La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2016 | FRANCE | N°14-29145

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mars 2016, 14-29145


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 18 septembre 2014), que Mme X..., salariée de la société Euroviande service (la société), a déclaré une maladie professionnelle, au titre du tableau n° 57, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura (la caisse) ; que la caisse ayant retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, la société a saisi un tribunal du contentieux de l'incapacité

en inopposabilité de cette décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 18 septembre 2014), que Mme X..., salariée de la société Euroviande service (la société), a déclaré une maladie professionnelle, au titre du tableau n° 57, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura (la caisse) ; que la caisse ayant retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, la société a saisi un tribunal du contentieux de l'incapacité en inopposabilité de cette décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que seules les séquelles résultant des lésions consécutives à la maladie professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie doivent être prises en compte dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; que lorsqu'une contestation apparaît sur l'imputabilité de certaines lésions à la maladie, il appartient au juge du contentieux technique d'identifier lui-même les séquelles imputables à la maladie afin d'être en mesure de fixer le taux d'incapacité ; qu'au cas présent, il résultait des conclusions du médecin consultant désigné par la Cour nationale ainsi que de celui désigné par le tribunal du contentieux de l'incapacité, qu'il n'était pas possible de déterminer avec certitude que la limitation de l'épaule droite résultait effectivement de la tendinopathie prise en charge par la caisse, celle-ci pouvant fort bien être imputée à d'autres affections extra-professionnelles développées par la victime ; qu'en refusant de se prononcer sur l'imputabilité des séquelles à la maladie pour fixer le taux d'incapacité de la victime à 15 %, au motif que cette question relèverait de la compétence des juridictions du contentieux général, la Cour nationale a méconnu l'étendue de sa compétence en violation des articles L. 142-1, L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 6-1 du code de la sécurité sociale et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 143-1 du code de la sécurité sociale que les juridictions du contentieux technique n'ont compétence qu'à l'égard des contestations relatives à l'état d'incapacité permanente de travail et notamment au taux de cette incapacité, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, à l'exclusion des litiges relatifs à l'imputabilité d'une lésion à l'accident ou à la maladie ;
Et attendu que l'arrêt retient que les difficultés relatives au caractère professionnel d'une lésion relevant de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale en application des dispositions visées à l'article R. 143-2 du code de la sécurité sociale, il appartenait à l'employeur de saisir lesdites juridictions s'il entendait contester l'imputabilité à la maladie professionnelle de certaines des séquelles retenues par le médecin conseil de la caisse ;
Qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il résulte des articles L. 141-10, R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale que la caisse est tenue de transmettre au médecin consultant mandaté par l'employeur l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; qu'au cas présent, il résultait des constatations de la Cour nationale que l'ensemble des pièces médicales sur lesquelles l'avis du médecin conseil était fondé n'avaient pas été transmises au médecin désigné par l'employeur ; qu'en jugeant, pour refuser de prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge, que les articles L. 143-10 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale « n'imposent pas la communication de pièces médicales ayant permis au médecin-conseil de rendre un avis, mais la reprise au sein du rapport d'incapacité permanente partielle des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis est fondé », la Cour nationale n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale ensemble ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, l'entier rapport médical que doit transmettre le praticien-conseil du service médical au médecin expert ou au médecin consultant désigné par le juge du contentieux technique, comprend, d'une part, l'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir, d'autre part, les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ;
Et attendu que l'arrêt relève que les pièces médicales présentées par la victime au médecin-conseil ne sont pas détenues par la caisse et retient que le service du contrôle médical a transmis le rapport d'évaluation des séquelles et que ce rapport a permis au médecin consultant désigné en appel de donner un avis sur le taux d'incapacité permanente partielle de la victime ;
Qu'en l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis par les parties, et faisant ressortir que l'entier rapport médical avait été transmis au médecin consultant, la Cour nationale a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Euroviande service aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Euroviande service ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Euroviande service.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les séquelles de la maladie professionnelle dont a été atteinte Jacqueline Y... épouse X... le 12 novembre 2005, justifient, à l'égard de la société EUROVIANDE SERVICE, l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle attribué de 15 % à la date de consolidation du 31 mars 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; que si l'article R.143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi ; Qu'il en va ainsi du certificat médical initial et du certificat de guérison ou de consolidation qui lui sont transmis par le médecin de l'assuré en vertu de l'article L.441-6 du code de la sécurité sociale, des certificats de prolongation visés à l'article R.441-7 et de l'avis du service du contrôle médical prévu à l'article R.434-31 du même code ; Qu'il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R.4422 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; Que la communication du rapport d'incapacité permanente au médecin désigné par l'employeur est soumise à des règles spécifiques prévues à l'article L.143-10 et R,143-32 du code de la sécurité sociale, qui affranchissent le médecin conseil, dans cette hypothèse précise, de son obligation au secret médical ;que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci ; Qu'en effet, l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale dispose : « L'entier rapport médical mentionné à l'article L. 143-10 comprend : 1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente partielle à retenir ; 2°Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé. » . Que ces dispositions n'imposent pas la communication de pièces médicales ayant permis au médecin conseil de rendre un avis, mais la reprise au sein du rapport d'incapacité permanente partielle des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis est fondé ; par ailleurs que la caisse primaire d'assurance maladie du Jura a produit le certificat médical initial et que le rapport d'évaluation des séquelles de Jacqueline Y... épouse X... établi par le médecin conseil a été transmis par le service médical ; que selon les articles L.143-10 et R.143-32 du code de la sécurité sociale, le rapport d'incapacité permanente partielle est communiqué aux seuls médecins sous pli confidentiel ; Que la Cour n'en est pas destinataire et n'est pas en mesure d'en vérifier le contenu ; Que toutefois, elle constate en l'espèce que ce rapport a permis au médecin consultant désigné en appel de donner un avis sur le taux d'incapacité présenté par la victime ; que l'employeur a bénéficié d'un recours effectif, qu'il n'est pas fondé à reprocher à la caisse un manquement à son obligation de communication des pièces médicales et que le principe de la contradiction a été respecté ; qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré ;qu'aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, "le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu du barème indicatif d'invalidité" ; Qu'il appartient en l'espèce à la Cour de déterminer le taux d'incapacité permanente dont restait atteinte Mme X... à la date de consolidation du 31 mars 2009, consécutivement à la maladie professionnelle dont celle-ci a été reconnue atteinte le 12 novembre 2005 ; Qu'en application des dispositions visées à l'article R. 143-2 du code de la sécurité sociale, les difficultés relatives au caractère professionnel d'une lésion relèvent de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ; Qu'il appartenait donc à l'employeur de saisir lesdites juridictions s'il entendait contester l'imputabilité à la maladie professionnelle de certaines des séquelles retenues par le médecin conseil de la caisse ; qu'à la date de consolidation du 31 mars 2009, Mme X..., droitière, présentait des douleurs et une limitation modérée des mouvements essentiels de l'épaule droite ; ainsi, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, contradictoirement débattus et avec le médecin consultant dont elle adopte les conclusions, que les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 15 % à l'égard de la société EUROVIANDE SERVICE » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE seules les séquelles résultant des lésions consécutives à la maladie professionnelle prise en charge par la CPAM doivent être prises en compte dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale ; que lorsqu'une contestation apparait sur l'imputabilité de certaines lésions à la maladie, il appartient au juge du contentieux technique d'identifier lui-même les séquelles imputables à la maladie afin d'être en mesure de fixer le taux d'incapacité ; qu'au cas présent, il résultait des conclusions du médecin consultant désigné par la CNITAAT ainsi que de celui désigné par le TCI, qu'il n'était pas possible de déterminer avec certitude que la limitation de l'épaule droite résultait effectivement de la tendinopathie prise en charge par la caisse, celle-ci pouvant fort bien être imputée à d'autres affections extra-professionnelles développées par la victime ; qu'en refusant de se prononcer sur l'imputabilité des séquelles à la maladie pour fixer le taux d'incapacité de la victime à 15 %, au motif que cette question relèverait de la compétence des juridictions du contentieux général, la CNITAAT a méconnu l'étendue de sa compétence en violation des articles L. 142-1, L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 6-1 du Code de la sécurité sociale et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 aout 1789 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte des articles L. 141-10, R.143-32 et R. 143-33 du Code de la sécurité sociale que la caisse est tenue de transmettre au médecin consultant mandaté par l'employeur l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article R. 143-33 du Code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; qu'au cas présent, il résultait des constatations de la CNITAAT que l'ensemble des pièces médicales sur lesquelles l'avis du médecin conseil était fondé n'avaient pas été transmises au médecin désigné par l'employeur (Arrêt p. 9) ; qu'en jugeant, pour refuser de prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge, que les articles L. 143-10 et R. 143-33 du Code de la sécurité sociale « n'imposent pas la communication de pièces médicales ayant permis au médecin-conseil de rendre un avis, mais la reprise au sein du rapport d'incapacité permanente partielle des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis est fondé » (Arrêt p. 9), la CNITAAT n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L.143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du Code de la sécurité sociale ensemble ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-29145
Date de la décision : 10/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux spéciaux - Contentieux technique - Fixation du taux d'incapacité permanente partielle d'un salarié - Rapport médical ayant contribué à la fixation de ce taux - Contenu - Communication - Modalités - Détermination - Portée

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Sécurité sociale - Fixation du taux d'incapacité permanente d'un salarié - Rapport médical - Contenu - Détermination - Portée

Aux termes de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, l'entier rapport médical que doit transmettre le praticien-conseil du service médical au médecin expert ou au médecin consultant désigné par le juge du contentieux technique, comprend, d'une part, l'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir, d'autre part, les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé. Justifie légalement sa décision, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail qui relève, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis par les parties, que les pièces médicales présentées par la victime au médecin-conseil ne sont pas détenues par la caisse et retient que le service du contrôle médical a transmis le rapport d'évaluation des séquelles et que ce rapport a permis au médecin consultant désigné en appel de donner un avis sur le taux d'incapacité permanente de la victime, faisant ressortir que l'entier rapport médical avait été transmis au médecin consultant


Références :

article R. 143-33 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 18 septembre 2014

A rapprocher :2e Civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-25714, Bull. 2014, II, n° 256 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 mar. 2016, pourvoi n°14-29145, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. de Monteynard
Rapporteur ?: Mme Olivier
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29145
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award