La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2015 | FRANCE | N°15-81160

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2015, 15-81160


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X...dit Charles Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la GUYANE, en date du 19 novembre 2014, qui, pour meurtre et séjour irrégulier sur le territoire français, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 décembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;


Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professi...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X...dit Charles Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la GUYANE, en date du 19 novembre 2014, qui, pour meurtre et séjour irrégulier sur le territoire français, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 décembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUÉGUEN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 14-3 g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que « Maître Gay Jérôme a demandé à la Cour de lui donner acte de ce que : « les déclarations auto-incriminantes en partie de M. Y... ont été évoquées dans la matinée entre 10 heures et 12 heures, également débattues, et il a été posé de nombreuses questions à l'accusé sur ses déclarations en garde à vue et les différentes versions fournies autant que sur la reconnaissance des faits qui lui sont reprochés encore jusqu'à ce jour et pour lesquels il est rejugé aujourd'hui. » Le président a fait droit à la demande de donner acte » et de la motivation de la cour que celle-ci a été convaincu par « les premières déclarations de l'accusé » ;
" alors que toute personne accusée a le droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en se référant aux déclarations auto-incriminantes de M. Y... ainsi qu'à ses déclarations en garde à vue relatives à la reconnaissance des faits qui lui sont reprochés et en se fondant sur ces déclarations pour entrer en voie de condamnation sans qu'il ne soit établi que ces déclarations avaient été précédées d'une notification de son droit de garder le silence, la cour d'assises a violé les textes susvisés ; "
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt ou jugement doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a entendu, en qualité de témoin, M. Z..., gendarme, qui avait participé à l'enquête ; qu'à la suite de sa déposition et de ses réponses aux questions, l'avocat de l'accusé a demandé au président de lui donner acte de ce que le témoin avait rappelé des déclarations incriminantes faites par M. Y... lors de sa garde à vue, en décembre 2005, alors que ce dernier n'avait pas reçu notification du droit de se taire ; que le président a fait droit à cette demande ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de l'accusé, la feuille de motivation énonce que la cour d'assises a été convaincue par la lecture des premières déclarations de M. A..., de l'audition de M. B..., de celle de M. de Sousa, de celle de Mme C..., et par les premières déclarations de l'accusé ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs imprécis qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour et les jurés ne se sont fondés ni exclusivement ni essentiellement sur des déclarations incriminantes recueillies au cours de la garde à vue sans l'assistance d'un avocat et sans la notification du droit de se taire, la cour d'assises n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, de l'article 112-1 du code pénal, l'article 8 la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'assises a déclaré M. Y... coupable d'avoir, entre le 1er et le 15 août 2005, à Saint-Laurent-du-Maroni, département de la Guyane, étant étranger, séjourné ou pénétré sur le territoire national sans être titulaire des visas, documents ou titres l'y autorisant et, en conséquence, l'a condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement ;
" alors que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu'en déclarant M. Y... coupable d'avoir, entre le 1er et le 15 août 2005, à Saint-Laurent-du-Maroni, département de la Guyane, étant étranger, séjourné ou pénétré sur le territoire national sans être titulaire des visas, documents ou titres l'y autorisant alors que l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui incriminait l'entrée ou le séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire national, a été abrogé par l'article 8 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, la cour d'assises a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 112-1 du code pénal, ensemble l'article 8 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et faisant l'objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée ;
Attendu que M. Y... a été déclaré coupable d'avoir, du 1er au 15 août 2005, à Saint-Laurent-du-Maroni, séjourné irrégulièrement sur le territoire français, délit connexe prévu et réprimé par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Mais attendu que l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été abrogé par la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, en vigueur à compter du 2 janvier 2013 ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Guyane, en date du 19 novembre 2014, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débat qui l'ont précédée ; et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Guyane, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Guyane et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81160
Date de la décision : 16/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Arrêts - Arrêt de condamnation - Motivation - Enonciations relatives à la culpabilité - Droits de la personne gardée à vue - Garde à vue antérieure à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 - Assistance de l'avocat (non) - Notification du droit de se taire (non) - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Motifs fondés ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue

DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Garde à vue antérieure à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 - Droits de la personne gardée à vue - Assistance de l'avocat (non) - Notification du droit de se taire (non) - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Cour d'assises - Feuille de motivation - Motifs fondés ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Garde à vue antérieure à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 - Assistance de l'avocat - Défaut - Déclaration de culpabilité - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Cour d'assises - Motivation - Motifs fondés ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Garde à vue antérieure à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 - Notification du droit de se taire - Défaut - Déclaration de culpabilité - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Cour d'assises - Motivation - Motifs fondés ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue

Ne justifie pas la déclaration de culpabilité la cour d'assises dont les motifs imprécis, énoncés dans la feuille de motivation, ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour et les jurés ne se sont fondés ni exclusivement ni essentiellement sur des déclarations incriminantes de l'accusé recueillies au cours de sa garde à vue, courant décembre 2005, sans l'assistance d'un avocat ni notification du droit de se taire


Références :

article 593 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises de la Guyane, 19 novembre 2014

Sur la valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue à défaut de l'assistance d'un avocat et de notification du droit de se taire, en matière criminelle, à rapprocher :Crim., 12 décembre 2012, pourvoi n° 12-80788, Bull. crim. 2012, n° 275 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2015, pourvoi n°15-81160, Bull. crim. 2016, n° 841, Crim., n° 608
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 841, Crim., n° 608

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Guéguen
Rapporteur ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.81160
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award