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19/01/2016 | FRANCE | N°14-13922

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 janvier 2016, 14-13922


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2014), que lasociété Holcim France (la société), qui a pour activité la production de ciment, utilise sur ses sites de Dannes et d'Altkirch, comme combustibles de substitution, des sciures imprégnées d'hydrocarbures et, sur le site de Rochefort-sur-Nénon, des déchets industriels spéciaux (DIS) traités par pyrolyse ; qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007, l'administration des douanes lui a notifié

une infraction consistant à ne pas avoir soumis à la taxe générale sur le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2014), que lasociété Holcim France (la société), qui a pour activité la production de ciment, utilise sur ses sites de Dannes et d'Altkirch, comme combustibles de substitution, des sciures imprégnées d'hydrocarbures et, sur le site de Rochefort-sur-Nénon, des déchets industriels spéciaux (DIS) traités par pyrolyse ; qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007, l'administration des douanes lui a notifié une infraction consistant à ne pas avoir soumis à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) les sciures imprégnées d'hydrocarbures et les déchets traités dans l'unité de pyrolyse, puis a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) de la taxe éludée ; que sa contestation ayant été rejetée, elle a assigné l'administration des douanes en annulation de cette décision et en dégrèvement des sommes visées par l'AMR ;
Sur les premier et second moyens, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que les dispositions des articles 266 octies 1 1 et 266 sexies du code des douanes sont contraires aux articles 34 de la Constitution de 1958, aux articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 et 4 de la Charte de l'environnement, en ce qu'ils ne définissent pas les déchets dont le poids détermine l'assiette de la TGAP ; que si la question prioritaire de constitutionnalité posée est transmise et si celui-ci déclare les textes susvisés non conformes à la Constitution, l'arrêt attaqué sera par voie de conséquence privé de toute base légale ;
Mais attendu que par arrêt du 15 octobre 2014 (n° 1021 F-D), la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité visée par le moyen ; que celui-ci est devenu sans objet ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que dans son article 3 15), la directive 2008/98/CE sur les déchets du 19 novembre 2008 définit la valorisation comme « toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d'autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l'usine ou dans l'ensemble de l'économie. L'annexe II énumère une liste non exhaustive d'opérations de valorisation » ; que cette annexe II identifie comme première opération de valorisation « l'utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie » ; qu'enfin, dans son article 10, la directive impose aux Etats membres de prendre les « mesures nécessaires pour veiller à ce que les déchets subissent des opérations de valorisation » ; que les articles 266 sexies et suivants du code des douanes prévoient que les exploitants d'une installation de stockage ou de traitement thermique de déchets sont assujettis au paiement d'uneTGAP assise sur le poids des déchets reçus, sauf en cas de valorisation comme matière par incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant à la vente de matériaux ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir que l'article 266 sexies II, qui limite à la seule valorisation comme matière l'exemption de la TGAP, était contraire aux objectifs de la directive 2008/98/CE ; qu'en retenant au contraire, pour écarter l'application de l'article 266 sexies II à la valorisation énergétique, que l'exclusion de la TGAP à la valorisation matière n'avait pas été étendue par le législateur à la valorisation énergétique, la cour d'appel a violé l'article 266 sexies du code des douanes tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/98/CE ;
2°/ qu'il résulte des articles 266 sexies et suivants du code des douanes que les exploitants d'une installation de stockage ou de traitement thermique de déchets sont assujettis au paiement d'une TGAP assise sur le poids des déchets reçus ; que les circulaires relatives à cette taxe prévoient que les agents stabilisateurs et réactifs ajoutés aux déchets avant la réception dans l'installation, ne constituant pas en eux-mêmes des déchets, ne sont pas inclus dans l'assiette de la TGAP, sous réserve que leur poids puisse être déterminé et justifié, et qu'à défaut, ils sont compris dans l'assiette ; qu'ainsi que le faisait valoir la société dans ses conclusions d'appel, l'ajout de sciures fraîches à des hydrocarbures usagés permettait de diminuer le caractère dangereux des déchets en rendant leur transport et leur manipulation plus aisés et plus sûrs pour les intervenants et notamment pour le personnel, et que les déchets ne pouvaient plus s'écouler ou se répandra en contaminant les sols ou occasion des lésions pour le personnel en cas d'incident ; qu'en retenant que l'ajout des sciures fraîches ne servait qu'à faciliter le transport des déchets et leur utilisation comme combustibles de substitution dans les fours cimentiers pour en déduire qu'elle n'améliorerait pas la rétention chimique des polluants auxquels elles étaient mélangées ni ne diminuerait la dangerosité ou le rejet pour l'environnement desdits polluants, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu les textes susvisés ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007 concernée par la taxe litigieuse est antérieure à l'entrée en vigueur, le 12 décembre 2008, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets, la cour d'appel en a déduit à juste titre que la question de la conformité à cette directive de l'exemption de taxe prévue à l'article 266 sexies II du code des douanes était sans incidence sur la solution du litige ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie précise que la stabilisation consiste à améliorer la rétention chimique des polluants afin de limiter leur solubilité et par conséquent leur rejet dans l'environnement, et que le décret du 18 avril 2002, devenu l'article R. 541-8 du code de l'environnement, définit, dans son annexe II, les processus de stabilisation comme modifiant la dangerosité des constituants des déchets, l'arrêt n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en retenant que la société ne démontre pas que l'ajout de sciures fraîches aux déchets auxquels elles sont mélangées entraîne leur stabilisation partielle et diminue leur caractère dangereux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions ; qu'en l'espèce, la société soutenait qu'il convenait d'opérer une distinction, déterminante de l'issue de litige, entre les installations en cause, une première dédiée à la fabrication du ciment, une deuxième au prétraitement des déchets par pyrolyse et une troisième à l'élimination des déchets obtenus par la pyrolyse ; qu'en retenant au contraire qu'il n'était pas contesté que l'installation de Rochefort-sur-Nénon dispose, dans le cadre de la fabrication du ciment, d'une unité de prétraitement par pyrolyse de DIS, ni que la pyrolyse est un procédé de traitement destiné à séparer les DIS de leurs composants organiques et hydrocarbures afin que leur contenu fasse l'objet d'une valorisation matière et que ce procédé entraîne une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se bornant à relever que le procédé de pyrolyse permet d'obtenir des résidus minéraux exempts d'hydrocarbures qui sont ensuite ajoutés au cru dans le cadre d'une valorisation matière, et qu'il entraîne aussi une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS, les hydrocarbures et les refus de cribles générés par la pyrolyse devant être éliminés par incinération sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée , si l'installation de pyrolyse ne devait pas être dissociée de l'installation procédant à l'élimination des hydrocarbures obtenus par pyrolyse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 266 sexies I, 1, 266 sexies II 1 du code des douanes, ensemble l'article 2 de l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de co-incinération des déchets dangereux ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'aux termes de l'article 266 sexies I, 1 du code des douanes, la TGAP est due par tout exploitant d'une installation d'élimination des DIS par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisée pour les déchets que l'entreprise produit, et que l'article 2 de l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de co-incinération de déchets dangereux définit l'installation d'incinération comme tout équipement ou unité technique destiné spécifiquement au traitement thermique de déchets, avec ou sans récupération de la chaleur produite par la combustion, ce traitement thermique comprenant l'incinération par oxydation ou tout autre procédé de traitement thermique tel que la pyrolyse, la gazéification ou le traitement plasmatique ; qu'il retient que l'installation de prétraitement en cause, qui fait subir aux DIS un traitement thermique par pyrolyse, doit être considérée comme une installation d'incinération ; qu'il constate que si le procédé de pyrolyse permet d'obtenir des résidus minéraux exempts d'hydrocarbures utilisés dans le cadre d'une valorisation matière, il entraîne aussi une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS ; qu'il en déduit que l'installation en cause ne rentre pas dans le champ de l'exemption de la TGAP prévue à l'article 266 sexies II du code des douanes en faveur de la valorisation comme matière des déchets ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à d'autres recherches et qui n'a pas méconnu les termes du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Holcim France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur national du renseignement et des enquêtes douanières, au directeur général des douanes et droits indirects et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Holcim France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société HOLCIM France de ses demandes tendant à voir annuler la décision prise le 6 juillet 2010 par la Direction Nationale du renseignement et des enquêtes douanières afin de rejeter l'opposition formée par la société HOLCIM France et prononcer le dégrèvement au profit de la société HOLCIM France des sommes visées par l'avis de mise en recouvrement n° 610/209/021-3 du 19 juillet 2010 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la question préjudicielle, « in limine litis», la société HOLCIM entend que la cour pose à la CJUE une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ; que la directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil du 19 novembre 2008 «relative aux déchets et abrogeant certaines directives » précise : - en son article 41 que « les directives 75/439 CEE, 91/689/CEE et 2006/12/CE sont abrogées avec effet au 12 décembre 2010 » et que, toutefois, certaines dispositions qu'elle énumère s'appliquent à compter du 12 décembre 2008 ; - en son article 42 que « la présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au JOUE, intervenue le 22 novembre 2008 » ; que cette directive a été transposée par l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 « portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets », qui a, notamment, modifié l'article L. 541-1 du code de l'environnement ; que cependant, le contrôle de la DNRED ne porte en l'espèce que sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007,n seule concernée par la taxation litigieuse, soit une période antérieure à l'adoption de la directive du 19 novembre 2008 ; qu'il en résulte que la question qu'entend voir poser la société HOLCIM est sans incidence sur la solution à apporter au présent litige ;
ET QUE sur la taxation des sciures imprégnées, il est constant que les cimenteries de Dannes et d'Altkirch sont des installations de co-incinération de déchets industriels spéciaux (installations dont l'objectif essentiel est de produire des produits matériels et qui utilisent des déchets comme combustible habituel ou d'appoint) et que les sciures imprégnées d'hydrocarbures telles que réceptionnées et utilisées dans les fours des cimenteries de la société HOLCIM pour servir de combustible nécessaire à la fabrication du ciment sont constituées par un mélange de déchets industriels spéciaux et de sciures fraîches, mélange homogène qui a été préalablement réalisé dans un centre de prétraitement (établissement Géocyle de la société HOLCIM situé à Saint-Etienne du Vauvray) afin de favoriser le transport des déchets et leur combustion dans les fours cimentiers ; qu'ainsi que le rappelle l'administration des douanes, le fait générateur de la TGAP étant, par application de l'article 266 septies du code des douanes, « constitué par la réception des déchets », par tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par co-incinération, l'objet du litige porte sur la soumission ou non à la TGAP des sciures imprégnées réceptionnées dans ces installations, et non pas comme le soutient la société HOLCIM sur les sciures fraîches acquises par le centre de prétraitement Géocycle pour les y mélanger aux DIS ; qu'il importe , au regard des conditions d'application de la réglementation sus-rappelée de la TGAP, non pas de considérer la sciure dans son état initial (sciure fraîche) mais la nature des sciures imprégnées au moment de leur réception dans les cimenteries ; que l'administration des douanes relève aussi exactement que les sciures imprégnées reçues dans les installations de la société HOLCIM sont des combustibles solides de substitution relevant de la catégorie des déchets dangereux ; que ces produits sont en effet répertoriés, selon l'annexe II du décret du 18 avril 2002 dans la nomenclature des déchets classés comme dangereux signalés par un astérisque tels « 190209* : déchets combustibles solides contenant des substances dangereuses », «190211* : autres déchets contenant des substances dangereuses » ; que la société HOLCIM, qui les a elle-même classées à partir de 2002 sous le code « 191211* : autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets autres que ceux visés à la rubrique 1912») a elle-même reconnu leur dangerosité(cf.procès-verbal du 12 février 2008 ) ; qu'il s'agit donc de déchets industriels spéciaux ; qu'il n'importe par ailleurs pas, dans le cadre du présent litige, que la société HOLCIM ait par erreur souscrit des déclarations de TGAP au titre de son établissement Géocycle qui, en tant que centre de prétraitement, n'est pas soumis à cette taxe ; que la société HOLCIM invoque des circulaires administratives et notamment la circulaire n° 09-030 du 31 mars 2009 (BOD b°6813) qui, reprenant des décisions administratives antérieures (cf. DA du 21 novembre 2000, BOD n° 6848), mentionne en son II-3 relatif « aux cas particuliers de non-assujettissement à la TGAP sur les déchets » : E « Les agents stabilisateurs et réactifs ajoutés aux déchets avant la réception dans l'installation, ne constituant pas eux-mêmes des déchets, ne sont donc pas inclus dans l'assiette de la TGAP sous réserve que leur poids puisse être déterminé et justifié » ; que selon la société HOLCIM, tel est le cas des sciures fraîches acquises par Géocycle et destinées à permettre une stabilisation et une homogénéisation des déchets dangereux pâteux afin de pouvoir les injecter en cimenterie et que, dès lors, en tant qu'agents stabilisateurs dont le poids est déterminable, les sciures fraîches qui ne sont pas des déchets doivent être exclues de l'assiette de la TGAP ; mais que, contrairement à ce que soutient la société HOLCIM, les sciures fraîches ne répondent pas à la qualification d'« agent stabilisateur »' telle que définie par le décret du 18 avril 2002 ¿s'agissant de la définition des déchets stabilisés/solidifiés qui relèvent de la position 19 03) et étayée par les explications de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (l'ADEME) ; qu'en effet, la note 4 de l'annexe II du décret du 18 avril 2002 indique que « les processus de stabilisation modifient la dangerosité des constituants des déchets et transforment ainsi des déchets dangereux en déchets non dangereux » ; que la note 5 de a même annexe précise qu' « un déchet est considéré comme partiellement stabilisé si, après le processus de stabilisation, il est encore, à court, moyen ou long terme, susceptible de libérer dans l'environnement des constituants dangereux qui n'ont pas été entièrement transformés en constituants non dangereux » ; qu'en outre l'ADEME définit la notion de stabilisation en ces termes : « au niveau réglementaire, le terme stabilisation désigne l'ensemble des techniques et opération permettant d'obtenir un déchet stabilisé ; que du point de vue technique, la stabilisation consiste à améliorer la rétention chimique des polluants, afin de limiter leur solubilité et par conséquent leur rejet dans l'environnement (immobilisation chimique des polluants par formation de composés moins solubles) » ; que dans une note d'octobre 2007, l'ADEME précise que « du point de vue scientifique, le terme « stabilisation » est utilisé couramment pour qualifié des procédés qui assurent une rétention chimique des polluants » ; qu'en l'espèce, s'il n'est pas contesté que les sciures fraîches, qui ne sont pas des déchets, sont ajoutées aux déchets avant réception dans les cimenteries et si leur poids peut être déterminé, force est de constater qu'aucun des éléments versés aux débats n'établit que l'ajoute des sciures fraîches améliorerait la rétention chimique des polluants auxquels elles sont mélangées ou diminueraient la dangerosité pour l'environnement desdits polluants ; que cet ajout, qui ne modifie pas la dangerosité des déchet auxquels sont intégrées les sciures fraîches, ne sert qu'à faciliter le transport des déchets et leur utilisation comme combustibles de substitution dans les fours cimentiers où sont incinérées les sciures imprégnées ; que dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, les sciures fraîches ne peuvent être qualifiées d'agents stabilisateurs et que les sciures imprégnées utilisées comme combustibles de substitution ne relèvent pas de la rubrique 19 03 relative aux déchets stabilisés/solidifiés ; que, pour le surplus, sous couvert de moyens contestant la taxation, sans distinction de leur composants ; des sciures imprégnées réceptionnées par ses cimenteries, la société HOLCIM conteste en réalité le fait que les dispositions fiscales dérogatoires de l'article 266 sexies II, 1 du code des douanes, - qui prévoit que la TGAP ne s'applique pas aux « installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectés à la valorisation comme matière par incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant à la vente de matériaux » (« valorisation matière ») ¿ ne soient pas étendues par le législateur à des opérations qu'elle qualifie de «valorisation énergétique » de déchets industriels spéciaux ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HOLCIM, qui exploite des installations d'élimination de déchets industriels spéciaux par coincinération, est assujettie au paiement de la TGAP du fait de la réception de sciures imprégnées, qui sont des déchets industriels spéciaux dont le poids doit, en son intégralité, être inclus dans l'assiette de la TGAP ; que l'administration des douanes était fondée à adresser à la société HOLCIM l'avis de mise en recouvrement n° 610/209/021-3 du 19 juillet 2010 modifiant les AMR précédemment émis ;
1°/ ALORS QUE les dispositions des articles 266 octies 1 1 et 266 sexies du code des douanes sont contraires aux articles 34 de la Constitution de 1958, aux articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 et 4 de la Charte de l'environnement, en ce qu'ils ne définissent pas les déchets dont le poids détermine l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes ; que si la question prioritaire de constitutionnalité posée est transmise et si celui-ci déclare les textes susvisés non conformes à la Constitution, l'arrêt attaqué sera par voie de conséquence privé de toute base légale ;
2°/ ALORS QUE dans son article 3 15), la directive 2008/98/CE sur les déchets du 19 novembre 2008 définit la valorisation comme « toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d'autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l'usine ou dans l'ensemble de l'économie. L'annexe II énumère une liste non exhaustive d'opérations de valorisation » ; que cette annexe II identifie comme première opération de valorisation « l'utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie » ; qu'enfin, dans son article 10, la directive impose aux Etats membres de prendre les « mesures nécessaires pour veiller à ce que les déchets subissent des opérations de valorisation » ; que les articles 266 sexies et suivants du code des douanes prévoient que les exploitants d'une installation de stockage ou de traitement thermique de déchets sont assujettis au paiement d'une taxe générale sur les activités polluantes assise sur le poids des déchets reçus, sauf en cas de valorisation comme matière par incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant à la vente de matériaux ; qu'en l'espèce, la société HOLCIM France faisait valoir que l'article 266 sexies II, qui limite à la seule valorisation comme matière l'exemption de la taxe générale sur les déchets polluants, était contraire aux objectifs de la directive 2008/98/CE ; qu'en retenant au contraire, pour écarter l'application de l'article 266 sexies II à la valorisation énergétique, que l'exclusion de la TGAP à la valorisation matière n'avait pas été étendue par le législateur à la valorisation énergétique, la cour d'appel a violé l'article 266 sexies du code des douanes tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/98/CE ;
3°/ ALORS QU'il résulte des articles 266 sexies et suivants du code des douanes que les exploitants d'une installation de stockage ou de traitement thermique de déchets sont assujettis au paiement d'une taxe générale sur les activités polluantes assise sur le poids des déchets reçus ; que les circulaires relatives à cette taxe générale sur les activités polluantes prévoient que les agents stabilisateurs et réactifs ajoutés aux déchets avant la réception dans l'installation, ne constituant pas en eux-mêmes des déchets, ne sont pas inclus dans l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, sous réserve que leur poids puisse être déterminé et justifié, et qu'à défaut, ils sont compris dans l'assiette ; qu'ainsi que le faisait valoir la société HOLCIM France dans ses conclusions d'appel, l'ajout de sciures fraîches à des hydrocarbures usagés permettait de diminuer le caractère dangereux des déchets en rendant leur transport et leur manipulation plus aisés et plus sûrs pour les intervenants et notamment pour le personnel, et que les déchets ne pouvaient plus s'écouler ou se répandra en contaminant les sols ou occasion des lésions pour le personnel en cas d'incident (p.34 §§6-10) ; qu'en retenant que l'ajout des sciures fraîches ne servait qu'à faciliter le transport des déchets et leur utilisation comme combustibles de substitution dans les fours cimentiers pour en déduire qu'elle n'améliorerait pas la rétention chimique des polluants auxquels elles étaient mélangées ni ne diminuerait la dangerosité ou le rejet pour l'environnement desdits polluants, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu les textes susvisés ;
4°/ ALORS QUE l'article 266 sexies du code des douanes prévoit que la taxe générale sur les activités polluantes ne s'applique pas aux installations de traitement thermique ou de tout autre traitement de déchets dangereux exclusivement affectées à la valorisation comme matière par incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant à la vente de matériaux ; que dans ses conclusions d'appel, la société HOLCIM France soutenait que les déchets pouvaient être soit ajoutés à la matière première destinée à la fabrication du ciment (valorisation matière), soit utilisés comme combustible pour le fonctionnement du four à ciment (valorisation énergétique) (conclusions d'appel de l'exposante, p.29 in fine) ; qu'en retenant que les sciures imprégnées d'hydrocarbures n'étaient utilisées que comme combustible de substitution, le cour d'appel a omis de répondre à un moyen péremptoire des conclusions de l'appelante a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société HOLCIM France de ses demandes tendant à voir annuler la décision prise le 6 juillet 2010 par la Direction Nationale du renseignement et des enquêtes douanières afin de rejeter l'opposition formée par la société HOLCIM France et prononcer le dégrèvement au profit de la société HOLCIM France des sommes visées par l'avis de mise en recouvrement n° 610/209/021-3 du 19 juillet 2010 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la taxation des déchets traités par pyrolyse, il est constant que l'installation de Rochefort-sur-Nénon dispose, dans le cadre de la fabrication du ciment, d'une unité de prétraitement par pyrolyse de DIS ; qu'il n'est pas contesté que la pyrolyse est un procédé de traitement destiné à séparer les DIS de leurs composants organiques et hydrocarbures afin que leur contenu fasse l'objet d'une valorisation matière ; que ce procédé entraîne une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS ; qu'il convient de se référer aux dispositions sus-rappelées des articles 266 sexies I, 1 et sexies II, 1 du code des douanes et de rappeler que l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de coincinération comme « une installation fixe ou mobile dont l'objectif essentiel est de produire de l'énergie ou des produits matériels et qui utilise des déchets comme combustible habituel ou d'appoint ou dans laquelle les déchets sont soumis à un traitement thermique en vue de leur élimination » ; précise que « si la co-incinération a lieu de telle manière que l'objectif essentiel de l'installation n'est pas de produire de l'énergie ou des produits matériels, mais plutôt d'appliquer aux déchets un traitement thermique, l'installation doit être considérer comme une installation d'incinération » installation elle-même définie comme « tout équipement ou unité technique fixe ou mobile destiné spécifiquement au traitement thermique de déchets, avec ou sans récupération de la chaleur produite par la combustion ; que le traitement thermique comprend l'incinération par oxydation ou tout autre procédé de traitement thermique, tel que la pyrolyse, la gazéification ou le traitement plasmatique » ; que contrairement à ce qui est soutenu, ces définitions sont conformes à celles de la directive n° 2000/796/CE du 4 décembre 2000 sur l'incinération des déchets ; qu'il en résulte que l'installation de prétraitement de Rochefort-sur-Nénon, qui fait subir aux DIS un traitement thermique par pyrolyse, doit être considérée comme une installation d'incinération ; que, si le procédé de pyrolyse permet d'obtenir des résidus minéraux exempts d'hydrocarbures qui sont ensuite ajoutés au cru dans le cadre d'une valorisation matière, il entraîne aussi une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS, les hydrocarbures et les « refus de cribles » générés par la pyrolyse devant être éliminés par incinération ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le rapport d'activité de la société HOLCIM en 2005 faisait apparaître 13.086 tonnes de déchets à « pyrolyser » réceptionnés mais seulement 4.863 tonnes de boues pyrolysées utilisées en valorisation matière, cette différence étant expliquée par l' « élimination des hydrocarbures, de l'eau et d'autres éléments organiques » (cf. PV d'audition d'un représentant de la société HOLCIM du 4 juillet 2007 et les déclarations rappelées par le premier juge ; que c'est par conséquence à juste titre que l'administration des douanes relève que l'installation de prétraitement par incinération de la société HOLCIM à Rochefort-sur-Nénon n'est pas « exclusivement affectée à la valorisation comme matière par incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant à la vente de matériaux » et ne rentre donc pas dans le champ d'exonération de la TGAP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de co-incinération de déchets dangereux définit les installations de co-incinération comme suit : « tout équipement ou unité technique fixe ou mobile destiné spécifiquement au traitement thermique de déchets, avec ou sans récupération de la chaleur produite par la combustion ; que le traitement thermique comprend l'incinération par oxydation, ou tout autre procédé de traitement thermique, tel que la pyrolyse, la gazéification ou le traitement plasmatique » ; que cet arrêté précise également que « si le coincinération a lieu de telle manière que l'objectif essentiel de l'installation n'est pas de produire de l'énergie ou des produits matériels mais plutôt d'appliquer aux déchets un traitement thermique, l'installation doit être considérée comme une installation d'incinération » ; qu'en l'espèce, l'installation de Rochefort-sur-Nénon utilise la pyrolyse comme un procédé de traitement destiné à séparer les déchets de leurs composés organiques et hydrocarbures ; que dans son audition du 31 janvier 2007, Mme Valérie X..., responsable fiscalité au sein de la société HOLCIM, expliquait le processus de la façon suivante : « Nous traitons des boues d'usinage, des boues contenant des organiques, des boues d'hydroxydes métalliques polluées par les hydrocarbures, des terres polluées ; de cette unité de pyrolyse sortent des minéraux qui sont valorisés dans le cru et un gaz, fraction résiduaire des hydrocarbures, destiné à la tuyère alimentant la flamme principale du four à clinker ; que la filière principale est utilisée dans un rôle de combustion de ce gaz » ; qu'ainsi, il en résulte que si les résidus minéraux sont bien affectés à la valorisation matière, la fraction correspondant aux hydrocarbures ou autres matières organiques est réduite à l'état de gaz destiné à alimenter le four pour servir de combustible ; que les déchets sont donc soumis à une opération d'incinération, définie comme « la transformation des matières organiques en gaz carbonique et en eau » et l'installation de traitement par pyrolyse relève bien des installations d'incinération ou co-incinération prévues par l'arrêté du 20 septembre 2002 ; que pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 266 sexies alinéa II, les installations d'élimination des déchets doivent être exclusivement affectées à la valorisation comme matière, et non seulement y être affectées de façon partielle ;qu'il en résulte que l'installation de prétraitement par pyrolyse exploitée par la société HOLCIM sur le site de Rochefort-sur-Nénon doit être assujettie à la taxe sur les activités polluantes et la société HOLCIM France sera déboutée de sa demande sur ce point ;
1°/ ALORS QUE les dispositions des articles 266 octies 1 1 et 266 sexies du code des douanes sont contraires aux articles 34 de la Constitution de 1958, aux articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 et 4 de la Charte de l'environnement, en ce qu'ils ne définissent pas les déchets dont le poids détermine l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes ; que si la question prioritaire de constitutionnalité posée est transmise et si celui-ci déclare les textes susvisés non conformes à la Constitution, l'arrêt attaqué sera par voie de conséquence privé de toute base légale ;
2°/ ALORS, en tout état de cause, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions ; qu'en l'espèce, la société HOLCIM France soutenait qu'il convenait d'opérer une distinction, déterminante de l'issue de litige, entre les installations en cause, une première dédiée à la fabrication du ciment, une deuxième au prétraitement des déchets par pyrolyse et une troisième à l'élimination des déchets obtenus par la pyrolyse (conclusions p.11, p.14 in fine, p.15 in limine, p.16 §§1-4 et p.17 4 derniers §§) ; qu'en retenant au contraire qu'il n'était pas contesté que l'installation de Rochefort-sur-Nénon dispose, dans le cadre de la fabrication du ciment, d'une unité de prétraitement par pyrolyse de DIS, ni que la pyrolyse est un procédé de traitement destiné à séparer les DIS de leurs composants organiques et hydrocarbures afin que leur contenu fasse l'objet d'une valorisation matière et que ce procédé entraîne une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, en toute hypothèse, QU'en se bornant à relever que le procédé de pyrolyse permet d'obtenir des résidus minéraux exempts d'hydrocarbures qui sont ensuite ajoutés au cru dans le cadre d'une valorisation matière, et qu'il entraîne aussi une destruction et donc une élimination des hydrocarbures totaux contenus dans les DIS, les hydrocarbures et les refus de cribles générés par la pyrolyse devant être éliminés par incinération sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée (conclusions p.11, p.14 in fine, p.15 in limine, p.16 §§1-4 et p.17 4 derniers §§), si l'installation de pyrolyse ne devait pas être dissociée de l'installation procédant à l'élimination des hydrocarbures obtenus par pyrolyse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 266 sexies I, 1, 266, sexies II 1 du code des douanes, ensemble l'article 2 de l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de co-incinération des déchets dangereux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-13922
Date de la décision : 19/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jan. 2016, pourvoi n°14-13922


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.13922
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