La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2016 | FRANCE | N°15-12363

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 janvier 2016, 15-12363


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2014), que les sociétés Fibre excellence et Tembec ont conclu un contrat d'achat de titres aux termes duquel la première devait se porter acquéreur des titres de trois sociétés appartenant à la seconde, moyennant un prix à compléter en fonction du fonds de roulement net des sociétés ; que des différends étant nés entre elles, la société Fibre excellence a mis en oeuvre la clause d'arbitrage renvoyant au

règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) ; que l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2014), que les sociétés Fibre excellence et Tembec ont conclu un contrat d'achat de titres aux termes duquel la première devait se porter acquéreur des titres de trois sociétés appartenant à la seconde, moyennant un prix à compléter en fonction du fonds de roulement net des sociétés ; que des différends étant nés entre elles, la société Fibre excellence a mis en oeuvre la clause d'arbitrage renvoyant au règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) ; que le tribunal arbitral, constitué de Mme X..., président, de MM. Y...et Z..., arbitres désignés respectivement par la société Fibre excellence et la société Tembec, a tenu l'audience de plaidoiries, le 30 mai 2012 ; que, le 28 février 2013, M. Z... a révélé aux parties qu'il négociait depuis plusieurs mois son intégration dans un cabinet d'avocats qui était le conseil de la société Tembec ; que, le 27 mars, la société Fibre excellence ayant demandé la démission de l'arbitre, le président du tribunal arbitral en a accusé réception et a informé les parties que le projet de sentence était déjà soumis aux processus d'examen de la CCI et qu'en vertu de l'article 22 (1) des règles de l'arbitrage, la procédure d'arbitrage était clôturée depuis le 27 septembre 2012 ; que la Cour internationale d'arbitrage de la CCI a, le 4 avril 2013, avisé les parties de ce que la démission de M. Z..., intervenue l'avant-veille, serait examinée, lors de l'une de ses prochaines séances, que ses honoraires y seraient, le cas échéant, fixés, et les a invitées à formuler leurs observations ou commentaires sur ces points ainsi qu'en application de l'article 12 (5) des règles d'arbitrage ; que, le 2 mai 2013, la Cour internationale d'arbitrage de la CCI a accepté cette démission et décidé que les arbitres restants continueraient l'arbitrage, en application de l'article 12 (5) précité ; que la sentence, rendue le 16 mai 2013, par les deux arbitres demeurés en fonction, a décliné la compétence du tribunal arbitral pour se prononcer sur le fonds de roulement, ordonné aux parties de reprendre sur ce point la procédure d'expertise et rejeté toute autre demande ;
Attendu que la société Fibre excellence fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation de la sentence ;
Attendu qu'après avoir constaté que la société Fibre excellence, qui avait sollicité la démission de M. Z..., avait été immédiatement informée par le président du tribunal arbitral que la procédure avait été clôturée le 27 septembre 2012 et que la sentence était déjà soumise au processus d'examen de la Cour internationale d'arbitrage, relevé que celle-ci avait invité les parties à faire valoir leurs commentaires relatifs à cette démission ainsi qu'à la mise en oeuvre de l'article 12 (5) du règlement d'arbitrage et retenu que la société Fibre excellence s'était abstenue de présenter ses observations sur la poursuite de l'arbitrage par leurs seuls arbitres restants, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle avait renoncé à se prévaloir du moyen tiré de l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fibre excellence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Tembec la somme de 5 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Fibre excellence
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation dirigé contre la sentence rendue entre la société Fibre Excellence et la société Tembec le 16 mai 2013,
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile : " La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir " ; que les modalités de présentation de tels moyens au cours de l'instance arbitrale sont fixées, le cas échéant, par le règlement d'arbitrage auquel les parties ont convenu de se soumettre ; que le contrat d'acquisition de titres conclu le 19 mars 2010 comporte un article 10. 15 qui stipule que tous les litiges découlant du contrat ou s'y rapportant sont tranchés définitivement conformément au règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément audit règlement ; que l'article 12 de ce règlement, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 1998, prévoit, en son paragraphe 1 : " Il y a lieu à remplacement d'un arbitre en cas de décès, de récusation, de démission acceptée par la cour ou à la demande de toutes les parties ", et en son paragraphe 5 : " Après la clôture des débats, plutôt que de remplacer un arbitre décédé ou destitué par la Cour en application de l'article 12 paragraphes 1 et 2, la Cour peut décider, quand elle l'estime approprié, que les arbitres restants continueront l'arbitrage. Pour se décider, la Cour tient compte des observations des arbitres restants et des parties et de tout autre élément qu'elle considère pertinent dans les circonstances " ; que le tribunal arbitral constitué de M. Y..., arbitre désigné par FIBRE EXCELLENCE, de M. Z..., arbitre désigné par TEMBEC et de Mme X..., présidente, a été confirmé par la Cour de la Chambre de commerce international le 23 mars 2011 ; que l'audience de plaidoiries a eu lieu le 30 mai 2012 et a été suivie de quelques échanges ; que dans la procédure arbitrale, FIBRE EXCELLENCE était assistée par des avocats du cabinet Bredin Prat, et TEMBEC par des avocats du cabinet Orrick Rambaud Martel ; que le 28 février 2013, M. Z... a mis à jour sa déclaration d'indépendance auprès des parties et de la Chambre de commerce international dans les termes suivants : " Depuis plusieurs mois, j'ai entretenu des discussions avec mon cabinet actuel ainsi qu'avec d'autres cabinets, portant sur la possibilité que je quitte le cabinet Herbert Smith Freehills Paris LLP pour en rejoindre un autre. L'un d'entre eux était Orrick Rambaud Martel ", cabinet que M. Z... a effectivement rejoint le 30 avril 2013 ; que le 27 mars 2013, le conseil de FIBRE EXCELLENCE a adressé aux membres du tribunal arbitral un courriel qui énonçait : " Nous faisons suite à la lettre de Monsieur Z... en date du 28 février 2013 dans laquelle ce dernier a informé les parties qu'il est actuellement en négociation avec le cabinet Orrick Rambaud Martel en vue de rejoindre potentiellement ce cabinet en tant qu'associé Orrick Rambaud Martel étant le conseil de la Défenderesse, la Demanderesse considère que cette situation impacte clairement l'indépendance de M. Z.... La demanderesse n'a aucun doute quant aux efforts que M. Z... fournit afin d'appliquer les normes professionnelles les plus élevées dans tous les dossiers, y compris ceux où il est nommé arbitre. Néanmoins, des négociations portant sur un poste potentiel au sein de l'entité conseil de la partie l'ayant nommé dans un arbitrage crée nécessairement un conflit d'intérêts que la Demanderesse ne peut accepter. Les parties font maintenant face à une situation très sensible où l'un des membres du tribunal arbitral est contesté en attendant la sentence. Or, compte tenu des spécificités du dossier et que cette sentence est une première étape dans la procédure, après examen approfondi, la Demanderesse est convaincue qu'il n'existe aucune autre alternative que de solliciter la démission de Monsieur Z... " ; que ce dernier a présenté sa démission par un courriel envoyé le 2 avril 2013 aux autres membres du tribunal arbitral ainsi qu'à la Cour de la Chambre de commerce international ; que le même jour, la présidente du tribunal arbitral a adressé aux conseils des parties un courriel qui énonçait : " Au nom du tribunal arbitral, j'accuse réception de la lettre de la Demanderesse datée du 27 mars 2013 sollicitant la démission de Monsieur Z... à la suite de sa révélation du 28 février 2013. Sans préjudice de ce qui a été mentionné ci-dessus, le Tribunal souhaite informer les Parties que le projet de sentence est actuellement soumis au processus d'examen de la Cour internationale d'arbitrage de la C. C. I et, qu'en vertu de l'article 22 (1) des Règles d'arbitrage, la procédure d'arbitrage est dite clôturée depuis le 27 septembre 2012, à la suite du dernier échange ayant eu lieu entre les Parties, concernant les coûts, les demandes et la version actualisée de la déclaration d'indépendance et d'impartialité du Président " ; que la Cour de la Chambre de commerce international a écrit aux conseils des parties par courriel du 4 avril 2013 : " Le Secrétariat vous informe que Monsieur Charles Z..., par une lettre datée du 2 avril 2013, a présenté sa démission en tant que co-arbitre. Nous notons qu'une copie de la lettre de M. Z... a été envoyée directement aux parties, ainsi qu'aux autres Arbitres. En vertu de l'article 12 (1) des Règles d'arbitrage, la Cour sera invitée, lors de l'une de ses prochaines séances, à examiner la démission de Monsieur Z... et, le cas échéant, à fixer ses honoraires. Nous vous invitons à formuler toutes observations ou commentaires que vous auriez concernant ce qui a été exposé ci-dessus, ainsi qu'en application de l'article 12 (5) des Règles d'arbitrage, avant le 12 avril 2013 " ; que FIBRE EXCELLENCE n'a pas répondu à ce courriel ; que lors de sa session du 2 mai 2013, la Cour de la Chambre de commerce internationale a accepté la démission de M. Z... et décidé que les arbitres restants continueraient l'arbitrage en application de l'article 12. 5 du règlement d'arbitrage ; que la sentence a été rendue le 16 mai 2013, en cet état, par les deux arbitres demeurés en fonction ; que contre la fin de non-recevoir du moyen unique d'annulation, tirée par TEMBEC du défaut de réponse de son adversaire au courriel du secrétariat de la Cour de la Chambre de commerce international du 4 avril 2013, FIBRE EXCELLENCE fait valoir qu'elle a invoqué l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral devant les arbitres, en demandant la démission de M. Z..., dès qu'elle a connu les circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance et l'impartialité de ce dernier ; que la nécessité de procéder au remplacement d'un arbitre ne constitue pas un moyen distinct de la demande de démission ; que l'acceptation de la démission de M. Z... n'a pu avoir pour effet de purger l'irrégularité tirée du conflit d'intérêts dès lors que cet arbitre a participé à la préparation de la sentence ; enfin que la Chambre de commerce international n'a pas respecté son propre règlement puisque le courriel du 4 avril 2013 invitant les parties à présenter leurs observations sur l'application de l'article 12 (5) du règlement d'arbitrage a été envoyé avant même que la démission de M. Z... ait été acceptée par la cour d'arbitrage de la C. C. I, en violation de l'article 12 (1) et (5) ; que s'il appartient au juge du recours d'apprécier, au regard de l'exigence d'indépendance et d'impartialité des arbitres, le bien-fondé de la mise en oeuvre de l'article 12 (5) précité du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce international, c'est à la condition que la partie qui critique l'application de ce texte ait formulé des objections lorsqu'elle a été utilement mise à même de le faire ; que, contrairement à ce que soutient FIBRE EXCELLENCE, la seule circonstance qu'elle ait demandé la démission de l'un des arbitres n'était pas de nature à la dispenser de prendre parti sur l'application de l'article 12 (5) du règlement d'arbitrage, dès lors que cette disposition, à laquelle elle s'était volontairement soumise, a précisément vocation à régir l'hypothèse de la poursuite de l'arbitrage après la clôture des débats avec les seuls arbitres restants, lorsque l'un d'eux est décédé, a été récusé ou a démissionné ; qu'il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que FIBRE EXCELLENCE, en s'abstenant de répondre, dans le délai raisonnablement imparti, à l'invitation qui lui était faite de présenter des observations sur l'application de l'article 12 (5) du règlement, à une date où, d'une part, elle avait demandé la démission de l'un des arbitres, de sorte que la question de la poursuite éventuelle de l'arbitrage en l'absence de celui-ci se posait déjà au regard des prévision du règlement, peu important que la démission de l'intéressé n'ait pas encore été acceptée et où, d'autre part, elle savait que la sentence était déjà soumise à l'approbation de la Cour de la Chambre de commerce internationale, a, implicitement mais nécessairement, accepté que la décision fût rendue en l'état où elle se trouvait, sans réouverture des débats ni nomination d'un nouvel arbitre ; qu'elle a ainsi renoncé à se prévaloir devant le juge de l'annulation du moyen d'irrégularité de la composition du tribunal arbitral tenant au défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre démissionnaire ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen unique d'annulation doit être écarté et le recours rejeté ;
1) ALORS QUE le recours en annulation de la sentence est ouvert si le tribunal a été irrégulièrement constitué ; que le défaut d'impartialité de l'arbitre doit, pour pouvoir être invoqué devant le juge de l'annulation, l'avoir été par la partie qui s'en prévaut en temps utile ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la société Fibre Excellence a invoqué la situation de conflit d'intérêt dans laquelle se trouvait l'arbitre Z... du fait de ses contacts avec l'avocat d'une des parties dès qu'elle en a eu connaissance ; qu'il en résultait que la demande d'annulation de la sentence pour défaut d'impartialité de l'arbitre, irrégularité dont il n'était pas contesté qu'elle avait été invoquée en temps utile, était recevable ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1466, 1506 et 1520 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la renonciation ne se présume pas ; qu'en retenant que la société Fibre Excellence, en ne répondant pas à l'invitation qui lui avait faite de s'exprimer sur l'application de l'article 12 (5) du règlement, avait « accepté que la décision soit rendue en l'état, sans réouverture des débats ni nomination d'un nouvel arbitre », et qu'elle avait ainsi renoncé à se prévaloir, devant le juge, du défaut d'impartialité de l'arbitre à l'appui d'une demande d'annulation de la sentence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ensemble l'article 1466 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la société Fibre Excellence faisait valoir que le règlement d'arbitrage faisait obligation à la CCI, après avoir accepté la démission de l'arbitre, d'interroger les parties sur les conséquences de cette démission ; qu'elle exposait que le fait que la CCI, après avoir accepté la démission de M. Z..., ait estimé approprié de ne pas le remplacer sans solliciter les observations des parties sur ce point, constituait une violation du règlement d'arbitrage et constituait un motif légitime au sens de l'article 1466 du code de procédure civile, faisant obstacle à ce qu'elle soit considérée comme ayant renoncé à se prévaloir du défaut d'impartialité de l'arbitre (conclusions p. 29 et suivantes) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motif et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-12363
Date de la décision : 27/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 jan. 2016, pourvoi n°15-12363


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.12363
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award