LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juin 2014), que, par un contrat du 10 mai 2011, la société LDA s'est engagée, pour une durée de trois ans, à fournir au comité d'entreprise de la société Carrefour TNL (le comité d'entreprise), par des distributeurs automatiques, un service de boissons chaudes, froides, de friandises et produits frais, en contrepartie du paiement d'une redevance mensuelle proportionnelle au chiffre d'affaires; que considérant que le chiffre d'affaires pour les boissons chaudes, communiqué par le comité d'entreprise, à partir duquel elle avait déterminé le montant de la redevance, concernait l'ensemble des services, la société LDA, a résilié l'accord par une lettre du 30 novembre 2011 avec effet au 15 février 2012 ; que le comité d'entreprise ayant indiqué le 20 janvier 2012 à la société LDA qu'il n'était pas opposé à une reprise du contrat aux conditions initiales, cette dernière, après avoir maintenu sa décision de résiliation, lui a fait part de sa renonciation ; que le comité d'entreprise l'a refusée et a assigné la société LDA en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive ; que cette dernière a reconventionnellement demandé le paiement de dommages-intérêts pour comportements déloyaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société LDA fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que l'offre peut être acceptée par son bénéficiaire, même après un premier refus, tant que son délai n'est pas expiré et qu'elle n'a pas été révoquée par son auteur ; qu'en jugeant que « la société LDA n'est pas fondée à soutenir que l e rapport de sa résiliation s'impose obligatoirement à son cocontractant, même si ce dernier a dans un premier temps envisagé ce rapport », la société LDA étant pourtant bénéficiaire d'une offre de reprise du contrat initial qu'elle a accepté avant sa révocation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1101 et 1134 du code civil ;
2°/ qu'un fait non contesté doit être considéré comme avéré par le juge ; qu'en jugeant que « rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise Carrefour TNL d'un montant de 5 000 euros par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais », alors même que ce fait allégué par la société LDA n'était pas contesté par le comité d'entreprise Carrefour TNL, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la société LDA versait aux débats et se prévalait d'une lettre du 9 avril 2010 indiquant que l' « évaluation pour les boissons chaudes serait égale à : CA 65000 euros / PU 0,30 euros = 126 666 gobelets par an » ; qu'en décidant néanmoins que « rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise Carrefour TNL d'un montant de 5 000 euros par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais », la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre du 9 avril 2010, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en vertu du principe de réparation intégrale, le juge ne peut accorder une réparation forfaitaire ; qu'en attribuant au comité d'entreprise de l'établissement Carrefour TNL la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, motif pris que « le préjudice théorique subi par le comité d'entreprise Carrefour TNL est égal à (¿) la somme de 42 000 euros réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de la société LDA après le 15 février 2012 (¿) la cour d'appel est conduite à réduire les dommages-intérêts à la somme de 30 000 euros », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
5°/ que seul le préjudice certain est réparable, ce qui exclut la réparation du préjudice hypothétique ou éventuel ; qu'en attribuant au comité d'entreprise de l'établissement Carrefour TNL la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, motif pris que « le préjudice théorique subi par le comité d'entreprise Carrefour TNL est égal à (¿) la somme de 42 000 euros réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de la société LDA après le 15 février 2012, puisque l'on conçoit mal qu'un nouveau concessionnaire ne soit pas intervenu, conduit, la cour d'appel à réduire les dommages-intérêts à la somme de 30 000 euros », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est souverainement que la cour d'appel a apprécié les revirements respectifs des parties, qui ne parvenaient pas à trouver un accord ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que si l'article 9-3 du contrat autorise la société LDA, concessionnaire, à prononcer la résiliation du contrat dans le cas où elle constaterait une détérioration conséquente du chiffre d'affaires ne permettant plus une activité suffisante, aucun chiffre d'affaires n'a cependant été précisé par le contrat ; qu'il ajoute que rien ne démontre la thèse de la société LDA selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise, soit 5 000 euros par mois, concernerait uniquement les boissons chaudes, et que le seul élément communiqué quant à l'évolution de ce chiffre d'affaires, relatif à la période de juillet à septembre 2011, ne permet pas d'établir la détérioration invoquée par la société LDA ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que la résiliation du contrat devait être prononcée aux torts de la société LDA ;
Attendu, en troisième lieu, que sous le couvert du grief infondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'étendue du préjudice réparable ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société LDA fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses dernières conclusions d'appel, la société LDA sollicitait la condamnation du comité d'entreprise de Carrefour TNL à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à raison, notamment, du refus de ce dernier de poursuivre finalement le contrat et de la « particulière déloyauté dont il a fait preuve lors de la conclusion du contrat en communiquant volontairement des chiffres erronés et en n'hésitant pas à modifier le contrat pour être certain de percevoir une redevance nettement supérieure au 15 % prévu au contrat de base » ; qu'en rejetant « toutes autres demandes » sans répondre aux conclusions de la LDA, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rejeté les demandes de la société LDA, ce dont il résultait que les fautes invoquées au soutien de la demande de dommages-intérêts n'étaient pas établies, la cour d'appel n'était pas tenue de motiver spécialement le rejet de cette demande ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société LDA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au comité d'entreprise Carrefour TNL la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société LDA.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SARL LDA à payer au Comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL la somme de 30.000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 9-3 du contrat conclu le 10 mai 2011 stipule que « Dans le cas où le concessionnaire (c'est-à-dire la société LDA) constaterait une détérioration conséquente du chiffre d'affaire ne permettant plus une activité suffisante, il prononcerait la résiliation du contrat en respectant un préavis de 3 mois » ; que cependant aucun chiffre d'affaires n'a été précisé par ce contrat, et rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise CARREFOUR TNL d'un montant de 5000 ¿ par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais ; que le seul élément communiqué quant à l'évolution de ce chiffre d'affaires (pièce n'° 11 du comité d'entreprise CARREFOUR TNL pour la période de juillet à septembre 2011) ne permet pas d'établir la « détérioration conséquente » ci-dessus, c'est donc à tort que le Tribunal de commerce a retenu que la société LDA était en droit de résilier le contrat avant son échéance ; que cette résiliation prononcée le 30 novembre 2011 avec effet au 15 février 2012 peut être rapportée durant ce préavis mais à la condition que ce rapport soit accepté par le comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL qui est totalement libre de le refuser ; que la société LDA n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce rapport s'impose obligatoirement à son cocontractant, même si ce dernier a dans un premier temps envisagé ce rapport ; que le préjudice théorique subi par la Comité d'entreprise CARREFOUR TNL est égal au montant des redevances restant à courir pour la période du jour de la prise d'effet de la résiliation par la société LDA (15 février 2012) à celui de l'échéance contractuelle (26 juin 2014), soit la somme de 42.000 ¿ 00 réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de cette société après le 15 février 2012, puisque l'on conçoit mal qu'un nouveau concessionnaire ne soit pas intervenu, conduit, la Cour à réduire les dommages et intérêts à la somme de 30.000 ¿ 00 ; qu'enfin ni l'équité, ni la situation économique de la société LDA ne permettent de rejeter la demande faite par le Comité d'entreprise CARREFOUR TNL en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1°) ALORS QUE l'offre peut être acceptée par son bénéficiaire, même après un premier refus, tant que son délai n'est pas expiré et qu'elle n'a pas été révoquée par son auteur ; qu'en jugeant que « la société LDA n'est pas fondée à soutenir que l e rapport de sa résiliation s'impose obligatoirement à son cocontractant, même si ce dernier a dans un premier temps envisagé ce rapport », la société LDA étant pourtant bénéficiaire d'une offre de reprise du contrat initial qu'elle a accepté avant sa révocation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1101 et 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'un fait non contesté doit être considéré comme avéré par le juge ; qu'en jugeant que « rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise CARREFOUR TNL d'un montant de 5000 ¿ par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais », alors même que ce fait allégué par la société LDA n'était pas contesté par le Comité d'entreprise CARREFOUR TNL, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la société LDA versait aux débats et se prévalait d'une lettre du 9 avril 2010 indiquant que l' « évaluation pour les boissons chaudes serait égale à : CA 65000 ¿ / PU 0,30 ¿ = 126 666 gobelets par an » ; qu'en décidant néanmoins que « rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise CARREFOUR TNL d'un montant de 5000 ¿ par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais », la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre du 9 avril 2010, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en vertu du principe de réparation intégrale, le juge ne peut accorder une réparation forfaitaire ; qu'en attribuant au Comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL la somme de 30.000 ¿ à titre de dommages et intérêts, motif pris que « le préjudice théorique subi par la Comité d'entreprise CARREFOUR TNL est égal à (¿) la somme de 42.000 ¿ 00 réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de la société LDA après le 15 février 2012 (¿) la Cour est conduite à réduire les dommages et intérêts à la somme de 30.000 ¿ 00 », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
5°) ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT, QUE seul le préjudice certain est réparable, ce qui exclut la réparation du préjudice hypothétique ou éventuel ; qu'en attribuant au Comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL la somme de 30.000 ¿ à titre de dommages et intérêts, motif pris que « le préjudice théorique subi par la Comité d'entreprise CARREFOUR TNL est égal à (¿) la somme de 42.000 ¿ 00 réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de la société LDA après le 15 février 2012, puisque l'on conçoit mal qu'un nouveau concessionnaire ne soit pas intervenu, conduit, la Cour à réduire les dommages et intérêts à la somme de 30.000 ¿ 00 », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la SARL LDA tendant à voir condamner le Comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL à lui payer la somme de 5.000 ¿ à titre de et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 9-3 du contrat conclu le 10 mai 2011 stipule que « Dans le cas où le concessionnaire (c'est-à-dire la société LDA) constaterait une détérioration conséquente du chiffre d'affaire ne permettant plus une activité suffisante, il prononcerait la résiliation du contrat en respectant un préavis de 3 mois » ; que cependant aucun chiffre d'affaires n'a été précisé par ce contrat, et rien ne démontre la thèse de cette société selon laquelle le chiffre d'affaires du comité d'entreprise CARREFOUR TNL d'un montant de 5000 ¿ par mois concerne uniquement les boissons chaudes, et non l'ensemble boissons chaudes ¿ boissons froides ¿ friandises ¿ produits frais ; que le seul élément communiqué quant à l'évolution de ce chiffre d'affaires (pièce n'° 11 du comité d'entreprise CARREFOUR TNL pour la période de juillet à septembre 2011) ne permet pas d'établir la « détérioration conséquente » ci-dessus, c'est donc à tort que le Tribunal de commerce a retenu que la société LDA était en droit de résilier le contrat avant son échéance ; que cette résiliation prononcée le 30 novembre 2011 avec effet au 15 février 2012 peut être rapportée durant ce préavis mais à la condition que ce rapport soit accepté par le comité d'entreprise de l'établissement CARREFOUR TNL qui est totalement libre de le refuser ; que la société LDA n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce rapport s'impose obligatoirement à son cocontractant, même si ce dernier a dans un premier temps envisagé ce rapport ; que le préjudice théorique subi par la Comité d'entreprise CARREFOUR TNL est égal au montant des redevances restant à courir pour la période du jour de la prise d'effet de la résiliation par la société LDA (15 février 2012) à celui de l'échéance contractuelle (26 juin 2014), soit la somme de 42.000 ¿ 00 réclamée par lui ; mais que l'absence d'élément sur le remplacement de cette société après le 15 février 2012, puisque l'on conçoit mal qu'un nouveau concessionnaire ne soit pas intervenu, conduit, la Cour à réduire les dommages et intérêts à la somme de 30.000 ¿ 00 ; qu'enfin ni l'équité, ni la situation économique de la société LDA ne permettent de rejeter la demande faite par le Comité d'entreprise CARREFOUR TNL en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses dernières conclusions d'appel, la société LDA sollicitait la condamnation du comité d'entreprise de CARREFOUR TNL à lui verser la somme de 5.000 ¿ à titre de dommages-intérêts à raison, notamment, du refus de ce dernier de poursuivre finalement le contrat et de la « particulière déloyauté dont il a fait preuve lors de la conclusion du contrat en communiquant volontairement des chiffres erronés et en n'hésitant pas à modifier le contrat pour être certain de percevoir une redevance nettement supérieure au 15% prévu au contrat de base » (concl. app., p. 10) ; qu'en rejetant « toutes autres demandes » sans répondre aux conclusions de la LDA, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.