Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Abineet X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs de blanchiment et escroquerie aggravés, association de malfaiteurs, a déclaré irrecevable son appel d'une décision du juge d'instruction rejetant une demande de traduction de pièces ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 octobre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Castel, Raybaud, Mmes Caron, Drai, Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, MM. Barbier, Talabardon, Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Le Baut ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 août 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 3, de la Convention européenne de droits de l'homme, de la directive n° 2010/ 64/ UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 82-1, 186-1, 593, 803-5, 803-6, D 594 à D 599 du même code, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable l'appel de M. X... dirigé contre la décision du juge d'instruction rejetant sa demande de traduction de différentes auditions et de différents procès-verbaux de synthèse et de surveillance ;
" au motif que la décision déférée en appel n'est pas un acte juridictionnel, mais un simple courrier insusceptible de saisir la chambre de l'instruction ;
" alors qu'une personne mise en examen, qui sollicite par écrit la production des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès, a le droit de contester la décision rejetant sa demande ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé par M. X... contre la décision du juge d'instruction lui refusant la traduction de pièces qu'il estimait essentielles à sa défense, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles préliminaire, 82-1, 186-1 et 803-5 du code de procédure pénale ;
Attendu que la personne suspectée ou poursuivie, qui ne comprend pas la langue française, a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense ;
Attendu que le juge d'instruction qui, n'en n'ayant pas pris l'initiative, n'entend pas faire droit à une demande de traduction de pièces de la procédure doit, conformément à l'article 82-1 du code susvisé, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ; que cette décision est susceptible d'appel ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., de nationalité britannique, déclarant ne pas comprendre la langue française, mis en examen des chefs susvisés, a présenté le 14 novembre 2014 une demande de traduction en langue anglaise de plusieurs pièces de la procédure ; que, par courrier en date du 21 novembre 2014, le juge d'instruction a rejeté cette demande ; que le mis en examen a relevé appel de sa décision ;
Attendu que la chambre de l'instruction, saisie par son président sur le fondement de l'article 186-1 du code de procédure pénale, a déclaré l'appel irrecevable au motif que le courrier adressé par le juge d'instruction ne constituait pas un acte juridictionnel ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il lui incombait de statuer sur la demande de traduction dont elle était saisie par l'appel formé par le mis en examen de la décision du juge d'instruction rendue, à tort, sous la forme d'un simple courrier, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 20 mai 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.