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19/11/2015 | FRANCE | N°14-13882

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 novembre 2015, 14-13882


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que, le 24 mai 2000, la société VR Services et la société JJ Holding aux droits de laquelle se trouve la société Dukan de Nitya (la société Dukan), ont conclu un "contrat de prestations de services réciproques" donnant à cette dernière, pour une durée indéterminée, la jouissance d'une boutique à usage commercial en vue de la vente de ses articles de marque 'Nitya', située à la Vallée Shopping Village, moyennant le versement d'une rede

vance de 20 % du chiffre d'affaires HT, chacune des parties ayant la facult...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que, le 24 mai 2000, la société VR Services et la société JJ Holding aux droits de laquelle se trouve la société Dukan de Nitya (la société Dukan), ont conclu un "contrat de prestations de services réciproques" donnant à cette dernière, pour une durée indéterminée, la jouissance d'une boutique à usage commercial en vue de la vente de ses articles de marque 'Nitya', située à la Vallée Shopping Village, moyennant le versement d'une redevance de 20 % du chiffre d'affaires HT, chacune des parties ayant la faculté de résilier le contrat avec un préavis de 10 mois ; que, le 4 mars 2011, VR Services a notifié son intention de résilier le contrat avec effet au 4 janvier 2012 ; qu'une sentence arbitrale du 10 août 2012 a dit prescrite l'action de la société la société Dukan en requalification du contrat de prestation de services réciproques en bail commercial, condamné la société Dukan à payer à la société VR Services une indemnité d'occupation et à quitter les lieux sous astreinte ; que, par une sentence rendue le 24 septembre 2012, le même tribunal arbitral a rectifié le dispositif de la sentence du 10 août 2012 en ordonnant "l'expulsion de la société Dukan de Nitya de tout emplacement au sein de la Vallée-Village sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision" ; que la cour d'appel a, par arrêt du 29 octobre 2013, accueilli le recours de la société Dukan en annulation de ces sentences et ordonné la réouverture des débats sur le fond du litige ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté ; que, statuant au fond, la cour d'appel a dit recevable l'action en requalification du contrat en bail commercial et l'a accueillie ;
Sur le premier et le second moyens, réunis, ci-après annexés :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le contrat avait été faussement intitulé "contrat de prestations de services réciproques" et que les clauses de mobilité et de durée, qui permettaient unilatéralement au bailleur de faire obstacle à la stabilité du local et de réduire sa superficie, alors que ce local avait été livré brut de décoffrage et aménagé par la locataire, avaient été stipulées dans le but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que cette simulation était constitutive de fraude, en a déduit à bon droit que cette fraude avait suspendu la prescription biennale pendant la durée du contrat et que l'action en requalification était recevable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société Dukan démontrait, par les nombreuses attestations produites, qu'elle disposait d'une clientèle propre au sein de celle de la Vallée-Village, qu'elle assumait seule les risques de son exploitation, disposait de son propre personnel, bénéficiait d'un service de caisse et payait ses charges, la cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir que les contraintes imposées par le concept de vente dans un environnement de haute qualité n'étaient pas incompatibles avec le libre exercice de son exploitation et accueillir la demande de requalification en bail commercial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société VR Services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société VR Services, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Dukan de Nitya ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société VR Services
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la société Dukan de Nitya en reconnaissance du statut des baux commerciaux ;
Aux motifs que «sur la demande de requalification du contrat en bail commercial, la société Dukan de Nitya qui sollicite la requalification du contrat de prestations de services réciproques conclu le 24 mai 2000 en bail commercial sur le fondement de l'article L. 145- 1 et suivants du code de commerce, oppose à la prescription biennale de l'article L. 145 - 60 du code de commerce applicable à cette action, l'existence d'une simulation ; qu 'elle soutient que le contrat a été frauduleusement intitulé "contrat de prestations de services réciproques" dans le but d'éluder le statut des baux commerciaux qui est appliqué par ses concurrents les plus directs et fait valoir qu'il contient une somme de services et d'obligations dont l'existence est destinée à camoufler l'obligation principale du contrat qui est la mise à disposition d'un local commercial en vue de l'exploitation d'une clientèle contre le paiement d'un loyer ; que le contrat litigieux est argué de simulation et de fraude; que la simulation comme la fraude commise par le bailleur pour éluder la statut des baux commerciaux suspend la prescription biennale pendant la durée du bail ; que par ailleurs, VR Services soutient à tort que la prescription quinquennale de l'action pour fraude serait acquise au plus tard le 18 juin 2013 alors que les arbitres ont recherché l'existence d'une fraude, la sentence arbitrale du 10 août 2012 mentionnant à cet égard (page 10) : «Toutefois elle ne rapporte nullement la preuve d'une quelconque simulation ou d'une quelconque fraude » ; que le statut des baux commerciaux s'applique aux locaux stables et permanents dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal se caractérisant par l'existence d'une clientèle propre au commerçant ou à l'artisan, que, toutefois, le bénéfice du statut peut être dénié si l'exploitant du fonds est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité ; que le contrat liant les parties prévoit la mise à disposition de "l'Enseigne" d'un emplacement brut de décoffrage et comporte une clause de mobilité en son article 1.1 ainsi libellée « Il est expressément convenu entre les parties que le Prestataire de Services se réserve le droit à tout moment, à son entière discrétion et, dans l'intérêt du concept d'"Outlet Shopping", de déplacer l'enseigne sur un autre emplacement au sein de "La vallée Shopping village" qu'il soit d'une surface éventuellement supérieure ou inférieure mais en tout état de cause aux conditions équivalentes de redevance définies à l'article II.6.1. Le Prestataire de Services notifiera l'enseigne de ce déplacement, par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un préavis de six mois minimum»; qu'une telle clause qui permet de façon unilatérale de faire obstacle à la stabilité du local et d'en réduire la superficie alors qu'elle concerne un local clos et couvert "brut de décoffrage" dont l'aménagement incombe à la seule enseigne, a exclusivement pour objet de contourner le statut des baux commerciaux ; que par ailleurs la clientèle de La Vallée Village est constituée par celle des enseignes qui y sont présentes ; que Dukan de Nitya démontre par les nombreuses attestations qu'elle produit disposer d'une clientèle propre; que si Dukan de Nitya ne peut pratiquer aucun solde, ne peut vendre que des articles et produits issus des collections des saisons précédentes de la marque Nitya dont elle ne peut fixer librement le prix, celui-ci devant au minimum être inférieur de 33 % par rapport au prix originel de vente au public pratiqué dans les magasins traditionnels, si l'aménagement de l'emplacement est soumis à l'approbation de VR Services de la conformité des travaux au concept et si afin d'assurer la cohérence du concept d'"Outlet Shopping"" et l'harmonie de l'environnement créée à "La Vallée Village", "le marchandisage, l'offre, la décoration, l'ameublement et d'une manière générale le fonctionnement au quotidien de l'exploitation de l'Enseigne", doivent respecter les termes du Manuel Opérationnel, de sorte qu'elle se trouve soumise à une discipline stricte, il n'en demeure pas moins qu'assumant seule les risques de son exploitation, disposant de son propre personnel, bénéficiant d'un service de caisse et payant ses charges (électricité, assurances,...), les contraintes qui pèsent sur elle ne sont pas incompatibles avec le libre exercice de son exploitation ;qu 'à cet égard, la spécificité du concept d'"Outlet Shopping" conçu pour protéger et développer l'image des marques haut de gamme, qui consiste selon les termes mêmes du contrat, à offrir aux enseignes un ensemble de services leur permettant d'écouler les produits dans les meilleures conditions de rentabilité et de renommée, selon un savoir-faire original en particulier, le prestataire de service créant et maintenant un environnement de très haute qualité et une offre commerciale ne pouvant prêter à confusion avec des centres commerciaux traditionnels ou des centres de vente à prix discount, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application du statut ; que le contrat met à la charge de l'enseigne le versement d'une redevance mensuelle de 20% du chiffre d'affaires HT, au prestataire de services en contrepartie des services prévus ; qu 'une telle clause dite clause recettes à variable pur recette qui détermine le montant du loyer n'est pas incompatible avec le statut des baux commerciaux ; qu 'au vu de l'ensemble de ces éléments, le contrat de prestations de services réciproques du 24 mai 2000 présente toutes les caractéristiques d'un bail commercial, peu important par ailleurs qu'il ait été conclu pour une durée indéterminée, avec faculté pour chacune des parties de résilier le contrat moyennant le respect d'un préavis de 10 mois, cette clause ayant pour objet de contourner les dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux ; qu 'en conséquence, le contrat ayant été faussement intitulé "contrat de prestations de services réciproques" et les clauses de mobilité et de durée ayant été stipulées dans le but de faire obstacle au bénéfice du statut de baux commerciaux, l'existence d'une simulation et d'une fraude sont établies; qu 'ainsi l'action en requalification du contrat en bail commercial est recevable et fondée ; qu 'il convient d'y faire droit sans qu'il y ait lieu à un transport sur les lieux» ;
Alors que le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, ne peut fonder sa décision de suspendre le cours de la prescription sur la seule allégation par l'une partie du caractère frauduleux de l'acte litigieux ; qu' en se bornant, pour déclarer recevable l'action en requalification du contrat de prestations de services réciproques, à relever que le contrat était argué de fraude et de simulation et que la fraude commise par le bailleur suspend la prescription, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile;
Alors, subsidiairement, que la fraude susceptible de suspendre le cours de la prescription suppose de caractériser des manoeuvres déloyales et une intention frauduleuse; qu 'en se bornant, en l'espèce, à déduire de la qualification retenue au fond de bail commercial, l'existence d'une fraude et d'une simulation suspendant la prescription pendant la durée du bail, sans caractériser autrement l'intention frauduleuse prétendue de la société VR SERVICES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L145-60 du code de commerce et du principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
Alors, subsidiairement, que la société VR SERVICES faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la stipulation d'une clause l'autorisant discrétionnairement à déplacer l'enseigne sur un autre emplacement et à en modifier la surface constituait, dans le cadre du concept spécifique de La Vallée Village, une façon de gérer le site permettant d'adapter l'emplacement mis à disposition des enseignes à leurs performances commerciales et à leur niveau de stocks, par définition fluctuant, ainsi qu'aux attentes de la clientèle ; qu 'elle démontrait aussi avoir mis en oeuvre cette clause à de nombreuses reprises, entraînant dans la plupart des cas une amélioration sensible des performances des enseignes concernées ; qu 'en affirmant péremptoirement, pour retenir une fraude et une simulation suspensive de la prescription biennale, que la clause de mobilité avait été stipulée dans le but de faire échec au statut des baux commerciaux, sans répondre aux conclusions de la société VR SERVICES établissant, au contraire, l'utilité et la fonction spécifiques de cette clause dans la gestion du site, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, subsidiairement, encore, que tout jugement doit être motivé ; qu 'en se bornant, pour dire la fraude et la simulation établies, à affirmer de manière péremptoire que la clause de mobilité avait exclusivement pour objet de contourner le statut des baux commerciaux sans préciser sur quels éléments elle fondait cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, subsidiairement toujours, que la durée du bail n'est pas déterminante de la qualification du contrat de bail commercial ; qu'en se fondant, pour dire que la fraude et la simulation étaient établies, sur la circonstance que la clause selon laquelle le contrat était conclu pour une durée indéterminée avec faculté pour chacune des parties de le résilier moyennant un préavis de dix mois, aurait été stipulée dans le but de faire échec au statut des baux commerciaux quant la stipulation d'une telle clause, dans un bail commercial, n'est pas de nature à exclure le statut des baux, la cour d'appel a violé les articles L 145-1 et L145-60 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
Alors enfin que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer que la clause de durée avait été stipulée dans le seul but de faire échec au statut des baux commerciaux, sans expliquer sur quels éléments elle fondait cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la convention du 24 mai 2000 conclue entre les parties remplit les conditions d'application du statut des baux commerciaux et d'avoir , en conséquence, dit nul et de nul effet le congé délivré le 4 mars 2011 ;
Aux motifs que « le statut des baux commerciaux s'applique aux locaux stables et permanents dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal se caractérisant par l'existence d'une clientèle propre au commerçant ou à l'artisan, que, toutefois, le bénéfice du statut peut être dénié si l'exploitant du fonds est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité ; que le contrat liant les parties prévoit la mise à disposition de "l'Enseigne" d'un emplacement brut de décoffrage et comporte une clause de mobilité en son article 1.1 ainsi libellée « Il est expressément convenu entre les parties que le Prestataire de Services se réserve le droit à tout moment, à son entière discrétion et, dans l'intérêt du concept d'"Outlet Shopping", de déplacer l'enseigne sur un autre emplacement au sein de "La vallée Shopping village" qu'il soit d'une surface éventuellement supérieure ou inférieure mais en tout état de cause aux conditions équivalentes de redevance définies à l'article II.6.1. Le Prestataire de Services notifiera l'enseigne de ce déplacement, par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un préavis de six mois minimum»; qu 'une telle clause qui permet de façon unilatérale de faire obstacle à la stabilité du local et d'en réduire la superficie alors qu'elle concerne un local clos et couvert "brut de décoffrage" dont l'aménagement incombe à la seule enseigne, a exclusivement pour objet de contourner le statut des baux commerciaux ; que par ailleurs la clientèle de La Vallée Village est constituée par celle des enseignes qui y sont présentes ; que Dukan de Nitya démontre par les nombreuses attestations qu'elle produit disposer d'une clientèle propre; que si Dukan de Nitya ne peut pratiquer aucun solde, ne peut vendre que des articles et produits issus des collections des saisons précédentes de la marque Nitya dont elle ne peut fixer librement le prix, celui-ci devant au minimum être inférieur de 33 % par rapport au prix originel de vente au public pratiqué dans les magasins traditionnels, si l'aménagement de l'emplacement est soumis à l'approbation de VR Services de la conformité des travaux au concept et si afin d'assurer la cohérence du concept d'"Outlet Shopping"" et l'harmonie de l'environnement créée à "La Vallée Village", "le marchandisage, l'offre, la décoration, l'ameublement et d'une manière générale le fonctionnement au quotidien de l'exploitation de l'Enseigne", doivent respecter les termes du Manuel Opérationnel, de sorte qu'elle se trouve soumise à une discipline stricte, il n'en demeure pas moins qu'assumant seule les risques de son exploitation, disposant de son propre personnel, bénéficiant d'un service de caisse et payant ses charges (électricité, assurances,...), les contraintes qui pèsent sur elle ne sont pas incompatibles avec le libre exercice de son exploitation ; qu 'à cet égard, la spécificité du concept d'"Outlet Shopping" conçu pour protéger et développer l'image des marques haut de gamme, qui consiste selon les termes mêmes du contrat, à offrir aux enseignes un ensemble de services leur permettant d'écouler les produits dans les meilleures conditions de rentabilité et de renommée, selon un savoir-faire original en particulier, le prestataire de service créant et maintenant un environnement de très haute qualité et une offre commerciale ne pouvant prêter à confusion avec des centres commerciaux traditionnels ou des centres de vente à prix discount, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application du statut ; que le contrat met à la charge de l'enseigne le versement d'une redevance mensuelle de 20% du chiffre d'affaires HT, au prestataire de services en contrepartie des services prévus ; qu 'une telle clause dite clause recettes à variable pur recette qui détermine le montant du loyer n'est pas incompatible avec le statut des baux commerciaux ; qu 'au vu de l'ensemble de ces éléments, le contrat de prestations de services réciproques du 24 mai 2000 présente toutes les caractéristiques d'un bail commercial, peu important par ailleurs qu'il ait été conclu pour une durée indéterminée, avec faculté pour chacune des parties de résilier le contrat moyennant le respect d'un préavis de 10 mois, cette clause ayant pour objet de contourner les dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux ; qu 'en conséquence, le contrat ayant été faussement intitulé "contrat de prestations de services réciproques" et les clauses de mobilité et de durée ayant été stipulées dans le but de faire obstacle au bénéfice du statut de baux commerciaux, l'existence d'une simulation et d'une fraude sont établies; qu 'ainsi l'action en requalification du contrat en bail commercial est recevable et fondée ; qu 'il convient d'y faire droit sans qu'il y ait lieu à un transport sur les lieux» ;
Alors, en premier lieu, que le statut des baux commerciaux ne s'applique qu'aux locaux stables et permanents ; que la stipulation d'une clause de déplacement et de surface est licite et exclut la qualification de bail commercial ; qu 'en l'espèce, la cour a relevé qu'aux termes de l'article 1.1 du contrat de prestations de services réciproques la société VR SERVICES disposait du droit, à tout moment et à son entière discrétion, de déplacer l'enseigne sur un autre emplacement et d'en modifier la surface; qu 'il résultait de ces constatations que l'emplacement mis à disposition de la société DUKAN DE NITYA n'était ni stable ni permanent ; qu 'en retenant néanmoins que le contrat de prestations de services réciproques présentait toutes les caractéristiques d'un bail commercial, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 145-1 du code de commerce ;
Alors, subsidiairement, que la société VR SERVICES faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la stipulation d'une clause de déplacement et de surface constituait, dans le cadre du concept spécifique de La Vallée Village, une façon de gérer le site permettant d'adapter l'emplacement mis à disposition des enseignes à leurs performances commerciales et à leur niveau de stocks, par définition fluctuant, ainsi qu'aux attentes de la clientèle ; qu 'elle démontrait aussi avoir mis en oeuvre cette clause à de nombreuses reprises, entraînant dans la plupart des cas une amélioration sensible des performances des enseignes concernées ; qu 'en retenant, pour juger que le contrat présentait toutes les caractéristiques d'un bail commercial, que la clause de mobilité n'avait été stipulée que dans le but de faire échec au statut des baux commerciaux, sans répondre aux conclusions de la société VR SERVICES établissant, au contraire, l'utilité et la fonction spécifiques de cette clause dans la gestion du site, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, subsidiairement, toujours , que tout jugement doit être motivé ; qu 'en se bornant à affirmer de manière péremptoire que la clause de mobilité avait exclusivement pour objet de contourner le statut des baux commerciaux sans préciser sur quels éléments elle fondait cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, encore, que l'application du statut des baux commerciaux suppose l'exploitation dans les locaux mis à disposition d'un fonds de commerce se caractérisant par l'existence d'une clientèle propre ; qu 'en se bornant à affirmer que la clientèle de La Vallée Village était constituée par celle des enseignes qui y sont présentes sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard aux moyens mis en oeuvre et aux investissements réalisés par la société VR SERVICES seule, dans le cadre d'un programme de marketing destiné à promouvoir La Vallée Village tant en France qu'à l'étranger, la clientèle, essentiellement touristique et internationale, fréquentant la boutique de DUKAN DE NITYA n'était pas celle de La Vallée Village, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L145-1 du code de commerce ;
Alors, encore, que les juges doivent procéder à une analyse même sommaire des éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à indiquer qu'il résultait des attestations produites par la société DUKAN DE NITYA que celle-ci disposait d'une clientèle propre, ce qui était vigoureusement contesté par la société VR SERVICES, sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait une telle assertion, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, encore, que le bénéfice le statut des baux commerciaux est exclu lorsque l'exploitant est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité ; qu 'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes du contrat de prestations de services réciproques, la société DUKAN DE NITYA était soumise à une « discipline stricte » tenant, d'une part, à la nature des produits que le commerçant était autorisé à vendre, d'autre part, au prix de vente des produits, l'enseigne étant tenue à un prix au minimum inférieur à 33% du prix originel et ne pouvant pratiquer aucun solde, de troisième part, à l'aménagement de l'emplacement et, enfin au fonctionnement quotidien de l'exploitation de l'enseigne, lesquels devaient être conformes au « Manuel Opérationnel » de La Vallée Village établi par la société VR SERVICES; qu 'en retenant néanmoins que le contrat de prestations de services réciproques présentait toutes les caractéristiques d'un bail commercial, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L145-1 du code de commerce ;
Alors, subsidiairement, qu'en se fondant sur les circonstances, insuffisantes à caractériser la liberté d'exploitation de la société DUKAN DE NITYA, selon lesquelles l'exploitant disposait de son propre personnel, bénéficiait d'un service de caisse et payait ses charges, pour en déduire qu'il n'était pas soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-1 du code de commerce ;
Alors, subsidiairement toujours, que la société VR SERVICES exposait dans ses conclusions d'appel qu'elle assumait, de fait, l'essentiel des risques liés à l'activité des enseignes au sein de La Vallée Village ; qu' en affirmant que la société DUKAN DE NITYA assumait seule les risques de son exploitation pour en déduire qu'elle n'était pas soumise à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel de la société la société VR SERVICES, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, subsidiairement enfin, que le juge, tenu de restituer aux actes juridiques leur exacte qualification, doit qualifier le contrat en en recherchant les obligations essentielles ; qu 'en se bornant à relever que les nombreux services fournis par la société VR SERVICES en exécution du contrat et conformément à la spécificité du concept de La Vallée Village n'étaient pas incompatibles avec le statut des baux commerciaux, sans rechercher si du fait de leur nature et de leur caractère prépondérants dans la relation contractuelle, la mise à disposition du local n'était pas qu'une obligation seulement accessoire insusceptible de traduire l'économie générale de la convention des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L145-1 du code de commerce ensemble l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-13882
Date de la décision : 19/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 nov. 2015, pourvoi n°14-13882


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13882
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