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02/03/2016 | FRANCE | N°14-86915

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 2016, 14-86915


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Nopoleto X...,

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NOUMÉA, en date du 14 octobre 2010, qui a prononcé sur sa requête en nullité ;- contre l'arrêt de la cour d'assises de NOUVELLE-CALÉDONIE, en date du 19 septembre 2014 qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle, a ordonné le retrait total de l'autorité parentale sur les enfants mineurs, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;



La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 janvier 2016 où ...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Nopoleto X...,

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NOUMÉA, en date du 14 octobre 2010, qui a prononcé sur sa requête en nullité ;- contre l'arrêt de la cour d'assises de NOUVELLE-CALÉDONIE, en date du 19 septembre 2014 qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle, a ordonné le retrait total de l'autorité parentale sur les enfants mineurs, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 janvier 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, MM. Moreau, Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Le Baut ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu que dans le cadre de l'information ouverte contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, le demandeur a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins de voir prononcer la nullité de divers actes diligentés par le juge d'instruction ;
Que, par arrêt du 14 octobre 2010, la chambre de l'instruction a fait droit partiellement à sa demande ; que le demandeur a formé un pourvoi en cassation contre ledit arrêt ; que, saisi d'une demande d'examen immédiat du pourvoi, le président de la chambre criminelle l'a rejetée par ordonnance du 25 janvier 2011 ; que le dossier a été retourné à la juridiction ;
Attendu que, par ordonnance du 8 mars 2012, non frappée d'appel, le juge d'instruction a ordonné sa mise en accusation devant la cour d'assises ; que, par deux arrêts du 11 septembre 2013, la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie l'a déclaré coupable de viols et agressions sexuelles aggravés, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ; que, suite aux appels du demandeur et du ministère public, la cour d'assises d'appel de Nouvelle-Calédonie, autrement composée, l'a, par deux arrêts du 19 septembre 2014, déclaré coupable de viols et agressions sexuelles aggravés et condamné à douze ans de réclusion criminelle, a prononcé sur le retrait total de l'autorité parentale et sur les intérêts civils ;
En cet état :
I-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 14 octobre 2010 ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 161-1, D. 37, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des ordonnances de commission de M. E..., expert ;
" aux motifs que le mis en examen et les victimes ont été entendues par les gendarmes les 9 et 10 octobre 2008 ; que le réquisitoire des chefs d'agressions sexuelles sur mineures de quinze ans par ascendant et de viol sur mineure de quinze ans par ascendant est intervenu le 11 octobre 2008, jour où le juge d'instruction a mis en examen M. X... ; que, ce n'est que le 31 juillet 2009 que le juge d'instruction a commis le docteur E...pour procéder aux examens gynécologiques des mineures A...et B... afin de vérifier, notamment, le dommage que ces dernières avaient subi sur le plan physique ; qu'en effet, ce médecin, dans la mission qui lui avait été confiée, avait été invité à vérifier si ces dernières avaient été déflorées, sodomisées ou étaient atteintes d'une maladie sexuellement transmissible ; que, pour ces expertises qu'il ordonnait plus de neuf mois après que lui avaient été révélés les faits, le juge d'instruction a, en visant l'urgence et l'impossibilité de différer les opérations d'expertise, tenté par cette motivation inadéquate d'expliquer la non-communication aux parties de ses ordonnances de commission de M. E..., expert ; que cette justification fantaisiste, qui tenait en réalité à son inaction pendant plusieurs mois, n'était cependant pas nécessaire ; qu'en effet, ces deux expertises étaient des expertises médicales à effet, notamment, d'évaluer les préjudices subis par les victimes sur le plan physique et n'avaient, en tant que telles, aucune incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen dans la mesure où l'état d'une victime ne constitue nullement en tant que tel la preuve de la culpabilité d'un mis en examen ; que les ordonnances de commission de M. E..., expert, qui entraient dans le cadre des dispositions de l'article D. 37 du code de procédure pénale, n'avaient pas besoin d'être adressées en copie aux parties dans les conditions des dispositions de l'article 161-1, alinéa 1, du code de procédure pénale ;
" alors que ce n'est que pour les catégories d'expertises dont les conclusions n'ont pas d'incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen et, plus spécifiquement, pour les expertises médicales dont l'objet est d'apprécier l'importance du dommage subi par la victime, que le juge d'instruction peut déroger à l'obligation qui lui incombe d'adresser sans délai aux avocats des parties une copie de la décision ordonnant une expertise ; qu'en retenant que les deux ordonnances ayant commis M. E..., expert, pour procéder aux examens gynécologiques des mineures A...et B... n'avaient pas à être notifiées faute d'avoir une incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen tout en constant que l'expert avait été invité à vérifier si ces deux mineures avaient été « déflorées » et « sodomisées », ce dont il résultait que les conclusions de l'expertise avaient nécessairement une incidence sur la détermination de la culpabilité de M. X..., mis en examen, notamment, du chef de viol, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;
Attendu qu'en matière criminelle, le pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction ne mettant pas fin à la procédure ne peut être examiné qu'en même temps que le pourvoi contre la décision ultérieure statuant sur le fond que constitue l'arrêt de mise en accusation devant la cour d'assises ; qu'à défaut, il devient sans objet ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 14 octobre 2010 ;
II-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'assises du 19 septembre 2014 en toutes ses dispositions ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 315, 316, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que par arrêt incident du 19 septembre 2014, la cour d'assises a dit n'y avoir lieu à ré-entendre l'expert G...en présence d'B...
X... eu égard au caractère tardif de cette demande ;
" aux motifs que Maître Milliard et Maître Françoise Cotta, avocats de M. X..., ont déposé des conclusions demandant à ce que soit actée l'absence d'B...
X... dans la salle d'audience la veille au soir lors de l'exposé du rapport la concernant par M. Jean-Luc G..., expert, et à ce que l'audition de cet expert soit reprise en présence d'B... ; que le ministère public a opposé que la demande aurait dû être déposée par écrit lors de la déposition de l'expert et se trouve donc aujourd'hui irrecevable comme tardive ; que la demande tendant à ré-entendre l'expert en présence d'B...
X... est effectivement tardive ;
" alors que la défense peut déposer des conclusions jusqu'à la clôture des débats et même tant que la cour d'assises n'a pas épuisé sa saisine en rendant l'arrêt sur le fond qui met fin à l'instance ; que, dès lors, en retenant que la demande des avocats de l'accusé tendant à ce que M. Jean-Luc G..., expert, entendu la veille au soir en l'absence d'B...
X..., qui avait du s'absenter pour passer un examen, soit ré-entendu en présence de celle-ci était irrecevable comme tardive, la cour d'assises a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;
Vu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que M. G..., expert chargé d'effectuer une expertise psychiatrique et médico-psychologique sur B...
X..., a été entendu par la cour d'assises à l'audience du 18 septembre 2014, en l'absence de cette dernière ; qu'à l'issue de son exposé, l'expert a répondu aux questions du président, des avocats des parties et du ministère public, les avocats de l'accusé ayant eu la parole en dernier ; que le président l'a alors, et avec l'accord de toutes les parties, autorisé à se retirer définitivement ; qu'à la reprise de l'audience le 19 septembre 2014, les avocats de l'accusé ont déposé des conclusions aux fins, notamment, de nouvelle audition de l'expert en présence de la partie civile, B...
X..., dont il leur a été donné acte qu'elle était absente au cours de l'audience de la veille, pendant la déposition de l'expert ;
Attendu que la cour, statuant seule, a rejeté la demande de nouvelle audition de l'expert par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se bornant à déclarer la demande tardive, sans plus s'expliquer sur l'utilité d'une nouvelle audition de l'expert en présence de la partie civile, la cour n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 14 octobre 2010 ;
DIT n'y avoir lieu à statuer ;
II-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt pénal du 19 septembre 2014 et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé ;
CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt pénal de la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie, en date du 19 septembre 2014, ensemble la déclaration de la cour et du jury et des débats qui l'ont précédée ;
CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-86915
Date de la décision : 02/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Arrêts - Arrêt ne mettant pas fin à la procédure - Pourvoi - Examen - Moment - Examen simultané à celui du pourvoi formé contre la décision ultérieure - Défaut - Sanction - Pourvoi devenu sans objet - Cas - Information criminelle

CASSATION - Pourvoi - Arrêt de la chambre de l'instruction - Arrêt ne mettant pas fin à la procédure - Examen - Moment - Examen simultané à celui du pourvoi formé contre la décision ultérieure - Défaut - Sanction - Pourvoi devenu sans objet - Cas - Information criminelle

En matière criminelle, le pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction ne mettant pas fin à la procédure ne peut être examiné qu'en même temps que le pourvoi contre la décision ultérieure statuant sur le fond que constitue l'arrêt de mise en accusation devant la cour d'assises ; à défaut, il devient sans objet


Références :

article 570 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises de la Nouvelle Calédonie, 19 septembre 2014

Sur le moment de l'examen du pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction ne mettant pas fin à la procédure en matière correctionnelle, dans le même sens que :Crim., 19 août 2015, pourvoi n° 15-85314 (arrêt diffusé)Sur le refus d'examen immédiat du pourvoi du procureur général contre un arrêt de la chambre d'accusation rejetant une demande de contre-expertise, à rapprocher :Crim., 11 avril 1996, pourvoi n° 96-80987, Bull. crim. 1996, n° 158 (ordonnance)Sur la conséquence de l'irrecevabilité d'un pourvoi contre l'arrêt de renvoi en cour d'assises sur la recevabilité d'un pourvoi formé antérieurement contre un arrêt avant-dire droit, à rapprocher :Crim., 15 septembre 1999, pourvoi n° 99-84251, Bull. crim. 1999, n° 185 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 2016, pourvoi n°14-86915, Bull. crim. criminel 2016, n° 63
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 63

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.86915
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