LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 127-5-1 du code des assurances ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'en l'absence de convention, les honoraires de l'avocat sont fixés par référence aux seuls critères qu'il énumère et qu'il résulte du second que l'existence d'un contrat d'assurance de protection juridique est sans effet sur la détermination des honoraires dus à l'avocat par le client ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que Mme X... a confié, à l'occasion d'un litige prud'homal, la défense de ses intérêts à Mme Y..., avocate au barreau de Marseille (l'avocat) ; qu'en l'absence de paiement de ses honoraires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre pour en fixer le montant ;
Attendu que pour réduire à 300 euros le montant des honoraires dus à l'avocat, l'ordonnance énonce qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties alors que l'avocat savait que Mme X... la consultait sous le bénéfice d'un contrat de protection juridique ; que le barème de prise en charge stipulé dans la police souscrite par cette dernière est le suivant : Conseil des prud'hommes, bureau de conciliation 300 euros, somme à laquelle les honoraires de l'avocat doivent être fixés ; qu'en n'ayant pas pris la précaution, avant d'engager des frais au-delà de l'indemnité versée par l'assureur en protection juridique, de vérifier que sa cliente avait bien signé la convention d'honoraires proposée, l'avocat, qui violait les règles déontologiques rappelées ci-dessus, s'était interdit de réclamer une somme supérieure à ladite indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 novembre 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir limité à 300 € le montant des honoraires dus à un avocat (Me Y..., l'exposante) par son client (Mme X...) ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'alinéa 2 de l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, « l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires. Sauf si l'avocat intervient en urgence devant une juridiction, une telle convention est obligatoire lorsque l'avocat est rémunéré, en tout ou partie, au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique » ; qu'en l'espèce, aucune convention d'honoraires n'avait été signée entre les parties quand Me Y... savait que Mme X... la consultait sous le bénéfice d'un tel contrat ; qu'en effet, par courriel du 22 août 2012 à 13h44, Me Y... écrivait à sa cliente : « Je reviens vers vous afin de vous indiquer que votre compagnie d'assurance a accepté de prendre en charge une partie des frais de la procédure prud'homale » ; qu'en n'ayant pas pris la précaution, avant d'engager des frais au-delà de l'indemnité versée par l'assureur en protection juridique tandis qu'elle n'agissait pas en urgence devant une juridiction, de vérifier que sa cliente avait bien signé la convention d'honoraires proposée, Me Y..., qui violait les règles déontologiques rappelées ci-dessus, s'était interdit de réclamer une somme supérieure à ladite indemnité ; qu'il ne pouvait être sérieusement soutenu que l'intervention devant le conseil de prud'hommes était faite en urgence dans la mesure où Mme X... n'était pas assignée devant cette juridiction mais qu'au contraire c'était elle qui souhaitait y attraire son employeur afin d'obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale ; que le fait que les délais de convocation devant le conseil de prud'hommes fussent très longs ne caractérisait pas l'urgence exigée par le texte susvisé ; qu'il était établi par la production en cours de délibéré de la lettre que la compagnie Protexia avait adressée à Mme X... le 21 mai 2013 que le barème de prise en charge stipulé dans la police souscrite par cette dernière était le suivant : (notamment) conseil de prud'hommes * bureau de conciliation 300 € ; que c'était donc à la somme de 300 € que les honoraires de Me Y... devaient être fixés ;
ALORS QUE, d'une part, la convention d'honoraires est un contrat conclu entre l'avocat et son client ; que le client titulaire d'une assurance de protection juridique est seul bénéficiaire d'une indemnité versée par l'assureur, lui permettant d'être indemnisé de tout ou partie de ses débours ; qu'en limitant, à défaut de convention d'honoraires, à 300 € les honoraires de l'avocat, ce qui n'était que l'indemnité dont bénéficiait l'assuré selon le barème applicable et non la rémunération de l'avocat, le premier président a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 10, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2005 ;
ALORS QUE, d'autre part, l'urgence s'entend de la nature de l'affaire ; qu'en reprochant à l'avocat de n'avoir pas établi de convention d'honoraires pour la raison qu'il n'agissait pas en urgence, la longueur des délais de convocation devant le conseil de prud'hommes ne relevant pas de cette qualification, tandis que l'objet de l'intervention devant cette juridiction pour harcèlement moral et discrimination syndicale était caractéristique de l'urgence, le premier président a violé l'article 10, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2005.