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04/02/2016 | FRANCE | N°14-26230

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 février 2016, 14-26230


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2014), que M. et Mme X... ont confié à Mme Y..., architecte, la réalisation d'un projet de rénovation et transformation de leur maison ; qu'en exécution d'un premier contrat, Mme Y... a déposé une demande de permis de construire, à laquelle l'inspecteur général des carrières a répondu en prescrivant des consolidations souterraines ; que, par un second contrat, Mme Y... s'est engagée à réaliser le

projet de conception générale de l'ouvrage, à assurer la direction des travau...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2014), que M. et Mme X... ont confié à Mme Y..., architecte, la réalisation d'un projet de rénovation et transformation de leur maison ; qu'en exécution d'un premier contrat, Mme Y... a déposé une demande de permis de construire, à laquelle l'inspecteur général des carrières a répondu en prescrivant des consolidations souterraines ; que, par un second contrat, Mme Y... s'est engagée à réaliser le projet de conception générale de l'ouvrage, à assurer la direction des travaux, à assister les maîtres de l'ouvrage à la réception et à établir le dossier des ouvrages exécutés ; que le permis de construire a été accordé, assorti de l'obligation de procéder aux consolidations souterraines ; que M. et Mme X... ont fait réaliser les travaux de consolidation, puis ont assigné Mme Y... en indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de Mme Y... ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que le préjudice causé par le manquement de l'architecte à son obligation de conseil n'était pas le coût des travaux, dont M. et Mme X... connaissaient la nécessité dès l'obtention du permis de construire, qui relevait de leur seule décision de modifier leur immeuble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de Madame Marie-Laure Y... à la somme de 5.668,50 €, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012 ;
Aux motifs que « Monsieur et Madame François-Joseph et Michelle X..., en concluant à la confirmation du jugement, limitent leur demande d'indemnisation aux postes de préjudice retenus par le tribunal, à savoir les dépenses suivantes : - le coût du comblement par injection : 71.760 E - les frais du géotechnicien : 2.511,60 E - les frais d'assistance technique : 5.668,50 E - le coût du contrat de prêt : 2.136 E + 100.014,40 E Au soutien de leur demande, ils reprochent à Madame Marie-Laure Y... de les avoir entraînés dans des frais financiers qu'ils n'avaient pas envisagés et la tiennent pour responsable de ces quatre dépenses. Pour obtenir la condamnation de Madame Marie-Laure Y... à les indemniser, il leur appartient d'apporter la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité direct avec un manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles. Monsieur et Madame François-Joseph et Michelle X... ne versent aux débats aucun marché ni devis permettant de connaître le montant prévisionnel de l'opération de rénovation qu'ils ont entreprise. Madame Marie-Laure Y... produit trois documents différents à entête de THINK DECO contenant des estimations des travaux, l'un daté du 22 juillet 2009 estimant les travaux à 411.697 euros, un deuxième daté du 23 septembre 2009 estimant les travaux à 358,700 euros et le troisième non daté estimant les travaux à 377.717 euros. Le seul devis versé aux débats, par Madame Marie-Laure Y..., est celui de la SARL EDIFICE, entreprise générale, devis accepté le 22 septembre 2009 par le maître de l'ouvrage, pour un montant de 80.175,36 euros TTC. A la lecture des pièces du dossier, il apparaît que Monsieur et Madame François-Joseph et Michelle X... ont conclu des contrats de rénovation de leur immeuble avec deux professionnels sans définition préalable du coût des travaux envisagés pour la réalisation de leur projet. Dans leurs rapports avec Madame Marie-Laure Y..., seule l'indication du montant de l'enveloppe financière prévisionnelle ayant servi de base au calcul des honoraires de l'architecte (98 606 + 3.588 C) fournit une indication sommaire et provisoire, sans valeur contractuelle, sur les prévisions budgétaires des maîtres de l'ouvrage. Le coût de l'étude de sol était inclus dans cette estimation, pour un montant de 3.588 euros, et ne peut donc pas constituer un préjudice au titre des frais financiers non envisagés. Le coût du comblement des carrières par injection n'était en revanche pas inclus dans cette estimation, bien qu'il incombât inévitablement à Monsieur et Madame X..., dès lors qu'ils persistaient dans leur projet en connaissance de l'obligation imposée par le permis de construire qui leur avait été accordé le 8 septembre 2009. En déposant la déclaration d'ouverture de chantier le 5 octobre 2009 sans attirer spécialement l'attention de Monsieur et Madame X... sur la nécessité de prendre en compte un surcoût consécutif à l'obligation de comblement des carrières, Madame Marie-Laure Y..., qui, en sa qualité de professionnelle qualifiée, devait, comme l'a précisé à juste titre le tribunal, les guider dans leur choix au lieu de les engager dans une opération dont ils ne mesuraient pas le coût, a manqué à son obligation de conseil à leur égard. Le préjudice que ce manquement est susceptible de leur avoir causé n'est cependant pas le coût des travaux, dont ils connaissaient la nécessité dès l'obtention du permis de construire, qui relève de leur seule décision de modifier leur immeuble et qui n'est pas- une conséquence du manquement de Madame Y... dans l'exécution de ses obligations. En revanche, les frais d'assistance technique retenus par le tribunal, qui semblent correspondre à une partie du coût des prestations de la SARL NEOPRISM Consultants, dont le total atteignait 6.418,50 euros, pour le suivi des travaux de forage, sont directement consécutifs à la perte de confiance de Monsieur et Madame X... dans leur architecte, qui les a contraints à faire appel à une autre personne pour les assister dans l'exécution de ces travaux. Il s'agit d'un préjudice en lien direct avec les manquements de Madame Marie-Laure Y... dans l'exécution de ses obligations. Quant aux intérêts de l'emprunt souscrit par Monsieur et Madame X... pour financer partiellement l'opération d'agrandissement de leur immeuble, ils résultent de leur décision de transformer leur immeuble dans toutes ses conséquences, notamment la nécessité de financer le coût des travaux, indépendamment du défaut de conseil de Madame Marie-Laure Y..., qui n'a pas d'incidence sur leurs obligations à cet égard. L'équité s'oppose à ce qu'une somme soit allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile » ;
Alors que, d'une part, la perte de chance de renoncer à un projet immobilier constitue un préjudice indemnisable ; qu'en retenant, en l'espèce, que le préjudice résultant du manquement de l'architecte à son devoir de conseil n'est pas le coût des travaux, dont les époux X... connaissaient la nécessité dès l'obtention du permis de construire, qui relève de leur seule décision de modifier leur immeuble et qui n'est pas une conséquence du manquement, sans rechercher, comme il lui était pourtant demandé, si le préjudice des époux X... ne consistait pas en la perte de l'opportunité de pouvoir renoncer à leur projet, ceux-ci n'ayant été informés du surcoût résultant du comblement des carrières que postérieurement aux opérations de démolition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, la perte de chance de renoncer à un projet immobilier constitue un préjudice indemnisable ; qu'en retenant, en l'espèce, pour juger que le préjudice résultant du manquement de l'architecte à son devoir de conseil n'est pas le prêt souscrit pour financer l'opération de comblement, que ce prêt résulte de leur décision de transformer leur immeuble dans toutes ses conséquences, notamment la nécessité de financer le coût des travaux, indépendamment du défaut de conseil de Madame Marie-Laure Y..., sans rechercher, comme il lui était pourtant demandé, si le préjudice des époux X... ne consistait pas en la perte de l'opportunité de pouvoir renoncer à leur projet, et donc de pouvoir renoncer au prêt souscrit pour financer le comblement des carrières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-26230
Date de la décision : 04/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 fév. 2016, pourvoi n°14-26230


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26230
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