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12/11/2015 | FRANCE | N°14-20772

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 novembre 2015, 14-20772


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti à M. et Mme X... un prêt garanti par le cautionnement de la société Crédit logement ; qu'en raison de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme et a obtenu de la société Crédit logement, le paiement du solde du prêt ; que cette dernière, subrogée dans les droits du prêteur, a assigné M. et Mme X... en paiement de sa créance ;

Sur le second moyen :

Attendu que M.

et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à la société ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti à M. et Mme X... un prêt garanti par le cautionnement de la société Crédit logement ; qu'en raison de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme et a obtenu de la société Crédit logement, le paiement du solde du prêt ; que cette dernière, subrogée dans les droits du prêteur, a assigné M. et Mme X... en paiement de sa créance ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à la société Crédit logement au titre du solde du prêt, alors, selon le moyen, que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que M. et Mme X... soutenaient, dans leurs conclusions d'appel, qu'ils avaient adressé à la Société générale une série de chèques, que la banque devait, selon un accord conclu avec elle, les encaisser le 15 de chaque mois, ce qui aurait permis de régler la dette des époux et que le comportement de la banque, qui avait endossé les chèques pour ensuite les renvoyer aux époux sans les encaisser avait été de nature à créer une situation fictive d'impayé ; qu'en affirmant pourtant que les époux X... ne contestaient pas que les chèques remis ne couvraient pas les échéances échues et qu'ils représentaient seulement un effort de leur part, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions d'appel des consorts X... a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé qu'aux termes du contrat de prêt, la banque pouvait exiger le remboursement immédiat du solde du prêt en cas de non-paiement d'une mensualité à son échéance, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que M. et Mme X... s'étaient engagés à rembourser les échéances du prêt selon un rythme mensuel et pour un montant considéré qui n'avaient manifestement pas été respectés, et que nonobstant les chèques remis, M. et Mme X... ne rapportaient pas la preuve d'un accord avec la banque qui était dès lors fondée à prononcer la déchéance du terme ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, est inopérant ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables comme nouvelles, les demandes de M. et Mme X... tendant à la nullité de la clause d'intérêts et à l'indemnisation de leur préjudice pour manquement au devoir de conseil, l'arrêt retient, d'une part, que la société Crédit logement les avait assignés en paiement de sa créance et que ceux-ci avaient soutenu, en première instance, que la déchéance du terme avait été prononcée abusivement et avaient subsidiairement sollicité des délais de paiement, d'autre part, que la demande M. et Mme X... avait pour fondement des fautes qu'aurait commises la banque alors qu'en première instance, ils n'avaient pas contesté les sommes dues et n'avaient formulé aucune demande pécuniaire contre la banque sur le fondement des fautes commises par celle-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de nullité de la clause d'intérêts et la demande de dommages-intérêts pour manquement au devoir de conseil tendaient à faire écarter les prétentions adverses et à opposer la compensation entre l'indemnité sollicitée et la créance de la banque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes tendant au prononcé de la nullité de la clause d'intérêt et à la condamnation de la société Crédit logement à des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Crédit logement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit les époux X... irrecevables en leurs demandes tendant au prononcé de la nullité de la clause d'intérêt et à la condamnation de la société Crédit Logement à des dommages et intérêts pour manquement à leur devoir de conseil,

AUX MOTIFS QUE

« Sur la demande tendant au prononcé de la nullité de la clause d'intérêt

Considérant que les appelants font valoir que la banque n'a pas pris en compte pour calculer le taux d'intérêt, le coût de l'assurance incident qui est imposée à l'emprunteur.

Considérant que la société Crédit Logement fait valoir que la demande formée par les appelants en nullité de la clause d'intérêts est irrecevable car il s'agit d'une prétention nouvelle.

Considérant que la société Crédit Logement a, par acte d'huissier du 19 avril 2010, assigné M. X... et Mme Y... épouse X... en paiement de la somme de 189.172,79 ¿ au titre de sa créance en principal, intérêts et accessoires arrêtée au 4 mars 2010 ; que, par conclusions du 8 février 2011, ceux-ci ont soutenu que la déchéance du terme avait été prononcée abusivement et on subsidiairement sollicité des délais de paiement de 24 mois.

Considérant en conséquence que leur demande tendant au prononcé de la nullité de la clause d'intérêt constitue une demande nouvelle dont les premiers juges n'ont pas eu à connaitre, qu'il y a lieu de la déclarer irrecevable.

Sur le devoir de conseil de la banque

Considérant que les appelants affirment que la Société Générale a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde et sollicitent par conséquent une réparation par la banque de leurs préjudices matériel et moral.

Considérant que la société Crédit Logement fait valoir que cette demande formée par les appelants et tendant au prononcé de dommages et intérêts est irrecevable car il s'agit d'une prétention nouvelle.

Considérant que la demande des appelants a pour fondement des fautes qu'aurait commises la banque à leur égard et devant donner lieu à sa condamnation à des dommages et intérêts.

Considérant que devant les premiers juges les consorts X... n'ont contesté les sommes dues et n'ont formulé aucune demande pécuniaire à l'encontre de la banque sur le fondement de fautes commises par celle-ci, qu'il s'agit d'une demande nouvelle que la Cour dira irrecevable ».

ALORS QU'en appel, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent ; que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises aux premiers juges et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant irrecevables les demandes tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la banque pour manquement au devoir de conseil et celle relative à la nullité de la clause d'intérêt aux motifs que les Consorts X... avaient seulement soutenu en première instance que la déchéance du terme avait été prononcée de manière abusive et devait être écartée, quand cette demande qui tendait à la mise en cause de la responsabilité contractuelle banque pour avoir refusé d'encaissé les chèques transmis par les époux X... avant de prononce la déchéance du terme avait la même fin que celle formulée en appel, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné les époux X... solidairement au titre du solde impayé du prêt à l'habitat souscrit auprès de la Société Générale à payer la somme de 189.172,79 ¿ avec les intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2010 jusqu'au parfait paiement,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Sur la déchéance du terme

Considérant que les consorts X... n'ont présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Considérant que ceux-ci affirment qu'un accord avait été trouvé avec la banque et qu'ils avaient adressé à celle-ci une série de chèques que celle-ci n'a pas encaissés, créant ainsi une situation artificielle d'impayé et qu'elle a, à tort, prononcé la déchéance du terme.

Considérant que la société Crédit Logement affirme que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée par la Société Générale dans la mesure où, si les appelants ont fait des efforts pour régler les montants dus, ceux-ci n'étaient pas suffisants au regard de leurs obligations contractuelles.

Considérants que les consorts X... ne contestent pas que les chèques remis ne couvaient pas les échéances échues et qu'ils représentaient seulement un effort de leur part dans la mesure où ils n'étaient pas en mesure de régler la mensualité du prêt soit 1.635,84 ¿ qu'ils ne rapportent aucunement la preuve d'un accord avec la banque, qui était dès lors fondée à prononcer la déchéance du prêt.

(¿) »

AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« 1° - Sur l'opposabilité des exceptions

La subrogation accordée à la caution qui a payé, opéré transfert des droits et actions attachés à la créance mais laisse subsister l'opposabilité des exceptions le débiteur poursuivi peut donc opposer au créancier subrogé les mêmes moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire.

Par conséquent, Monsieur et Madame X... sont recevables à se prévaloir du moyen de défense tiré de la régularité de la déchéance du terme qu'ils auraient pu opposer à la SOCIÉTE GENERALE quand bien même celle-ci n'aurait pas été attraite à la cause.

Aux termes de l'article 11 des conditions générales du contrat de prêt formant avec les conditions particulières un ensemble contractuel unique, il est indiqué que la SOCIETE GÉNERALE pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance échus mais non payés dans le cas du non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toutes sommes lui étant dues à un titre quelconque en vertu du contrat de prêt que dans ce cas, la SOCIETE GÈNERALE notifiera à l'emprunteur ou en cas de décès à ses ayants-droit ou au notaire chargé du règlement de la succession et à la caution, par lettre recommandée par "AR" qu'elle se prévaut de la présente cause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt.

Par lettre du 13 novembre 2009 adressée par courrier recommandé avec avis de réception à chacun des deux époux, reçue le 14 novembre 2009, la SOCIETE GÉNÉRALE a déclaré se prévaloir de l'exigibilité anticipée du prêt et les a mis en demeure de payer la somme totale de 194.847,78 euros pour solde du prêt qui leur a été consenti.

Monsieur et Madame X... contestent la déchéance du terme au motif qu'ils avaient adressé des chèques au cours du mois de juin 2009 mais ils observent eux-mêmes dans leurs écritures avoir procédé à "une tentative de paiement des échéances selon leurs possibilités et leur situation financière"
admettant par là-même que les efforts auxquels ils ont consentis n'étaient pas suffisants au regard de leurs obligations contractuelles.

Le décompte sur lequel la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE s'est basée pour prononcer la déchéance du terme, arrêté au 1er octobre 2009 et fourni au dossier de la SA CRÉDIT LOGEMENT, laisse apparaître que des versements ont certes été effectués par Monsieur et Madame X... mais que ces versements n'ont pas été réguliers, ni complets, alors que ceux-ci se sont contractuellement engagés à rembourser les échéances du prêt selon un rythme mensuel et pour un montant considéré, qui n'ont manifestement pas été respectés.

Avant de se prévaloir de la déchéance du terme et de l'exigibilité anticipée du prêt, la SOCIETÉ GÉNÉRALE a adressé à Monsieur et Madame X... de multiples mises en demeure de payer les mensualités échues, par lettres recommandées avec avis de réception en date des 12 mars 2009, 09 avril 2009, 12 mai 2009, 10 juin 2009, 10 juillet 2009, 12 août 2009 et 11 septembre 2009.

Par conséquent, les mensualités n'ayant pas été réglées à leurs échéances, la SOCIÉTE GÉNERALE était en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de l'exigibilité anticipée de sa créance, dans les conditions et selon les modalités prévues au contrat de prêt.

L'abus invoqué par Monsieur et Madame X... n'est pas caractérisé et aucune faute ne peut être relevée à la charge de la SOCIETE GENERALE encore que celle-ci ne soit pas dans la cause.

Monsieur et Madame X... seront donc déboutés de leur moyen.

2° - Sur la créance de la SA CRÉDIT LOGEMENT

Conformément à l'article 2306 du Code civil, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.

Au soutien de sa demande principale, la SA CRÉDIT LOGEMENT verse aux débats, le contrat de prêt immobilier, le tableau d'amortissement initial, l'accord de cautionnement du 18 février2005, la quittance subrogative du 24 juillet 2009, la quittance subrogative du 17 décembre 2009, la quittance subrogative du 22 janvier2010, le décompte de la créance arrêtée au 04 mars 2010, le décompte de déchéance du 1er octobre 2009, la lettre prononçant la déchéance du terme en date du 13 novembre 2009, et les autres courriers de relance ainsi que les mises en demeure adressées aux défendeurs le 09 décembre 2009 et les 12 mars, 09 avril, 12 mai, 10 juin, 10 juillet, 12 août et 11 septembre 2009, le relevé des inscriptions au bureau de conservation des hypothèques, l'ordonnance du juge de l'exécution et l'acte de dénonciation de la SCP Bonhomme Devaud Truttmann Nicolas huissiers de justice.

Il résulte des quittances subrogatives que la SA CRÉDIT LOGEMENT a versé entre les mains de l'organisme prêteur successivement les sommes de 6.808,71 euros, 180.458,06 euros et 1.409,07 euros en exécution de son engagement de caution. Cette subrogation expresse concomitante au paiement a opéré transfert à son profit de tous les droits, actions et privilèges ou hypothèque détenus contre les débiteurs en vertu du contrat de prêt.

Les sommes acquittées par la SA CRÉDIT LOGEMENT correspondent outre au capital échu, aux échéances impayées de février, mars, avril, mai, juin, juillet, août et septembre 2009.

La créance de la SA CRÉDIT LOGEMENT est justifiée par les pièces et le décompte produits.

Les contestations des défendeurs ne sont pas étayées.

Par conséquent, il y a lieu de faire intégralement droit à la demande principale et de condamner solidairement Monsieur et Madame X... à payer à la SA CRÉDIT LOGEMENT la somme de 189.172,79 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires arrêtée au 04 mars 2010 avec les intérêts au taux légal à compter du 05 mars 2010, lendemain du décompte. »

ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que M. et Mme X... soutenaient, dans leurs conclusions d'appel, qu'ils avaient adressé à la Société Générale une série de chèques, que la banque devait, selon un accord conclu avec elle, les encaisser le 15 de chaque mois, ce qui aurait permis de régler la dette des époux et que le comportement de la banque, qui avait endossé les chèques pour ensuite les renvoyer aux époux sans les encaisser avait été de nature à créer une situation fictive d'impayé ; qu'en affirmant pourtant que les époux X... ne contestaient pas que les chèques remis ne couvraient pas les échéances échues et qu'ils représentaient seulement un effort de leur part, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions d'appel des Consorts X... a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-20772
Date de la décision : 12/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 nov. 2015, pourvoi n°14-20772


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20772
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