LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article 4 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique du 3 avril 2008, la caisse de Crédit mutuel de Levallois-Villiers (la banque) a consenti à la société Soleil couchant un prêt relais destiné au rachat d'un prêt consenti pour l'achat d'une résidence secondaire, remboursable en une seule échéance payable le 5 avril 2010, qui a été payée ; que la société Soleil couchant a assigné la banque en répétition de l'indu, lui reprochant de ne pas lui avoir adressé par voie postale l'offre préalable de crédit et de ne pas avoir intégré divers frais dans l'assiette du taux effectif global ;
Attendu que, pour déclarer la société Soleil couchant irrecevable en sa demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels, l'arrêt retient que l'action tend à l'annulation d'une clause de stipulation du taux effectif global contenue dans l'acte de prêt et qu'il n'y a pas lieu de faire de différence entre la nullité de la clause contractuelle de taux effectif global et la déchéance qui y est attachée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie, à titre principal, d'une demande en déchéance du droit aux intérêts fondée sur les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, laquelle est distincte de l'action en nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels fondée sur l'article L. 313-2 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel de Levallois-Villiers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de Crédit mutuel de Levallois-Villiers et la condamne à payer à la société Soleil couchant la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Soleil couchant
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la société Soleil couchant SC en sa demande de déchéance du droit de la caisse de Crédit mutuel de Levallois Villiers aux intérêts contractuels ;
Aux motifs que « la présente action tend à l'annulation d'une clause de stipulation du taux effectif global contenue dans un acte de prêt souscrit le 3 avril 2008, consistant en un prêt-relais in fine d'une durée de deux ans, et qui a été totalement exécuté, le prêt litigieux ayant été remboursé le 3 avril 2010 ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que la nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; que dès lors qu'un acte juridique a fait l'objet d'un commencement d'exécution, a fortiori s'il a été entièrement exécuté, comme en l'espèce, aucune demande de nullité ne peut être formée par l'emprunteur, que ce soit par voie d'action ou par voie d'exception ; que par ailleurs il n'y a pas lieu à faire de différence comme faite par les premiers juges, entre la nullité de la clause contractuelle chiffrant le taux effectif global des intérêts et la déchéance qui y est attachée par la loi ; qu'en conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt de la société SOLEIL COUCHANT à agir en nullité de la clause fixant le taux effectif global du prêt » (arrêt attaqué, pages 3 et 4) ;
Alors, premièrement, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses écritures d'appel, la société civile Soleil couchant SC, faisant valoir que l'offre formulée par la banque n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, demandait, à titre principal, que la caisse de Crédit mutuel de Levallois Villiers soit déchue du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L. 312-33 du même code et condamnée à lui restituer les intérêts indûment payés ; que pour déclarer la demande de la société Soleil couchant SC irrecevable, l'arrêt retient néanmoins que l'action engagée tend à l'annulation de la clause de stipulation du taux effectif global contenue dans l'acte de prêt exécuté ; qu'en statuant ainsi, quand ce n'était qu'à titre subsidiaire que la société civile Soleil couchant SC, se prévalant de l'erreur entachant le taux effectif global figurant dans l'acte de prêt, a demandé l'annulation de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux légal au taux conventionnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, deuxièmement, que ne sanctionnant pas une condition de formation du contrat, la déchéance du droit aux intérêts encourue lorsque figure dans l'offre de prêt la mention d'un taux effectif global irrégulier n'est pas une nullité ; que pour déclarer irrecevable la société Soleil couchant SC en sa demande de déchéance du droit de la caisse de Crédit mutuel de Levallois Villiers aux intérêts contractuels, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu à faire de différence entre la nullité de la clause contractuelle chiffrant le taux effectif global des intérêts et la déchéance qui y est attachée par la loi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation ;
Alors, troisièmement et subsidiairement, que l'exécution, fût-elle intégrale, du contrat de prêt est sans incidence sur la recevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt ouverte à l'emprunteur, qui conserve un intérêt légitime au succès de sa prétention ; que pour déclarer la demande de la société Soleil couchant SC irrecevable, l'arrêt retient que la nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique non encore exécuté et que dès lors qu'un acte a fait l'objet d'un commencement d'exécution, a fortiori s'il a été comme ici entièrement exécuté, aucune demande de nullité ne peut être formée, que ce soit par voie d'action ou par voie d'exception, de sorte que doit être infirmé le rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt de l'emprunteuse à agir en nullité de la clause fixant le taux effectif global du prêt ; qu'en statuant ainsi, quand la société Soleil couchant SC était recevable à agir en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels afin d'obtenir la substitution de l'intérêt légal à compter de la date de conclusion du prêt et la restitution des intérêts indûment payés, la cour d'appel a violé les articles 31 et 122 du Code de procédure civile.