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05/01/2016 | FRANCE | N°13-17063

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 janvier 2016, 13-17063


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 4 de la directive communautaire 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, 520 A du code général des impôts, 178-0 bis A, 178-0 bis B et 178-0 bis C de l'annexe III du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Brasserie Bouquet exploite un restaurant dans lequel elle vend de la bière qu'elle produit elle-même ; qu'au titre de son activité de brasserie, elle est redevable du droit spécifique sur les bières prÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 4 de la directive communautaire 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, 520 A du code général des impôts, 178-0 bis A, 178-0 bis B et 178-0 bis C de l'annexe III du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Brasserie Bouquet exploite un restaurant dans lequel elle vend de la bière qu'elle produit elle-même ; qu'au titre de son activité de brasserie, elle est redevable du droit spécifique sur les bières prévu par l'article 520 A, I a), du code général des impôts ; qu'estimant relever de la catégorie des petites brasseries indépendantes au sens de l'article 178-0 bis A de l'annexe III du même code, issu de la transposition en droit français de l'article 4 de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, elle a déclaré les quantités de bière produites dans son établissement sur la base du taux réduit prévu par l'article 520 A, I a) précité ; que, se référant à une convention du 10 décembre 1998, intitulée « contrat d'affiliation au Cercle des 3 brasseurs », par laquelle la société ICO 3 B autorisait la société Brasserie Bouquet à utiliser ses marques et son enseigne et s'engageait à lui communiquer son savoir-faire et à lui fournir notamment les souches de levure, en contrepartie du respect des obligations figurant dans « la bible du Cercle des 3 brasseurs », ce dont elle a déduit que la société Brasserie Bouquet n'était pas indépendante, l'administration des douanes lui a notifié un redressement contestant l'application du taux réduit pour la période de décembre 2007 à novembre 2010 ; que la société Brasserie Bouquet a saisi le tribunal puis la cour d'appel afin d'obtenir le dégrèvement du supplément d'imposition mis à sa charge ; que, sur le pourvoi formé par l'administration des douanes et droits indirects contre la décision de la cour d'appel, la Cour de cassation, par arrêt du 3 juin 2014, a sursis à statuer et interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;
Attendu que par arrêt du 4 juin 2015 (C-285/14), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'aux fins de l'application du droit d'accise réduit sur la bière, la condition prévue à l'article 4, paragraphe 2, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, selon laquelle une brasserie ne doit pas produire sous licence, n'est pas remplie si la brasserie concernée fabrique sa bière conformément à un accord en vertu duquel elle est autorisée à utiliser les marques et le procédé de fabrication d'un tiers ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la société Brasserie Bouquet, la cour d'appel retient qu'il n'y avait pas de contrat de licence ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé l'existence d'un contrat par lequel un procédé de fabrication de bière était mis à disposition de la société Brasserie Bouquet, qui était autorisée à utiliser les méthodes, savoir-faire, marque, enseigne et logos de sa cocontractante, ce dont il résultait que la condition d'absence de production sous licence n'était pas remplie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Brasserie Bouquet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur régional des douanes et droits indirects d'Auvergne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur régional des douanes et droits indirects d'Auvergne.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, infirmant le jugement du 2 mai 2012, il a ordonné la restitution des sommes indûment perçues par l'administration des douanes au titre des droits indirects auprès de la SA BRASSERIE BOUQUET et s'élevant à 25.407 euros ;
AUX MOTIFS QUE « la notion de petite brasserie indépendante est définie à l'article 4 de la directive 92/83 et que les taux réduits ne sont pas appliqués aux entreprises produisant plus de 200000 hectolitres de bière par an alors que, par ailleurs, la petite brasserie indépendante est entendue comme étant une «brasserie qui est juridiquement et économiquement indépendante de toute autre brasserie, qui utilise des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie et qui ne produit pas sous licence» ; qu'il s'agit donc, comme l'a rappelé la CJCE, d'une notion communautaire autonome, qui doit être explicitée au regard des seules finalités et dispositions de la directive 92/83 ; que la CJCE identifie deux éléments constitutifs de la petite brasserie indépendante : l'un d'ordre quantitatif et tenant à la production maximale annuelle de bière, l'autre qualitatif et tenant à l'indépendance à l'égard de toute autre brasserie, et ce au vu de l'article 4 § 2, tant en ce qui concerne sa structure juridique et économique qu'en ce qui concerne sa structure de production ; que 1' analyse in concreto, permet de considérer que la relation de dépendance peut résulter de divers éléments, tels que la détention du pouvoir de direction de la brasserie, la détention de parts sociales ou de droits de vote ou encore l'affectation de la capacité de la brasserie de décider, de manière autonome, de sa politique commerciale ; que pris dans leur ensemble, ces critères conduisent à rechercher si, compte tenu des liens structurels existant entre plusieurs brasseries, et tenant éventuellement à des prises de participation ou droit de vote, une personne est en mesure d'exercer une influence sur les activités commerciales de la brasserie ; que de plus, l'objectif du critère d'indépendance est d'assurer que ce taux d'accise réduit profite véritablement aux brasseries pour lesquelles la taille constitue un handicap et non à celles qui appartiennent à un groupe ; que dans ces conditions, afin de ne retenir, pour l'application de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 92/83, que les brasseries qui sont effectivement juridiquement et économiquement indépendantes, il y a lieu de veiller à ce que la condition d'indépendance ne soit pas contournée pour des motifs purement formels et, notamment, par des constructions juridiques entre différentes petites brasseries prétendument indépendantes qui formeraient, en réalité, un groupe économique dont la production dépasserait les limites fixées à l'article 4 de la directive 92/83 ; qu'en l'espèce la SA Brasserie BOUQUET est liée à une société « ICO 3 B», titulaire de la marque et de l'enseigne et de modèles « Les 3 Brasseurs », par un contrat d'affiliation au «Cercle des 3 Brasseurs », portant date du 10 décembre 1998, par lequel un procédé de fabrication au moyen de microbrasserie de bière de fermentation, désigné dans un document intitulé «Bible du cercle des 3 Brasseurs », est mis à disposition de « l'affiliée» qui est autorisée à utiliser les méthodes, savoir-faire, marque, enseigne et logos pour le restaurant-brasserie exploité à Clermont-Ferrand ; qu'il s'agit d'une petite structure qui ne produit, dans le cadre de son accord avec la société «ICO 3», qu'une faible quantité de bière destinée à être consommée dans le cadre de l'activité de restauration, objet social de la SA Brasserie BOUQUET qui est donc devenue, comme l'a justement analysé et retenu le tribunal, un franchisé et qu'à ce titre elle dispose d'une personnalité morale qui lui est propre, étant responsable du fonctionnement de son entreprise ; qu'à ce titre, l'Administration des Douanes n'est pas fondée à contester la capacité de l'appelante à prendre des décisions commerciales de manière autonome ; qu'en effet les liens «juridiques» dont elle fait état ne sont que ceux existants entre franchiseur et franchisé et ne concernent pas le critère de dépendance visée à l'article 4 §2 de la directive 92/83 précitée ; que l'objet du contrat de franchise est notamment de permettre l'usage de la marque du franchisé qui ne peut se voir opposer la circulaire du 8 décembre 2006 qui exclut du bénéfice du droit réduit les productions de bière «sous licence» ; qu'en effet ce paragraphe à la page 8 de la circulaire exclut les petites brasseries indépendantes ne produisant pas sous leur propre marque mais cette exclusion n'est faite que dans le cadre du critère de production «sous licence» tel que cela est indiqué dans le titre et à la fin du paragraphe en caractères gras et avec des spécificités contractuelles particulières qui font défaut en l'espèce ; que dès lors les productions de bière faite dans le cadre d'une franchise avec utilisation de la marque du franchiseur ne sont pas exclues du bénéfice du taux réduit ;qu'en l'espèce il n'y a pas eu de contrat de licence conclu entre la SA Brasserie BOUQUET et la société «ICO 3 B» et s'il est exact que le choix du type de contrat commercial pour l'utilisation de la marque n'est pas un critère déterminant au sens de l'article 178 - 0 bis A Annexe trois du code général des impôts, 1 Administration des Douanes ne peut utilement évoquer l'existence en l'espèce d'une production de groupe dès lors que le franchisé, dans le cadre de son activité commerciale, dont il assure seul le développement, décide également seul du montant de la production qu'il désire effectuer pour les besoins de sa clientèle ; qu'en effet le document «Bible du Cercle des 3 Brasseurs» et son complément constituent une aide et assistance afin que tous les franchisés de la marque puissent exercer dans les mêmes conditions et dans des locaux présentant des similitudes mais sans que cela soit significatif d'une immixtion dans la gestion réelle de l'entreprise, dans laquelle le franchiseur ne dispose d'aucune part sociale ; que la surveillance de la fabrication par des contrôles ne signifie pas que "ICO 3" s'immisce dans la gestion de la SA Brasserie BOUQUET ; qu'il ne s'agit donc en aucune façon d'un groupe mais bien d'une entité indépendante dont le mode d'exercice en ce qui concerne la fabrication de la bière est seulement standardisé ; qu'il y a ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, respect en l'espèce des quatre critères imposés par le texte, qui sont cumulatifs, et que dès lors il y a lieu d'appliquer le taux d'accise réduit, puisque les deux autres critères qui avaient été reconnus établis par le tribunal ne sont ni contestés ni contestables à savoir une production inférieure à 200 000 hl de bière et l'existence d'installations physiquement distinctes » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, dans le cadre de la convention du 10 décembre 1998 portant affiliation de la BRASSERIE BOUQUET au CERCLE DES 3 BRASSEURS, la BRASSERIE BOUSQUET se voyait conférer, moyennant redevance financière, le droit d'utiliser la marque 3 BRASSEURS, l'enseigne 3 BRASSEURS ainsi que le savoir-faire des 3 BRASSEURS, cependant qu'elle s'obligeait de respecter les règles de fabrication de la bière telles qu'arrêtées par les 3 BRASSEURS, sachant que le respect de ces règles donnait lieu à surveillance dans le cadre de contrôles de la part de la société LES 3 BRASSEURS ; que ces éléments révélaient une fabrication sous licence et qu'en décidant le contraire, les juges du second degré, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 4 de la Directive communautaire n°92-83 CE du Conseil du 19 octobre 1992, 520 A du Code général des impôts, 178-Obis -A, 178-Obis -B et 178-O bis -C de l'annexe III du Code général des impôts ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, la circonstance que la BRASSERIE BOUQUET soit juridiquement indépendante, qu'il n'y ait pas immixtion de la société LES 3 BRASSEURS dans la gestion de la société BRASSERIE BOUQUET, et notamment en ce qui concerne le développement de la clientèle et les quantités produites, s'il pouvait être pris en compte dans le cadre d'une vérification de l'indépendance juridique, n'était pas de nature à faire échec au constat d'une production sous licence ; qu'en se fondant sur des motifs inopérants, ,les juges du second degré, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 4 de la Directive communautaire n°92-83 CE du Conseil du 19 octobre 1992, 520 A du Code général des impôts, 178-O bis -A, 178-O bis -B et 178-O bis -C de l'annexe III du Code général des impôts ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et à tout le moins, les juges du fond auraient dû rechercher si l'indépendance économique n'était pas exclue dès lors que la production de bière se faisait sous la marque et l'enseigne des 3 BRASSEURS, selon le savoir-faire des 3 BRASSEURS, le tout donnant lieu à redevance, sachant que le respect des règles de ce savoir-faire était sujet à contrôles, joint au fait qu'en marge de ce qui précède, la société BRASSERIE BOUQUET avait l'obligation de se fournir en levure et en malts auprès des 3 BRASSEURS ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 4 de la Directive communautaire n°92-83 CE du Conseil du 19 octobre 1992, 520 A du Code général des impôts, 178-Obis -A, 178-Obis -B et 178-O bis -C de l'annexe III du Code général des impôts ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-17063
Date de la décision : 05/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Directive n° 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 - Article 4, § 2 - Droit d'accise réduit sur la bière - Défaut de production sous licence - Conditions - Détermination

Par arrêt du 4 juin 2015 (Brasserie Bouquet, C-285/14), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'aux fins de l'application du droit d'accise réduit sur la bière, la condition prévue à l'article 4, § 2, de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, selon laquelle une brasserie ne doit pas produire sous licence, n'est pas remplie si la brasserie concernée fabrique sa bière conformément à un accord en vertu duquel elle est autorisée à utiliser les marques et le procédé de fabrication d'un tiers


Références :

article 4, § 2, de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques
article 520 A du code général des impôts

articles 178-0 bis A, 178-0 bis B et 178-0 bis C de l'annexe III du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 25 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 jan. 2016, pourvoi n°13-17063, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Debacq
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:13.17063
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