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24/02/2016 | FRANCE | N°15-14328

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 février 2016, 15-14328


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu les articles 435 et 414-1 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits ; que, selon le second, c'est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux afin de voir juger qu'il

était titulaire d'un bail rural sur des parcelles appartenant à M. ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu les articles 435 et 414-1 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits ; que, selon le second, c'est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux afin de voir juger qu'il était titulaire d'un bail rural sur des parcelles appartenant à M. Y... pour certaines d'entre elles, à M. et Mme Y... pour les autres ;
Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt retient que la réponse faite par M. Y... à la sommation interpellative du 19 octobre 2012, aux termes de laquelle il a déclaré, ainsi que son épouse, qu'ils étaient « informés de l'exploitation de leurs terres par M. X... Jean-François en vertu d'un bail établi au nom du père de M. X... et dont les loyers n'ont jamais été honorés », ne permet pas d'établir la preuve du fait allégué dès lors que M. Y... était placé sous sauvegarde de justice depuis une décision du juge des tutelles du 28 août 2012 et qu'il a ensuite été placé sous tutelle, par jugement du 21 mars 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que M. Y... souffrait d'insanité d'esprit au moment de la sommation interpellative, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à se voir reconnaître titulaire d'un bail rural sur diverses parcelles de terre sises à Eyguières appartenant pour certaines à M. Y... et pour d'autres à M. et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QU'« Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1, constitue un bail rural soumis au statut du fermage ;
La preuve de l'existence d'un bail rural peut être rapportée par tous moyens ;
Dans un acte établi le 19 octobre 2012 à la demande de M. X..., l'huissier de justice Olivier Z..., qui s'est rendu au domicile des époux Y..., indique qu'il a fait sommation à ces derniers d'avoir à lui indiquer « s'ils sont au courant que M. X... Jean-François exploite leurs terres agricoles, situées à Eyguières 13430, depuis le 1er janvier 2001 et que M. X... Jean-François élève des vaches », et écrit ensuite :
« Ce à quoi il nous a été répondu par M. Y... Lucien et Mme Y... Sylviane qu'ils sont informés de l'exploitation de leurs terres par M X... Jean-François en vertu d'un bail établi au nom du père de M X... et dont les loyers n'ont jamais été honorés. M et Mme Y... sont au courant de la présence de vaches et de chevaux sur tes terres »
Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la réponse faite à l'huissier par M. Y... ne permet pas d'établir la preuve du bail allégué, dès lors que ce dernier était placé sous le régime de la sauvegarde de justice depuis une décision du juge des tutelles de Martigues en date du 28 août 2012 et qu'il a ensuite été placé sous le régime de la tutelle par jugement du 21 mars 2013 ;
S'il résulte des attestations produites par M. X... qu'il exploite les terres des époux Y..., il ne produit aucune pièce permettant d'établir l'existence des paiements en espèces qu'il prétend avoir effectués entre leurs mains, et ne rapporte pas la preuve que cette mise à disposition a été faite à titre onéreux ;
La lettre que la SAFER a adressée le 17 mars 2014 à M. X... concerne une parcelle cadastrée section A0 n° 2, étrangère au litige, et ne permet pas d'établir la preuve du bail allégué ; C'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a débouté M. X... de ses demandes » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Attendu qu'il résulte de l'article L 411- l du code rural que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par les dispositions relatives aux baux à ferme ; que ce même article dispose que la preuve de l'existence d'un tel contrat, dont il est admis qu'il puisse être verbal, peut être apportée par tout moyen.
Attendu que force est de constater que s'agissant des attestations produites par Monsieur X... quatre d'entre elles (A..., B..., C..., D...) sont rédigées dans les mêmes termes généraux et imprécis de sorte qu'il ne peut en être tiré aucune force probante ; que s'agissant des trois autres attestations (E.... F..., G...,) si elles évoquent la présence de chevaux de Monsieur X... sur des terres appartenant à Monsieur Y... elles ne permettent pas d'établir le caractère régulier et permanent de la mise à disposition ni surtout le caractère onéreux de celle-ci ;
Qu'aucune preuve de règlements de fermages même en espèces, n'est rapportée ;
Que s'agissant des réponses données par Monsieur et Madame Y... à la sommation interpellative qui leur a été délivrée le 19 octobre 2012 à la requête de Monsieur X..., aucune valeur probante ne peut être accordée à cette sommation dès lors qu'à la date de sa délivrance Monsieur Y... était placé sous le régime de la sauvegarde de justice (ordonnance du juge des tutelles de Martigues en date du 28 août 2012) et devait être placé le 21 mars suivant sous le régime de la tutelle ;
Attendu qu'il résulte en outre d'une attestation établie par l'association des arrosants d'Eyguières que les cotisations d'arrosage relativement aux parcelles litigieuses sont impayées depuis l'année 2000 ; qu'une attestation de la MSA établit que ces parcelles n'ont fait l'objet d'aucune déclaration d'exploitation depuis 2009 ;
Qu'enfin, il résulte d'un procès-verbal de constat en date du 5 novembre 2012 qu'aucune présence de troupeau ou autres animaux n'est observé sur les parcelles litigieuses, que la plupart d'entre elles sont en nature d'herbes hautes, non entretenues.
Qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de l'existence à son profit du bail rural revendiqué de sorte qu'il ne peut qu'être débouté de ses demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des défendeurs les frais non compris dans les dépens de sorte que Monsieur X... sera condamné à leur payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du C. P. C. » ;
1) ALORS QUE la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits et qu'il appartient à ceux qui contestent la validité d'un acte pour trouble mental de prouver l'existence d'un tel trouble au moment de l'acte ; qu'en jugeant que la sommation interpellative du 19 octobre 2012 n'avait pas de force probante au motif que M. Y... était placé sous le régime de la sauvegarde de justice par une décision du juge des tutelles de Martigues en date du 28 août 2012 et qu'il avait ensuite été placé sous le régime de la tutelle par jugement du 21 mars 2013, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de M. X..., p. 4, antépénultième al., prod. 2), si M. Y... était dans l'incapacité d'exprimer sa volonté lorsqu'il a répondu à la sommation interpellative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 414-1 et 435 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte clairement de la sommation interpellative du 19 octobre 2012 que les époux Y... ont tous deux reconnu que leurs terres avaient été mises à disposition de M. X... à titre onéreux ; qu'en jugeant néanmoins que cette sommation ne permettait pas d'établir la preuve du bail allégué par M. X... au motif que M. Y... était placé sous le régime de la sauvegarde de justice par une décision du juge des tutelles de Martigues en date du 28 août 2012, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que seul M. Y... avait attesté de l'existence de rapports à titre onéreux entre les parties, a dénaturé les termes de la sommation en violation de l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QU'un même instrumentum peut contenir deux attestations qui ont chacune leur propre force probante ; qu'en jugeant que la sommation interpellative du 19 octobre 2012 ne permettait pas d'établir la preuve du bail allégué par M. X... par la considération que M. Y... était placé sous le régime de la sauvegarde de justice par une décision du juge des tutelles de Martigues en date du 28 août 2012, alors que Mme Y... avait également reconnu que leurs terres avaient été mises à disposition de M. X... à titre onéreux, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1354 du code civil ;
4) ALORS QUE la qualification d'un contrat s'opère à partir des engagements que les parties ont souscrits lors de la conclusion du contrat et non au regard des conditions dans lesquelles il est exécuté ; qu'à supposer que l'on puisse interpréter les motifs par lesquels la cour d'appel a retenu que M. X... ne produisait aucune pièce permettant d'établir l'existence des paiements en espèces comme signifiant qu'en l'absence de paiement d'un loyer, le contrat ne pourrait être à titre onéreux, la cour d'appel aurait violé les articles 1134 et 1709 du code civil et L. 411-1 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-14328
Date de la décision : 24/02/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 fév. 2016, pourvoi n°15-14328


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14328
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