cette sous location et bénéficier d'un droit au renouvellement il appartient à M. Claude X... de justifier qu'il satisfait aux conditions de l'article L. 145-31 du code de commerce et aux stipulations du contrat ; que l'article L. 145631 du code de commerce dispose que le propriétaire doit être appelé à concourir à l'acte ; que cet appel à concourir a bien été adressé à la SCI Hubert et Claude propriétaire qui par courrier du 30 août 2004 a répondu qu'elle entendait effectivement concourir à l'acte, prenant bonne note du lieu et de l'heure de la signature ; que force est de constater que l'acte de sous location a été passé sans le concours du propriétaire et sans qu'aucune explication ne soit fournie sur les raisons pour lesquelles il a été passé outre à ce défaut de concours ; que dans ces conditions, ce courrier ne saurait sans dénaturation être analysé comme l'expression de la volonté du bailleur de ne pas concourir à l'acte et d'autoriser par avance la sous location puisqu'il indique précisément le contraire ; que par ailleurs M. Claude X... ne justifie d'aucun acte susceptible de caractériser une ratification par le bailleur de la sous location, étant rappelé que le simple silence gardé par le propriétaire ne saurait constituer une ratification qui ne peut résulter que d'actes dénués d'équivoque ; qu'en effet il ressort des pièces que la SCI Hubert et Claude n'a pas reconnu M. Claude X... comme locataire puisqu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Chato Disprim sa locataire, elle a encaissé et facturé à M. Claude X... des indemnité d'occupation et non des loyers, et a dénoncé la convention d'occupation à la suite de la résiliation du bail dont était titulaire la locataire principale ; qu'enfin il est certain que le bail principal comporte à la rubrique destination des lieux loués, la stipulation suivante : dans l'ensemble, les lieux loués forment une location indivisible à titre commercial pour le tout ; que l'article L. 145-32 du code de commerce précise que le propriétaire à l'expiration du bail principal n'est tenu au renouvellement que si il a expressément ou tacitement autorisé ou agrée la sous location et si en cas de sous location partielle les lieux faisant l'objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties ; que tel est bien le cas de la clause ci dessus rappelée qui constitue dans la commune intention des parties une clause d'indivisibilité faisant obstacle au droit au renouvellement nonobstant la possibilité de division matérielle des locaux, qu'il en ressort qu'en l'absence de concours du propriétaire à l'acte, de ratification de la sous location, et en l'état de cette clause d'indivisibilité, la sous location dont est titulaire M. Claude X... ne satisfait pas aux prévisions des articles L. 145-31 et L. 145-32 du code de commerce ; qu'elle n'est donc pas opposable au propriétaire et ne confère pas à M. Claude X... de droit au renouvellement ; que la décision déférée sera donc infirmée ; que M. Claude X... sera déclaré occupant sans droit ni titre et son expulsion sera ordonnée sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte, la mesure étant susceptible d'exécution forcée » (p. 4, in fine à p. 6, in limine) ;
1°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel a énoncé, d'une part, qu'une convention d'occupation avait succédé à la résiliation du bail principal conclu avec CHATO DISPRIM (p. 3, § 4 et p. 5, § 5) et, d'autre part, que, la sous-location n'étant pas opposable au propriétaire, M. X... serait devenu à la suite de la résiliation du bail principal « occupant sans droit ni titre » (p. 6, in limine) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires et inconciliables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors, en tout état de cause, que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel a énoncé qu'une convention d'occupation avait succédé à la résiliation du bail principal conclu avec CHATO DISPRIM (p. 3, § 4 et p. 5, § 5), mais a, dans son dispositif « dit M. Claude X... occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal » (p. 6, in fine) ; qu'en statuant ainsi, par un chef de dispositif contraire aux motifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) Alors que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer que M. X... serait devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, les parties s'accordaient pour dire que le propriétaire avait consenti à l'occupation des lieux par M. X..., seule la nature de la convention étant en débat, M. X... soutenant l'existence d'un bail commercial alors que la SCI HUBERT ET CLAUDE concluait à l'existence d'une convention d'occupation précaire ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer que M. X... serait devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) Alors en tout état de cause que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer que M. X... serait devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, les parties s'accordaient pour dire que le propriétaire avait consenti à l'occupation des biens par M. X..., seule la nature du contrat ainsi convenu étant en débats, M. X... soutenant l'existence d'un bail commercial alors que la SCI HUBERT ET CLAUDE concluait à l'existence d'une convention d'occupation précaire ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer que M. X... serait devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du code de procédure civile ;
5°) Alors que, de la même manière, il ressortait clairement et sans ambiguïté de la lettre envoyée le 3 décembre 2009 par la SCI HUBERT ET CLAUDE que celle-ci avait « verbalement consenti le 01/10/2008 » à une « occupation précaire » du bien (production), et qu'elle avait perçu une contrepartie financière dont le montant avait été librement fixé, ce qui était exclusif d'une occupation sans droit ni titre ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer que M. X... serait devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation du bail principal, la cour d'appel a dénaturé la lettre du 3 décembre 2012, en violation de l'article 1134 du code civil ;
6°) Alors que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'une convention d'occupation précaire a succédé à la résiliation du bail principal, lorsqu'un commerçant occupe un local commercial avec l'accord du propriétaire et qu'il lui verse une contrepartie financière dont le montant est fixé de manière consensuelle, il est, sauf volonté contraire des parties clairement exprimée, titulaire d'un bail commercial ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, après même la cessation de la sous-location, pendant près d'un an à compter d'octobre 2008, M. X... avait occupé les locaux commerciaux appartenant à la SCI HUBERT ET CLAUDE contre versement d'une contrepartie financière, sans que la SCI HUBERT ET CLAUDE ne s'oppose à cet état de fait ; qu'en qualifiant néanmoins cette situation de convention d'occupation précaire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-1 du code de commerce ;
7°) Alors que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'une convention d'occupation précaire a succédé à la résiliation du bail principal, une convention d'occupation précaire, dérogatoire au statut des baux commerciaux, ne se présume pas ; qu'en qualifiant l'occupation rémunérée par M. X... après la liquidation de la société CHATO DISPRIM, de convention d'occupation et non de bail commercial, sans constater un accord exprès des parties pour conclure une telle convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-1 du code de commerce ;
8°) Alors que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'une convention d'occupation précaire a succédé à la résiliation du bail principal, une convention d'occupation précaire n'est possible qu'en cas d'existence d'une cause objective de précarité ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé qu'après la liquidation de la société CHATO DISPRIM s'était nouée entre les parties une convention d'occupation précaire ; qu'en statuant ainsi sans caractériser la moindre cause objective justifiant une dérogation au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-1 du code de commerce ;
9°) Alors que, à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'une convention précaire a succédé à la résiliation du bail principal, nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; que la circonstance que le bailleur ait unilatéralement qualifié les quittances de loyer qu'il émettait d'indemnités d'occupation ne pouvait avoir pour effet de prouver l'existence d'une convention d'occupation précaire ; qu'en qualifiant l'occupation de M. X... de convention d'occupation précaire (p. 5, § 5) au motif que la SCI avait émis « des indemnités d'occupation et non des loyers » (ibid.), la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même.