Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Gan Groupama,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Siaolagi Y...du chef d'homicide involontaire aggravé, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle DE NERVO et POUPET, de Me BROUCHOT, de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 421-5 du code des assurances, des articles 459, 509, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a mis hors de cause le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et dit que la compagnie Groupama doit garantir M. Y... au titre des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 28 mai 2014 par le tribunal correctionnel soit les sommes de 3 000 000 francs CFP à M. Solamé B..., 3 000 000 francs CFP à Mme Hélène A..., 1 100 000 francs CFP à M. Kenny B..., 1 500 000 francs CFP à M. Olivier B..., 1 500 000 francs CFP à Mme Évangéline B..., 1 500 000 francs CFP à Mme Heillen B..., 100 000 francs CFP à M. Kenny B... agissant pour le compte de son fils mineur Ame B..., 100 000 francs CFP à M. Kenny B... agissant pour le compte de son fils mineur Morgann B... et la somme de 723 575 francs CFP à M. Solamé B... en réparation du préjudice matériel ;
" aux motifs que, sur la recevabilité de l'exception de non garantie soulevée par la compagnie d'assurances Groupama GAN, il importe de rechercher si la compagnie d'assurances GAN Groupama a parfaitement respecté les exigences de l'article R. 421-5 aux termes duquel « lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droits, il doit, par lettre recommandée avec avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droits » ; qu'en l'espèce, la lettre au Fonds de garantie a été adressée le 23 octobre 2012, tandis que la lettre aux victimes a été adressée le 29 novembre 2012, soit plus d'un mois après, lettre remise par huissier le 6 décembre 2012 ; qu'ainsi, il n'est pas contestable que la compagnie d'assurances n'a pas avisé les victimes en même temps et dans les mêmes formes que le Fonds de garantie ; que la compagnie d'assurances Groupama a exposé avoir, au mois de novembre 2013, réitéré l'ensemble des courriers adressés aux ayants droits et au FGAO ; que, toutefois, la réitération des courriers ne peut permettre de rattraper une formalité, qui n'a pas été remplie à peine d'irrecevabilité ; que, dès lors, il convient de rejeter l'exception de non garantie de la compagnie Groupama GAN, pour non-respect des dispositions de l'article R. 421-5 du code des assurances ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être réformé sur ce point ; qu'en définitive, le Fonds de garantie doit être mis hors de cause ; que sur l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal correctionnel à l'égard des parties civiles, la compagnie d'assurances Groupama expose que les parties civiles n'ont pas fait appel du jugement correctionnel mettant hors de cause la compagnie Groupama ; qu'elle soutient que, dès lors, la décision rendue par le tribunal correctionnel a l'autorité de la chose jugée à l'égard des parties civiles et qu'ainsi, la mise hors de cause de la compagnie d'assurances est opposable définitivement aux parties civiles ; que, de leur côté, les parties civiles, effectivement présentes en cause d'appel, ont fait valoir que la compagnie Groupama doit garantir M. Y..., dans la mesure où le FGAO est mis hors de cause, comme c'est le cas en l'espèce ; qu'il est constant que l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, laquelle prévoit un principe d'indemnisation par l'assurance et, à défaut, par le FGAO ; qu'en l'occurrence, le présent arrêt, sur l'appel du FGAO, a rejeté l'exception de non-garantie de la compagnie Groupama et mis hors de cause le Fonds de garantie ; que la compagnie Groupama, assureur du véhicule, est donc tenue à l'indemnisation des victimes de cet accident, eu égard au rejet de son exception de non-garantie et à la mise hors de cause du Fonds de garantie ; qu'en conséquence, la compagnie Groupama doit garantir M. Y... des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal correctionnel, le montant de ces condamnations n'étant pas discuté ;
" 1°) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions régulièrement déposées par la demanderesse relatives à l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal correctionnel à l'égard des parties civiles, la cour a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article 509 du code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que l'alinéa 2, qui édicte une exception au principe posé par l'article précédent, doit être interprété restrictivement ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait étendre à M. Y..., aux consorts B... et à Mme A..., non appelants, l'effet de l'appel interjeté par le Fonds de garantie ;
" 3°) alors qu'il résulte de l'article R. 421-5 du code des assurances que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception et que l'assureur doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ; que la concomitance s'entend des déclarations au Fonds et aux victimes dont l'identité est connue de l'assureur à la date à laquelle il avise le Fonds ; que méconnaît le sens et la portée de l'art. R. 421-5 la cour d'appel qui rejette l'exception de non garantie de la société Groupama et met hors de cause le Fonds de garantie, sans prendre en considération la circonstance, relevée par les premiers juges, selon laquelle la société Groupama avait agi avec diligence dès qu'elle avait été en possession des éléments de compréhension du dossier (procès-verbaux de procédure) ;
" 4°) alors qu'il résulte de l'article R. 421-5 du code des assurances que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception et que l'assureur il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ; que le Fonds de garantie ne peut se prévaloir de ce que l'assureur aurait averti tardivement les victimes que s'il justifie d'une atteinte qui aurait pu être portée à ses droits par le non respect du formalisme qu'il invoque ; qu'en retenant, sur le seul appel du Fonds de garantie, l'impossibilité pour la société Groupama de contester sa garantie, sans caractériser l'existence d'une atteinte portée aux droits du Fonds de garantie, la cour d'appel a méconnu l'article R. 421-5 du code des assurances ;
" 5°) alors qu'il résulte de l'article R. 421-5 du code des assurances que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception et que l'assureur il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ; que ces formalités ne sont pas applicables lorsque l'assureur oppose la nullité du contrat, non à la victime qui n'est pas partie à la procédure, mais à l'assureur du conducteur ayant indemnisé la victime ; qu'en faisant grief à la société Groupama de ne pas avoir respecté les formalités de ce texte pour déclarer irrecevable l'exception de garantie qu'elle a opposée à son assuré auteur du sinistre, la cour d'appel a violé par fausse application l'article R. 421-5 du code des assurances ;
" 6°) alors qu'il résulte de l'article R. 421-5 du code des assurances que lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception et que l'assureur il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ; que ces formalités sont valablement accomplies lorsque l'assureur, après avoir eu connaissance de l'identité des victimes, réitère sa déclaration au Fonds de garantie et en avise dans le même temps les victimes ; qu'en faisant grief à la société Groupama de ne pas avoir respecté les formalités de ce texte, en retenant que la réitération des courriers ne peut permettre de rattraper une formalité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article R. 421-5 du code des assurances " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire aggravé, pour avoir, alors qu'il conduisait un véhicule sans permis de conduire et sous l'empire d'un état alcoolique, occasionné la mort de Allan B... ; que les juges du premier degré ont prononcé sur les intérêts civils et ont mis hors de cause la société Gan Groupama et déclaré la décision opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ; que ce dernier a relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que, pour rejeter l'exception de non-garantie présentée par la compagnie d'assurances Gan Groupama, l'arrêt retient que les prescriptions de l'article R. 421-5 du code des assurances n'ont pas été respectées, la compagnie d'assurances n'ayant pas avisé les victimes en même temps et dans les mêmes formes que le FGAO ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article R. 421-5 du code des assurances, dès lors que ce texte impose à l'assureur, qui entend décliner sa garantie, d'aviser les victimes elles-mêmes, et non leur assureur, simultanément et dans les mêmes formes que la déclaration effectuée au FGAO, que l'irrecevabilité encourue en raison du non-respect de ces dispositions n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief et que la réitération de cette formalité ne peut régulariser l'absence initiale d'accomplissement des diligences prescrites par ce texte ;
Qu'ainsi, les griefs ne sauraient être accueillis ;
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que, pour rejeter les conclusions de la compagnie Gan Groupama qui invoquait l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement, en l'absence d'appel des parties civiles, l'arrêt énonce que l'exception de non-garantie de la compagnie Gan Groupama étant rejetée et le FGAO mis hors de cause, en appel, la compagnie Gan Groupama est tenue à l'indemnisation des victimes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'en raison de l'indivisibilité du litige, le seul appel du FGAO remet nécessairement en question à l'égard de toutes les parties, la chose jugée en première instance quant à la validité du contrat d'assurance, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Gan Groupama devra payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.