LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 septembre 2014) et les productions, que, par actes du 30 avril 2004, M. X... et Mme Y... se sont rendus cautions solidaires d'un prêt envers la société Banque populaire Côte d'Azur (la banque) ; que la banque a assigné en paiement les cautions ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que s'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation, il appartient à la caution de fournir au préalable au créancier les éléments de ce patrimoine afin de lui permettre de rapporter cette preuve ; qu'en se bornant, pour dire que la banque ne pouvait se prévaloir des engagements de caution de M. X... et de Mme Y..., à affirmer que la banque ne rapportait pas la preuve que ces cautions étaient en mesure de faire face à leurs engagements au jour où elles ont été actionnées, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si M. X... et Mme Y... avaient fourni à la banque des informations complètes sur la consistance de leur patrimoine au jour de la mise en oeuvre de leurs engagements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
2°/ qu'en relevant d'office le moyen selon lequel il appartenait à la banque de rapporter la preuve qu'au moment de la mise en oeuvre des cautionnements de M. X... et de Mme Y..., le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leur obligation, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu qu'il incombait à la banque d'apporter la preuve que le patrimoine des cautions, au moment de leur appel, leur permettait de faire face à leur obligation, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche dont l'omission est dénoncée ;
Attendu, ensuite, que s'étant bornée à vérifier l'absence ou la réunion des conditions d'application de la règle de droit permettant à la banque de se prévaloir de la garantie des cautions malgré la disproportion initiale de leur engagement, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de la contradiction ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque populaire Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Côte d'Azur
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté le caractère manifestement disproportionné des cautionnements souscrits par Monsieur X... et Madame Y... et dit que la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR ne peut s'en prévaloir, D'AVOIR débouté la BPCA de ses demandes dirigées contre Monsieur X... et Madame Y... et D'AVOIR condamné la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR à payer à Monsieur X... et Madame Y..., à chacun d'eux, la somme de 1.000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L341-4 du code de la consommation : Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Chaque caution s'est engagée solidairement avec les autres garants à répondre de l'intégralité de la dette jusqu'à concurrence d'un montant de 124 800 ¿ couvrant le principal, les intérêts et les pénalités et intérêts de retard. La circonstance qu'il y ait plusieurs cautions ne conduit pas à devoir examiner la garantie apportée au regard d'une collectivité de personnes dont on additionnerait les revenus et le patrimoine pour juger d'une éventuelle disproportion. Il a lieu, au contraire, de procéder à cette vérification personne physique par personne physique dès lors que celle-ci peut être poursuivie pour le tout et par préférence aux autres cautions. Par ailleurs, il est également indifférent que la caution soit avertie ou non, le texte auquel il convient de se référer ne distinguant pas selon que la caution soit un professionnel ou un non professionnel ou selon qu'il dispose d'une expérience ou de connaissances lui permettant d'apprécier la portée de son engagement exonérant d'autant le créancier. S'agissant de Mme Y..., celle-ci justifie avoir disposé d'un revenu annuel imposable de 9 633 ¿ en 2004 et de 10 683 ¿ en 2005, d'un niveau très largement insuffisant à répondre de l'engagement qu'elle a souscrit à la même époque, étant par ailleurs dépourvue de patrimoine. La disproportion manifeste de ses biens et de ses revenus avec la garantie contractée est par conséquent établie au jour où elle a été donnée. Au moment où cette garantie est appelée, la banque n'établit pas que Mme Y... ait été ou soit en mesure d'y faire face à partir des biens dont elle disposerait, la charge de la preuve en la matière reposant sur le créancier de l'obligation qui ne la rapporte pas ; Le cautionnement donné par Mme Y... apparaît dans ces conditions manifestement disproportionné tombant ainsi sous la sanction de l'article précité qui interdit à la banque de s'en prévaloir. S'agissant de M. X..., celui-ci justifie avoir disposé d'un revenu annuel imposable de 8 121 ¿ en 2004 et de 10 504 ¿ en 2005 de même niveau que celui de sa compagne. Il a été institué donataire en avril 2000 de la moitié indivise d'un bien immobilier de 800 000 ¿ soit une valeur patrimoniale de 68 979 ¿ pour lui-même. L'étude prévisionnelle réalisée sur le fonds de commerce de snack vente à emporter dont les cautions se sont portés acquéreurs fait ressortir un bénéfice espéré de 39 000 ¿ à tempérer cependant de la circonstance que les deux derniers bilans de l'ancien exploitant étaient déficitaires de - 1271 ¿ sur l'exercice 2002 et - 33 244 ¿ sur l'exercice 2003. Les prévisions au demeurant modestes quant aux résultats escomptés une fois réparti le gain entre associés, est de plus aléatoire compte tenu des résultats passés et n'autorise pas la banque à exciper de la réussite de l'entreprise qui ne s'est d'ailleurs pas vérifiée, pour prétendre avoir fait souscrire un cautionnement adapté aux biens et revenus de M. X..., ce dernier se présentant, en effet, comme jeune, sans expérience et au chômage lorsqu'il s'est lancé dans l'affaire. Son revenu d'alors comme la valeur de son patrimoine indivis apparaissent manifestement disproportionnés à l'engagement souscrit. Au moment où sa garantie est appelée, les revenus de M. X... sont restés identiques à ceux qu'ils étaient alors que, d'autre part, la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR ne rapporte pas la preuve qu'il lui revient d'établir de la valeur suffisante de son patrimoine pour répondre de l'obligation contractée. M. X... sera, dans ces conditions et en application de l'article susvisé, déchargé de son engagement de caution sans que la BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR puisse s'en prévaloir. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, il sera prononcé décharge des cautionnements pour disproportion manifeste, la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux entiers dépens et à payer aux appelants, à chacun d'eux, la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les avoir contraints à exposer des frais irrépétibles » ;
ALORS D'UNE PART QUE s'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation, il appartient à la caution de fournir au préalable au créancier les éléments de ce patrimoine afin de lui permettre de rapporter cette preuve ; qu'en se bornant, pour dire que la BPCA ne pouvait se prévaloir des engagements de caution de Monsieur X... et de Mademoiselle Y..., à affirmer que la banque ne rapportait pas la preuve que ces cautions étaient en mesure de faire face à leurs engagements au jour où elles ont été actionnées, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée (Cf.conclusions p.10 et suiv.) si Monsieur X... et Mademoiselle Y... avaient fourni à la banque des informations complètes sur la consistance de leur patrimoine au jour de la mise en oeuvre de leurs engagements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en relevant d'office le moyen selon lequel il appartenait à la banque de rapporter la preuve qu'au moment de la mise en oeuvre des cautionnements de Monsieur X... et de Mademoiselle Y..., le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leur obligation, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.