LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles D. 242-6-13 et D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret n° 95-1109 du 16 octobre 1995 et du décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, successivement applicables au litige ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les établissements nouvellement créés dont le classement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée, sont redevables, au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, durant l'année de leur création et les deux années civiles suivantes, d'une cotisation affectée d'un taux collectif ; que selon leur alinéa 3, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d'un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel ; que cette dernière condition doit s'apprécier à la date de cession de l'établissement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Forgex Raguet (la société) a repris, le 11 octobre 2010, le fonds de commerce de la société Raguet, placée en liquidation judiciaire, qui exploitait trois établissements ; que contestant le taux des cotisations mises à sa charge, pour son établissement de Monthermé, par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Nord-Est (la caisse) au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les années 2010 à 2012, la société a saisi d'un recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, en soutenant qu'ayant repris moins de la moitié du personnel, elle devait bénéficier de la tarification collective pour établissement nouvellement créé ;
Attendu que pour rejeter ce recours, l'arrêt constate que la société a repris les mêmes moyens de production et l'activité principale de la société Raguet et qu'elle exerce dès lors une activité similaire ; qu'il ressort du courrier du 4 novembre 2010 que la société a déclaré avoir repris quarante salariés sur quatre vingt présents sur le site de Monthermé à la date de reprise le 11 octobre 2010 ; qu'elle soutient n'avoir repris que trente sept salariés et en avoir recruté trois nouveaux ; qu'à la lecture des registres d'entrée et de sortie du personnel, ces trois salariés faisaient partie des effectifs de la société Raguet et ont été transférés sur le site de Monthermé le 4 novembre 2010 ; qu'il retient que ces salariés n'ont pas fait l'objet d'un licenciement et font partie des effectifs repris, mutés postérieurement à la reprise ; que la société a donc repris la moitié des salariés de la société Raguet à la date de cession fixée au 11 octobre 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'à la date de cession du fonds de commerce la société Forgex Raguet avait repris trente sept salariés sur un effectif de quatre vingt, de sorte qu'en l'absence de reprise d'au moins la moitié du personnel de l'établissement, celui-ci pouvait être considéré comme un établissement nouvellement créé, la Cour nationale, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2014,entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail autrement composée ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Nord-Est et la condamne à payer à la société Forgex Raguet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Forgex Raguet
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé le recours de la société Forgex-Raguet en annulation des décisions de la CARSAT du Nord-Est lui notifiant ses taux de cotisations 2010, 2011 et 2012 et d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de considérer la société Forgex-Raguet comme un établissement nouveau au sens de l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le fond : Aux termes de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d'un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel. En l'espèce, la société FORGEX RAGUET a repris, suivant le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 8 octobre 2010, le fonds de commerce de la société SAS RAGUET qui était en liquidation judiciaire, à effet du 11 octobre 2010. - une activité similaire et les mêmes moyens de production En tout état de cause, il ressort du courrier de mise au point du 4 novembre 2010 complété par la société FORGEX RAGUET qu'elle a indiqué - avoir conservé les mêmes moyens de production, - que l'activité n'a pas été modifiée, - qu'il n'y a pas eu d'interruption de l'activité. La Cour constate ainsi que la société FORGEX RAGUET a repris les mêmes moyens de production et l'activité principale de la société SAS RAGUET et qu'elle exerce dès lors une activité similaire, au sens de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale. - et ayant repris au moins la moitié du personnel La société FORGEX RAGUET soutient avoir repris moins de la moitié du personnel de la société SAS RAGUET. La Cour constate qu'il ressort du courrier de mise au point du 4 novembre 2010 complété par la société FORGEX RAGUET qu'elle a déclaré avoir repris 40 salariés sur 80 présents sur le site de MONTHERME à la date de la reprise le 11 octobre 2010. La demanderesse produit le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société SAS RAGUET et de la société FORGEX RAGUET et indique n'avoir repris que 37 salariés et avoir recruté 3 nouveaux salariés. La Cour constate, au cas d'espèce et à la lecture de ces registres, que les 3 salariés susvisés faisaient partie des effectifs de la SAS RAGUET et qu'ils ont été transférés sur le site de MONTHERME le 4 novembre 2010. Ces salariés n'ont pas fait l'objet d'un licenciement et font partie des effectifs repris, mutés postérieurement à la reprise. La société FORGEX RAGUET a donc repris la moitié des salariés de la société SAS RAGUET à la date de la cession fixée au 11 octobre 2010. La Cour en déduit que la société FORGEX RAGUET est bien issue d'un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel. Ainsi, la société FORGEX RAGUET ne peutelle être qualifiée d'établissement nouvellement créé au sens de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale que ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé, dont le classement dans une catégorie de risque est opéré en fonction de l'activité exercée et soumis pendant l'année de sa création et les deux années suivantes à une cotisation affectée du taux collectif, l'établissement issu d'un établissement précédent dans lequel a été exercée une activité similaire avec les mêmes moyens d'exploitation et ayant repris au moins la moitié du personnel ; qu'il en résulte que la reprise d'un établissement, dans le cadre d'une procédure judiciaire, ne donne lieu à la reprise des éléments de tarification liés à l'exploitation antérieure et à la détermination d'un taux individuel que lorsque deux conditions cumulatives, tenant d'une part à la reprise de l'activité avec les même moyens et, d'autre part à celle d'au moins la moitié du personnel de l'établissement, sont réunies ; que la condition relative au personnel repris s'apprécie au regard du personnel affecté à l'établissement à la date de la cession ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la CNITAAT qu'à la date de la cession, fixée au 11 octobre 2010, la société Forgex-Raguet n'avait repris que 37 salariés de l'établissement de Montherme sur un effectif de 80, ce dont il résultait que moins de la moitié du personnel avait été repris ; qu'en estimant néanmoins qu'il n'y avait pas lieu de considérer l'établissement de Montherme comme un établissement nouveau, au motif inopérant que trois salariés qui n'étaient pas affectés à cet établissement avaient, postérieurement à la cession, le 4 novembre 2010, été mutés en son sein, la CNITAAT a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles D. 242-6-1 et D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le taux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'en énonçant, pour déterminer le taux de cotisations du seul établissement de Montherme, que « la société Forgex Raguet a donc repris la moitié des salariés de la SAS Raguet à la date de la cession fixée au 11 octobre 2010 », la CNITAAT s'est fondée sur les effectifs de l'entreprise et non sur ceux de l'établissement et a donc violé les articles D. 242-6-1 et D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale.