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27/01/2016 | FRANCE | N°14-14068

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 14-14068


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 4624-1, L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société AGL en qualité d'attaché commerciale à compter du 1er juin 2009, a été en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2009, pour une rechute d'accident du travail ; qu'à l'issue de l'examen médical de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail l'a déclarée "apte à un travail assis" ; qu'il a précisé sa position le 3 novembre 20

10 puis le 3 décembre 2010 ; que la salariée a été licenciée le 17 décembre 2010...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 4624-1, L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société AGL en qualité d'attaché commerciale à compter du 1er juin 2009, a été en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2009, pour une rechute d'accident du travail ; qu'à l'issue de l'examen médical de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail l'a déclarée "apte à un travail assis" ; qu'il a précisé sa position le 3 novembre 2010 puis le 3 décembre 2010 ; que la salariée a été licenciée le 17 décembre 2010 pour faute grave au motif d'une absence injustifiée depuis le 22 octobre 2010 ;
Attendu que pour dire le licenciement de la salariée fondé sur une faute grave, l'arrêt retient qu'elle s'était abstenue de se présenter dans l'entreprise après la visite de reprise du 22 octobre 2010, à l'issue de laquelle elle avait été déclarée apte avec réserves, cette absence injustifiée perdurant en dépit des explications détaillées fournies par l'employeur et de deux lettres recommandées de mise en demeure en date du 28 octobre et du 9 novembre 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le médecin du travail, le 3 décembre 2010, indiquait avoir contacté l'employeur à plusieurs reprises pour une étude du poste, que celui-ci avait annulée, et mentionnait l'inaptitude actuelle de la salariée à son poste, de sorte qu'il lui appartenait, pour apprécier, à la date du licenciement, la gravité du manquement invoqué, de tenir compte de ces nouveaux éléments et préconisations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés, l'arrêt rendu le 30 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société AGL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société AGL à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de rappels de salaires et de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QU'à l'issue de la visite de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail a émis l'avis suivant « apte à un travail assis » ; que par lettre du 28 octobre 2010, l'employeur a sollicité le médecin du travail en ces termes : « vos préconisations ne semblent pas incompatibles avec les fonctions d'attachée commerciale exercées par notre salariée (P.J. contrat de travail). Si tel n'était pas le cas, je vous remercie à réception de m'en informer, de me préciser la nature des réserves, et de prévoir une visite en entreprise dans le cadre d'un étude de poste » ; que ce médecin lui a fait la réponse suivante par lettre du 3 novembre 2010 : « concernant la visite de reprise du 22/10/2010 de Madame X... Valérie, attachée commerciale à AGK Marine, j'ai en effet noté "apte à un travail assis". Elle est apte à un poste commercial sédentaire, assis : -sans marches répétées et prolongées, -sans port de charges, -sans montées sur échelles, sur les bateaux par exemple. Je pourrai, si vous le souhaitez, passer en étude de poste, en entreprise » ; que dans une nouvelle lettre adressée à l'employeur le 3 décembre 2010, le médecin du travail a fourni les précisions suivantes : « sur la demande d'une de vos salariées, Madame X..., attachée commerciale, je vous précise son inaptitude actuelle au poste d'attachée commerciale à AGL Marine, ce poste impliquant des contraintes physiques trop importantes pour cette salariée, avec fréquents déplacements et marches prolongées et répétées, c'est pourquoi j'avais noté apte à un travail assis lors de sa visite de reprise du 22/10/10. Ainsi que je vous l'avais déjà précisé sur ma lettre recommandée du 3/11/10, elle est apte à un poste commercial sédentaire assis, sans marches répétées ni prolongées, sans port de charges, et sans montées sur des échelles, sur des bateaux par exemple. Je vous ai contacté à plusieurs reprises pour une étude de poste sur place mais vous avez annulé » ; que contestant cette dernière affirmation par courrier du 6 décembre 2010, dans lequel il a fait valoir qu'il avait lui-même proposé au médecin du travail de venir dans l'entreprise, mais qu'en raison d'une intervention chirurgicale, il avait dû différer la seule date compatible avec leurs agendas respectifs, ce dont ce médecin avait été avisé, le gérant de la société a ajouté « par mail et par courrier du 3 novembre, vous avez confirmé l'aptitude à la reprise en énonçant cette fois vos réserves dont nous avons tenu compte pour aménager le poste de travail de notre salariée afin qu'elle poursuive ses fonctions de commerciale au siège de l'entreprise après une période d'adaptation rendue nécessaire par une absence de plus d'un an » ; que parallèlement, par courrier recommandé adressé le 28 octobre 2010 et reçu le 30 octobre 2010, l'employeur, constatant que la salariée n'avait pas repris son poste de travail à l'issue de la visite de reprise, a mis celle-ci en demeure de se présenter au siège de l'entreprise le 2 novembre 2010, après lui avoir expressément rappelé qu'elle avait été déclarée apte à la reprise à un poste assis et qu'elle ne pouvait donc pas se placer sur le terrain de l'inaptitude et de l'obligation de reclassement ; que la salariée lui ayant répondu, le 5 novembre 2010, qu'elle attendait une proposition de reclassement, par mail du 8 novembre 2010, l'a de nouveau invitée à rejoindre son lieu de travail en lui indiquant que les précisions qu'il avait obtenues de la part du médecin du travail sur la nature des réserves et restrictions ne remettaient pas en cause son aptitude à la reprise ; que par lettre recommandée motivée adressée le 9 novembre 2010 et reçue le 10 novembre 2010, l'employeur a réitéré cette demande ; que convoquée par lettre du 2 décembre 2010 à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2010, auquel elle ne s'est pas présentée, la salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 décembre 2010 ; qu'il résulte clairement de l'ensemble de ces éléments qu'à l'issue de l'unique visite de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail du travail a émis un avis d'aptitude avec réserves, dont il a précisé la portée dans ses courriers du 3 novembre et du 3 décembre 2010 ; que l'employeur était donc tenu de réintégrer la salariée à son poste de travail ou de lui fournir un poste similaire, sauf à prendre en considération les réserves et préconisations formulées par le médecin du travail ; que soutenant à tort que l'employeur aurait dû lui faire une proposition de reclassement suite à la constatation de son inaptitude, la salariée, qui s'est abstenue de se présenter à l'entreprise après la visite de reprise du 22 octobre 2010, à l'issue de laquelle elle avait été déclarée par le médecin du travail apte à la reprise avec des réserves, a dès lors été absente de son poste de travail sans motif légitime ; que cette absence injustifiée, qui a perduré en dépit des explications détaillées fournies par l'employeur et de deux lettres recommandées de mise en demeure, constitue une violation par l'intéressée de ses obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle empêchait son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE c'est à juste titre que l'employeur fait valoir qu'il y a lieu de considérer uniquement l'avis d'aptitude daté du 22 octobre 2010 et non la lettre du médecin du travail du 3 décembre 2010 ; qu'en effet il est de jurisprudence établie que lorsque le salarié est déclaré apte à la reprise de son emploi avec des réserves, le moyen qui invoque les dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail est inopérant ; que l'avis du médecin du travail en date du 22 octobre s'impose à l'employeur et Madame X... ne peut de sa propre initiative l'interpréter comme elle l'a fait ; que le fait de refuser par deux fois de reprendre son poste de travail doit être considéré comme une faute grave ;
1. ALORS QUE l'avis du médecin du travail sur l'inaptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et qu'il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; que l'arrêt constate que le médecin du travail, dans un courrier adressé à l'employeur le 3 décembre 2010, a déclaré que la salariée était inapte au poste d'attachée commerciale, ce poste impliquant des contraintes physiques trop importantes pour cette salariée, avec fréquents déplacements et marches prolongées et répétées, et que c'est pourquoi il avait noté « apte à un travail assis » lors de la visite de reprise du 22 octobre 2010 ; qu'en décidant que le médecin du travail avait émis un avis d'aptitude à la reprise de son poste d'attachée commerciale, de sorte que l'employeur n'était pas tenu de mettre en oeuvre la procédure de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L.1226-2, L.1226-4, et L.4624-1 du code du travail, ensemble les articles L.1232-1, L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 du code du travail ;
2. ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-1 du code du travail ; que l'absence du salarié de son poste de travail est justifiée dès lors que l'employeur ne justifie pas de sa compatibilité avec les préconisations du médecin du travail ; que l'arrêt constate que le médecin du travail a préconisé l'affectation de Madame X... à un poste commercial sédentaire assis ; qu'en décidant que l'absence de la salariée était « sans motif légitime » et constitutive d'une faute grave, sans vérifier, comme elle y était invitée, que l'employeur justifiait de sa réintégration dans un poste commercial sédentaire assis conformément aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1226-8 et L.4624-1 du code du travail, ensemble les articles L.1232-1, L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14068
Date de la décision : 27/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2016, pourvoi n°14-14068


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.14068
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