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25/11/2015 | FRANCE | N°14-26509

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 novembre 2015, 14-26509


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir subi trois interventions chirurgicales, les 14 février, 1er et 2 juin 2012, destinées à remédier à des pathologies lombaire et cervicale, réalisées par M. X..., chirurgien-orthopédiste, M. Y... a présenté une tétraplégie et sollicité en référé une expertise, puis le versement d'une provision en invoquant l'existence de fautes dans

sa prise en charge ;
Attendu que, pour juger sérieusement contestable l'obligatio...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir subi trois interventions chirurgicales, les 14 février, 1er et 2 juin 2012, destinées à remédier à des pathologies lombaire et cervicale, réalisées par M. X..., chirurgien-orthopédiste, M. Y... a présenté une tétraplégie et sollicité en référé une expertise, puis le versement d'une provision en invoquant l'existence de fautes dans sa prise en charge ;
Attendu que, pour juger sérieusement contestable l'obligation à réparation de M. X... et rejeter la demande de provision formée par M. Y..., l'arrêt constate que l'intervention du 1er juin 2012 a été compliquée par l'apparition en post-opératoire d'un déficit moteur de l'hémicorps droit associé à des troubles sphinctériens, constituant un aléa thérapeutique, que l'intervention du 2 juin 2012, pratiquée en raison de ces complications, a entraîné une aggravation des troubles de M. Y..., que, selon l'expert, cette intervention, qui s'est soldée par une aggravation des troubles neurologiques à type de tétraplégie, constitue un défaut de soins qui a eu pour conséquences la perte de chances de récupération du déficit neurologique secondaire à l'intervention de la veille et que l'état neurologique actuel de l'intéressé est imputable à hauteur de 10 % à son état antérieur, 15 % à un aléa thérapeutique et 75 % à un défaut de la prise en charge thérapeutique ; qu'il en déduit que l'expert n'a pas qualifié le choix du geste opératoire du 2 juin 2012 de fautif et que, dans le cas où une faute serait retenue à l'égard du praticien, l'obligation d'indemniser à hauteur de 75 % est sérieusement discutable et nécessite une discussion au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle s'était fondée sur les constatations et conclusions du rapport d'expertise, imputant en majeure partie l'aggravation des troubles de M. Y... aux soins inadaptés entrepris par M. X..., d'où il résultait une obligation non sérieusement contestable d'indemnisation incombant au chirurgien, et qu'il lui appartenait, en présence d'une telle obligation, de fixer elle-même le montant de la provision, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y pas lieu d'accueillir la demande de mise hors de cause formée par l'ONIAM ;
PAR CES MOTIFS :
Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause l'ONIAM ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'ONIAM et condamne M. X... à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Laurent Y... de ses demandes de provisions dirigées contre M. Salvatore X... ;
AUX MOTIFS QU' il résulte du rapport du 15 avril 2013 du docteur Samuel Z... que M. Laurent Y... né le 19 mars 1938 présente à cette date une tétraplégie complète basse sous le niveau C6 avec en particulier aucune motricité ou sensibilité des membres inférieures, une spasticité des quatre membres modérée par un traitement médicamenteux, aucune possibilité de préhension des membres inférieurs, perte de fonctionnement automatique et des contrôles des sphincters vésicaux et anaux, des douleurs fessières et péri-anales, une impotence fonctionnelle et douloureuse de l'épaule gauche ; cet état entraîne une dépendance totale et permanente pour tous les actes de la vie quotidienne ainsi qu'un état de détresse psychologique ; que le médecin expert explique que M. Laurent Y... présentait un trouble de la marche en relation avec une myélopathie cervicarthrosique dû à une étroitesse canalaire constitutionnelle étendue de C2 à C7 avec souffrance médullaire chronique ; que l'indication opératoire était non urgente mais incontournable ; que les suites opératoires de l'intervention du 1er juin 2012 ont été compliquées par l'apparition post opératoire d'un déficit moteur de l'hémicorps droit associé à des troubles sphinctériens ; que le docteur Z... conclut que ces complications constituent un aléa thérapeutique ; que cette complication a été prise en charge par le docteur X... par l'intervention du 2 juin 2012 ; que le docteur Z... considère qu'il n'y avait pas urgence à intervenir et surtout que le choix du geste opératoire était discutable ; qu'il conclut que cette deuxième intervention qui s'est soldée par une aggravation des troubles neurologiques à type de tétraplégie constitue un défaut de soins qui a eu pour conséquences la perte de chances de récupération du déficit neurologique secondaire à la première intervention qui était un aléa thérapeutique ; qu'il conclut que l'état neurologique actuel du patient est le résultat de trois composantes, l'état antérieur pour 10 %, l'aléa thérapeutique pour 15 % et le défaut de prise en charge pour 75 % ; qu'aux termes de l'article L 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; qu'en l'état du rapport du docteur Z..., qui n'a jamais qualifié le choix du geste opératoire de M. Salvatore X... de faute, son obligation à indemniser la victime est sérieusement contestable ; que par ailleurs, dans le cas où une faute serait retenue à l'encontre de ce praticien la quantification de la perte de chance compte tenu de l'état antérieur de M. Laurent Y..., nécessite aussi indéniablement une discussion au fond ; que même dans cette hypothèse, l'obligation de M. Salvatore X... d'indemniser M. Laurent Y... à hauteur de 75% de son préjudice corporel est donc sérieusement contestable ; qu'en conséquence, M. Laurent Y... sera débouté de sa demande de provision en référé ;
1°) ALORS QUE le juge des référés ne peut refuser d'accorder une provision que s'il existe une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de provision de M. Y... pour l'indemnisation de son préjudice corporel, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'obligation du docteur X... était sérieusement contestable au motif, inopérant, que l'expert n'avait jamais qualifié de faute l'attitude thérapeutique de ce médecin (arrêt, p. 13 § 11) ; que l'expert a retenu que le docteur X... n'avait pas choisi la bonne attitude thérapeutique, qualifiant ce choix de défaut de soins ayant entraîné une perte de chance de récupération des troubles neurologiques et ayant entraîné une aggravation neurologique massive ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher par elle-même s'il résultait des constatations précitées que les manquements reprochés constituaient des fautes au sens de l'article L 1142-1 du code de la santé publique et ainsi que l'obligation d'indemniser du docteur X... n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, lorsque le principe de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, quand bien même son évaluation serait sujette à discussion, le juge des référés ne peut refuser d'accorder une provision ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de provision de M. Y... pour l'indemnisation de son préjudice corporel, la cour d'appel a énoncé que même si les manquements du docteur X... pouvaient être qualifiés de faute, le pourcentage de perte de chance du patient nécessitait une discussion au fond et que l'obligation d'indemniser à hauteur de 75 % était discutable (arrêt, p. 13 § 12 et 13) ; qu'en rejetant la demande de provision au seul motif que l'évaluation de cette obligation devait être débattue, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, qu'elle a ainsi privée de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-26509
Date de la décision : 25/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 nov. 2015, pourvoi n°14-26509


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.26509
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