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22/10/2015 | FRANCE | N°14-16726

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-16726


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lapp Muller (la société), spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de câbles spéciaux, a engagé M. X... suivant contrat écrit du 10 janvier 2011 à partir du 1er mai 2011 pour une durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable du service des ventes, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie étant applicable ; que le contrat stipulait une période d'essai de six mois, ainsi qu'une clause de non-c

oncurrence ; que l'employeur a notifié au salarié par lettre du 20 octobr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lapp Muller (la société), spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de câbles spéciaux, a engagé M. X... suivant contrat écrit du 10 janvier 2011 à partir du 1er mai 2011 pour une durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable du service des ventes, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie étant applicable ; que le contrat stipulait une période d'essai de six mois, ainsi qu'une clause de non-concurrence ; que l'employeur a notifié au salarié par lettre du 20 octobre 2011 la rupture de son contrat de travail « en cours de période d'essai » ; que l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la prime contractuelle et infirmer le jugement qui avait condamné l'employeur à payer une somme l'arrêt retient que le contrat de travail liant les parties stipulait en son annexe I : « Pour les six premiers mois de l'exercice de ses fonctions professionnelles, M. X... percevra en sus de sa rémunération forfaitaire de base une prime de 17 500 euros brut une fois la période d'essai confirmée. », que selon la commune intention des parties l'attribution de la prime litigieuse était donc subordonnée, d'une part à la poursuite de la relation contractuelle au-delà du terme de la période d'essai, d'autre part à une durée d'exercice des fonctions du salarié de six mois révolue, que du fait que la rupture est intervenue cinq mois et trois semaines après son embauche, il est constaté que M. X... n'a pas exercé ses fonctions professionnelles pendant la durée minimale convenue de six mois ;
Qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du salarié soutenant que la durée d'exécution du contrat devait être appréciée en tenant compte de la durée du préavis de trois mois consécutif à la requalification de la rupture en licenciement de sorte que la durée de six mois était dépassée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient qu'aux termes de la clause de non concurrence le salarié s'interdit en cas de rupture, contre indemnité mensuelle égale à 5/ 10ème de la moyenne de ses appointements durant son exécution, « pendant une durée d'un an (...) d'exercer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une activité similaire ou concurrente de celle exercée dans l'entreprise. Cette obligation couvre tout le secteur commercial en France et à l'étranger attribué à M. X.... », qu'ainsi la clause est limitée dans le temps à la brève durée d'un an, limitée par son objet à toute activité similaire ou concurrente de celle de la société elle-même cantonnée à la seule commercialisation de câbles spéciaux, et limitée enfin dans l'espace au seul secteur commercial attribué en France et à l'étranger au salarié, donc seulement « les marchés d'export » de la société, selon la mention portée à l'article 2 du contrat, que ces termes ne placent pas le salarié dans l'impossibilité absolue d'exercer de façon normale une activité conforme à ses connaissances et à sa formation, que la clause apparaît licite tant au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail que de l'article 28 de la convention collective applicable ;
Qu'en statuant ainsi alors que selon les termes de la clause l'obligation de non-concurrence s'appliquait « à tout le secteur commercial en France et à l'étranger attribué à M. X... » et non aux seuls marchés d'export, les juges du fond en ont dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de la prime contractuelle et de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Lapp Muller aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lapp Muller et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement qui avait condamné la société LAPP MULLER à payer à M. X... la somme de 17. 500 € et les congés payés afférents au titre de la prime contractuelle, et d'avoir rejeté cette demande ;
AUX MOTIFS QUE " le contrat de travail liant les parties stipulait en son annexe I : " Pour les six premiers mois de l'exercice de ses fonctions professionnelles, M. X... percevra en sus de sa rémunération forfaitaire de base une prime de 17. 500 € brut une fois la période d'essai confirmée " ;
Selon la commune intention des parties l'attribution de la prime litigieuse est donc subordonnée, d'une part, à la poursuite de la relation contractuelle au-delà du terme de la période d'essai, d'autre part à une durée d'exercice des fonctions du salarié de six mois révolue ;
Or, du fait de la rupture intervenue cinq mois et trois semaines après son embauche, il est constaté que M. X... n'a pas exercé ses fonctions professionnelles pendant la durée minimale convenue de six mois " (arrêt p. 4 et 5) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut méconnaître les termes clairs et précis d'un contrat ; qu'en l'espèce, le contrat de travail (art. 3) prévoyait une période d'essai de 6 mois, et (fiche d'objectifs annexée) que " pour les six premiers mois de l'exercice de ses fonctions professionnelles, Monsieur Patrick X... percevra en sus de sa rémunération forfaitaire une prime de 17. 500 € bruts une fois la période d'essai confirmée " ; que c'est donc à l'expiration de la période d'essai, fixée par le contrat à 6 mois, que la prime de 17 500 € était due ; que le conseil de prud'hommes a décidé que la convention collective autorisait seulement une période d'essai de 4 mois, ce qui n'a pas été contesté en appel ; que la rupture du contrat est intervenue au-delà de cette période de 4 mois ; que pour rejeter la demande de paiement de la prime, la cour a retenu que son attribution était subordonnée à la poursuite du contrat au-delà du terme de la période d'essai et à une durée d'exercice des fonctions du salarié de 6 mois révolue ; qu'en statuant ainsi, quand la durée d'exercice des fonctions était, pour le paiement de la prime, calquée sur la période d'essai, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, M. X... a soutenu, dans ses conclusions d'appel (p. 8), qu'il avait été embauché à partir du 1er mai 2011 et que compte-tenu de la date de la rupture, notifiée le 20 octobre 2011, du délai de prévenance d'un mois dû en application de l'article 6 de la convention collective ou du préavis de trois mois dû dès lors que la rupture du contrat de travail avait été requalifiée en licenciement, il devait être considéré comme ayant travaillé pendant plus de 6 mois, de sorte que la prime contractuelle prévue par le contrat passé ce délai était due ; que pour rejeter la demande en paiement de la prime, la cour a retenu que du fait de la rupture intervenue 5 mois et 3 semaines après son embauche, M. X... n'avait pas exercé ses fonctions pendant la durée minimale convenue de 6 mois ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen soutenant que la durée d'exécution du contrat devait être appréciée en tenant compte soit de la durée du délai de prévenance, soit de celle du préavis de 3 mois qui était dû dès lors que la rupture avait été requalifiée en licenciement et pour lequel une indemnité compensatrice a été allouée, et que dans les deux cas, cette durée de 6 mois était dépassée, de sorte que la prime était due, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ; que pour débouter M. X... de la demande en paiement de la prime de 17. 500 €, la Cour d'appel a retenu que " du fait de la rupture intervenue cinq mois et trois semaines après son embauche, M. X... n'avait pas exercé ses fonctions professionnelles pendant la durée minimale convenue de six mois " (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de l'arrêt que M. X... avait été embauché à compter du 1er mai 2011 et que la rupture intervenue le 20 octobre 2011 étant requalifiée en licenciement, il aurait dû effectuer un préavis de trois mois, jusqu'au 19 janvier 2012, pour lequel une indemnité compensatrice lui a été allouée, de sorte que la durée de travail à retenir était supérieure à 6 mois en tenant compte de ce préavis et que l'indemnité contractuelle était due, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence ;
AUX MOTIFS QUE " le contrat de travail liant les parties stipule à l'article 9 une clause de non-concurrence aux termes de laquelle M. X... s'interdit en cas de rupture, contre une indemnité mensuelle égale à 5/10ème de la moyenne de ses appointements durant son exécution, " pendant une durée d'un an (...) d'exercer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une activité similaire ou concurrente de celle exercée dans l'entreprise. Cette obligation couvre tout le secteur commercial en France et à l'étranger attribué à M. X... ".
Ainsi, la clause est limitée dans le temps à la brève durée d'un an, limitée par son objet à toute activité similaire ou concurrente de celle de la société Lapp Muller elle-même cantonnée à la seule commercialisation de câbles spéciaux, et limitée enfin dans l'espace au seul secteur commercial attribué en France et à l'étranger à M. X..., donc seulement " les marchés d'exports " de la société Lapp Muller, selon la mention portée à l'article 2 du contrat ;
Cette clause, libellée en des termes qui ne placent pas le salarié dans l'impossibilité absolue d'exercer de façon normale une activité conforme à ses connaissances et à sa formation, apparaît licite tant au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail que de l'article 28 de la convention collective applicable " (arrêt p. 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE " l'employeur a délié Mr. X... de cette clause à la rupture du contrat.
La clause géographique ne peut être considérée comme abusive compte tenu de la spécificité de l'activité de la société LAPP MULLER.
Le fait pour Mr. X... d'avoir trouvé très rapidement un emploi similaire à revenus équivalents démontre que cette clause ne lui a causé aucun préjudice.
Mr. X... sera débouté de ce chef de demande " (jugement p. 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'est donc nulle la clause de non-concurrence qui, fût-elle limitée dans le temps, interdit à un salarié d'exercer directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, une activité similaire ou concurrente de celle exercée dans l'entreprise et qui ajoute, sans autre précision, que cette obligation couvre tout le secteur commercial en France et à l'étranger du salarié ; qu'en considérant néanmoins qu'une telle clause stipulée dans le contrat de M. X... était valable pour comporter une limitation dans l'espace, la cour d'appel a violé le principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'en affirmant, pour juger que la clause comportait une limitation dans l'espace, qu'elle était limitée aux " marchés d'export ", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une délimitation spatiale, privant ainsi sa décision de base légale au regard du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;
ALORS, EGALEMENT, QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. X... prévoyait en son article 2 qu'il devait mener à bien, à partir du siège social et sur la totalité du territoire français et " les marchés d'exports ", toutes les missions inhérentes à ses fonctions ; qu'il comportait par ailleurs une clause de non-concurrence stipulant qu'il s'interdisait " pendant une durée d'un an (...) d'exercer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une activité similaire ou concurrente de celle exercée dans l'entreprise " et précisant que " cette obligation couvre tout le secteur commercial en France et à l'étranger attribué à M. X... " ; qu'en considérant, pour juger que la clause comportait une délimitation spatiale, qu'elle était cantonnée aux " marchés d'export ", alors qu'elle couvrait tout le secteur commercial en France et à l'étranger attribué à M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, EN OUTRE, QUE cause nécessairement un préjudice une clause de non concurrence nulle ; qu'en déboutant M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence, aux motifs adoptés qu'ayant été levée, cette clause ne lui avait causé un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... a invoqué l'existence d'un préjudice pris de l'abandon de l'investissement professionnel acquis auprès de ses précédents employeurs ; qu'en décidant qu'il ne justifiait pas d'un préjudice, sans répondre au moyen invoquant les droits qu'il aurait conservés chez ses précédents employeurs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-16726
Date de la décision : 22/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 oct. 2015, pourvoi n°14-16726


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16726
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