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10/02/2016 | FRANCE | N°14-13792

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2016, 14-13792


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2014), que M. X... a été engagé, à compter du 27 avril 2005, en qualité de praticien dentiste par l'association Le Centre dentaire Nord Magenta (l'association) ; que, reprochant à son employeur des faits de harcèlement moral, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation de son contrat de travail aux torts de ce dernier avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 29 octobre 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu

'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2014), que M. X... a été engagé, à compter du 27 avril 2005, en qualité de praticien dentiste par l'association Le Centre dentaire Nord Magenta (l'association) ; que, reprochant à son employeur des faits de harcèlement moral, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation de son contrat de travail aux torts de ce dernier avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 29 octobre 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement nul et de la condamner au paiement d'indemnités de rupture ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la lettre de licenciement était en partie motivée par l'accusation de harcèlement moral que l'employeur estimait infondée, la cour d'appel a, sans méconnaître le principe de la contradiction, estimé que la mauvaise foi du salarié n'était pas établie et décidé à bon droit que la mention de ce grief emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Le Centre dentaire Nord Magenta aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Le Centre dentaire Nord Magenta
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le CENTRE DENTAIRE MAGENTA à payer à monsieur X... la somme de 19 992 euros au titre des congés payés dus pendant la période de septembre 2002 à octobre 2007 et d'AVOIR condamné le CENTRE DENTAIRE MAGENTA aux dépens et à payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « M. Khalid X... fait valoir qu'il est fondé à réclamer le paiement des congés payés concernant l'ensemble de la période pendant laquelle il a été salarié, au motif que si le contrat de travail prévoyait que sa rémunération incluait les congés payés, cette mention était insuffisante dans la mesure où le contrat devait faire apparaître, distinctement, la majoration du taux des commissions, seule de nature il permettre au salarié de vérifier qu'il avait bien été rempli de ses droits. Le centre dentaire Magenta invoque la prescription de cinq ans prévue par l'article L3245-1 du code du travail, qui renvoie lui-même à l'article 2224 du Code civil et qui est applicable à toutes les créances de nature salariale au motif que celte demande, qui n'avait pas été présentée en première instance, n'avait été formée et n'avait été notifiée à l'intimé qu'aux termes de conclusions déposées lors de l'audience du 8 avril 2013. Cependant, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en va autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concerne l'exécution du même contrat de travail. Par conséquent, la prescription a été interrompue par l'introduction de la procédure le 30 juillet 2007, date de réception de la convocation devant le conseil de prud'hommes, peu important que cette demande n'ait été formée que par la suite. Sur le fond, le Centre dentaire Magenta rappelle que le contrat de travail prévoyait expressément que le salaire était un salaire annuel brut, congés payés et remboursement du transport inclus et que l'appelant ne démontre en aucune façon en quoi il n'aurait pas été réglé des congés payés. Mais, ainsi que le fait valoir M. Khalid X..., cette seule mention est insuffisante et en cas de paiement d'un salaire à la commission, le contrat doit clairement faire apparaître d'une part, le calcul des commissions et d'autre part, le calcul des congés payés. Par conséquent, faute par l'employeur de démontrer que les congés payés ont été réglés au salarié, indépendamment des commissions, la demande ne peut qu'être accueillie. Sur la base du calcul non contesté opéré par l'appelant, il y a lieu de lui accorder, à ce titre, la somme de 19 992 € » ;
1) ALORS QUE l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre à moins que les deux demandes, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en jugeant en l'espèce que la demande de rappel d'indemnité de congés payés portant sur la période antérieure au licenciement prononcé le 29 octobre 2007 n'était pas prescrite bien qu'ayant été formulée aux termes de conclusions déposées lors de l'audience du 8 avril 2013, au prétexte que la prescription aurait été interrompue par l'introduction de la procédure le 30 juillet 2007, date de réception de la convocation devant le conseil de prud'hommes, peu important que cette demande avait un but spécifique distinct de celui des demandes initiales, la cour d'appel a violé les articles 2244, 2277 du code civil et L. 3245-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;
2) ALORS QU'employeur et salarié peuvent librement convenir de prévoir expressément dans le contrat de travail une rémunération mensuelle forfaitaire incluant l'indemnité de congés payés, sous réserve de ne pas aboutir pour le salarié à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales ou conventionnelles, sans qu'il soit besoin pour un salarié payé à la commission que soit distingué d'une part le calcul des commissions et d'autre part le calcul des congés payés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le CDM rappelait que le contrat de travail prévoyait expressément que le salaire était un salaire annuel brut, congés payés inclus et que le salarié ne démontrait en aucune façon en quoi il n'aurait pas été réglé des congés payés ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de rappel de congés payés au prétexte qu'en cas de paiement d'un salaire à la commission, le contrat devrait clairement faire apparaître, d'une part, le calcul des commissions et, d'autre part, le calcul des congés payés, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L.3141-22 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement prononcé à l'encontre de monsieur Khalid X..., d'AVOIR condamné le Centre dentaire Magenta à lui payer les sommes de 27 360 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, 8 550 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 42 000 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite, et d'AVOIR condamné le CENTRE DENTAIRE MAGENTA aux dépens et à payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement notifiée à M. Khalid X... le 29 octobre 2007 comportait la motivation suivante : "Nous avons découvert, au début de l'année 2007, que vous tentiez d'instaurer une organisation inéquitable qui consistait à refuser de soigner des patients sur lesquels des soins mineurs peuvent être effectués, pour ne vouloir traiter que de grosses interventions, lesquelles occasionnent pour vous une rémunération plus importante. Ne tenant pas compte de notre refus à voir s'installer un tel système, vous avez adopté une attitude irresponsable. En effet, vous avez exercé en toute impunité des menaces à l'encontre de Messieurs Y... et Z..., allant même jusqu'à leur imposer un chantage s'ils ne satisfaisaient à vos demandes. Dans le même temps, votre politique professionnelle laissait à désirer, comme en témoignent vos actes médicaux défectueux de l'époque. À réception de votre courrier de protestation du 22 mars 2007, intégrant cette fois-ci des critiques sur votre mode de rémunération, j'ai pris la peine de vous répondre 10 jours plus tard pour justifier que vos demandes étaient sans fondement. J'espérais alors que cette mise au point mettrait fin à vos agissements fautifs. À ma grande déception, vous n'avez pas tenu compte de cette mise en garde puisque votre comportement des dernières semaines a dû justifier l'engagement de la présente procédure. En effet, au prétexte que vous entretenez un contentieux prud'homal afférent à votre taux de commissionnement, vous adoptez un comportement inacceptable. Nous déplorons tout d'abord l'envoi de courriers recommandés successifs qui sont non seulement insultants et provocateurs, mais dépassent largement la liberté d'expression reconnue à tout collaborateur. En témoigne votre courrier indigne du 25 septembre 2007 par lequel vous accusez le centre dentaire de faire travailler des personnes non qualifiées au noir, laissant croire que nous serions des délinquants. Plus consternant encore, vous provoquez une nouvelle fois le centre en déclarant désormais être l'objet de harcèlement et avoir été agressé physiquement le 21 septembre 2007, ce qui est totalement faux. En réalité, vous vous êtes, ce même jour, interposé dans une discussion que j'avais avec le docteur A... en me menaçant verbalement en présence d'autres collaborateurs du centre. Votre comportement violent et menaçant, tout comme les déclarations mensongères sur les actes auxquels vous vous livrez et votre provocation perpétuelle, ne permettent plus de vous conserver dans le centre. À cela vient s'ajouter votre participation à la subtilisation de dossiers médicaux appartenant à d'autres praticiens et concernant des patients qui n'ont jamais été soignés par vous. Loin d'être un incident isolé, il apparaît qu'en violation de vos règles ordinales et du principe de délicatesse, vous avez reproduit à l'insu des médecins concernés et avec la complicité du docteur A... des dossiers médicaux confidentiels dans le but de les emporter avec vous. La provocation quasi quotidienne à laquelle vous vous êtes livré au long du mois de septembre, a conduit tant le personnel administratif que de nombreux praticiens à se plaindre de vous ces derniers expliquant que par votre attitude quotidienne (insultes et injures, vexations, provocations et menace de chantage) il devenait impossible de continuer à travailler sereinement. Une rapide enquête a permis de découvrir qu'avec la complicité du docteur A..., votre épouse, vous vous êtes livré à des manoeuvres de déstabilisation du personnel du centre, lesquelles ont malheureusement entravé la qualité du travail réalisé et mis en péril notre activité. Il ne fait d'ailleurs nul doute que ces agissements ont été menés sciemment avec la volonté évidente de provoquer sans cesse les dirigeants du centre, afin d'arriver à une rupture" ; Il suffit de constater, ainsi que le rappelle l'appelant, qu'aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoirs relatés et que l'article L 1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance, notamment de ce dernier texte, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il en résulte donc que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave était en partie motivée par l'accusation de harcèlement moral que l'employeur estimait infondée. Si ces faits de harcèlement moral n'ont pas été établis il n'est pas démontré pour autant que leur dénonciation par M. Khalid X... résultait d'une mauvaise foi de sa part et ce d'autant moins qu'il existait incontestablement au sein du centre dentaire un climat délétère et une opposition entre le docteur X... et son épouse et le directeur de ce centre. Le licenciement ne peut donc qu'être déclaré nul. III - Sur les conséquences de la nullité du licenciement Il n'est pas contesté que le salaire moyen de référence doit être fixé à la somme de 6 840.25 €. Il est donc dû à l'appelant une indemnité compensatrice de préavis, dont le calcul non contesté, correspond à quatre mois de salaire, soit la somme de 27 360 €, outre les congés payés afférents. De la même façon, en application de la convention collective, qui prévoit une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un demi-mois de salaire par année d'ancienneté, il est dû à M. Khalid X..., à ce titre, la somme de 8 550 €. Le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise. En l'espèce, il sera donc accordé à M. Khalid X..., à ce titre, la somme de 42 000 € » ;
1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions auxquelles se référait la cour d'appel (arrêt page 2), le salarié faisait tout au plus valoir que « nul ne peut être sanctionné en raison de son refus de subir des agissements de harcèlement moral et physique » (conclusions adverses page 15) sans se prévaloir de la règle selon laquelle « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » ; qu'en relevant d'office un tel moyen, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la mauvaise foi du salarié peut se déduire du caractère mensonger des accusations qu'il a proférées à l'encontre de son employeur ; qu'en l'espèce, le CDM faisait valoir que c'était de manière mensongère que le salarié prétendait avoir fait l'objet d'une agression physique pour accuser l'employeur de harcèlement (conclusions d'appel page 15) et soulignait qu'il avait multiplié les manoeuvres (page 11 in fine notamment) ; qu'il résulte encore des propres constatations de la cour d'appel que c'est faussement que monsieur X... se prévalait, au titre du harcèlement, d'une baisse de son chiffre d'affaires puisqu'il avait au contraire augmenté « considérablement » (arrêt page 6) ; qu'en se bornant à affirmer que si les faits de harcèlement moral n'ont pas été établis, il n'est pas démontré pour autant que leur dénonciation par monsieur Khalid X... résultait d'une mauvaise foi de sa part, sans dire en quoi le caractère mensonger des accusations de monsieur X... envers son employeur n'était pas suffisamment caractérisé et/ou de nature à établir sa mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail ;
3) ALORS QUE même lorsque la lettre de licenciement évoque une fausse accusation de harcèlement moral, dont il est jugé qu'elle ne peut fonder le licenciement faute de mauvaise foi établie du salarié, le juge doit examiner les autres griefs de licenciement pour déterminer si, à eux seuls, indépendamment du grief tiré de la dénonciation de faits de harcèlement, ils ne suffisent pas à justifier le licenciement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que si la lettre de licenciement reprochait incidemment au salarié d'avoir déclaré être l'objet de harcèlement, l'employeur formulait de nombreux autres griefs tirés notamment de la mise en place par le salarié d'un contournement des procédures internes de répartition des patients pour majorer sa rémunération au détriment des autres dentistes, de menaces, chantage et insultes à l'encontre d'autres salariés, de l'envoi de courriers insultant à l'employeur, du vol de dossiers médicaux confidentiels ; qu'en jugeant que le licenciement devait être déclaré nul après avoir relevé que si ces faits de harcèlement moral n'ont pas été établis, il n'est pas démontré pour autant que leur dénonciation par M. Khalid X... résultait d'une mauvaise foi de sa part, la cour d'appel, qui n'a pas examiné les nombreux autres griefs de licenciement formulés dans la lettre de rupture, a violé les articles L. 1232-6, L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-13792
Date de la décision : 10/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2016, pourvoi n°14-13792


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.13792
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