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07/10/2015 | FRANCE | N°14-24996

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 octobre 2015, 14-24996


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 mai 2014) et les productions, que, suivant un acte du 16 décembre 1988, Marie X... a donné en avancement d'hoirie à ses trois enfants, Liliane, Nicole et Daniel Y..., divers biens immobiliers en s'en réservant l'usufruit ; que, le même jour, il a été procédé au partage de la succession de Gabriel Y..., son époux pré-décédé ; que Marie X..., Mmes Liliane, Nicole Y... et M. Daniel Y... ont encore signé le même jour un acte aux termes

duquel ils ont indiqué être nantis de leurs droits dans la succession de...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 mai 2014) et les productions, que, suivant un acte du 16 décembre 1988, Marie X... a donné en avancement d'hoirie à ses trois enfants, Liliane, Nicole et Daniel Y..., divers biens immobiliers en s'en réservant l'usufruit ; que, le même jour, il a été procédé au partage de la succession de Gabriel Y..., son époux pré-décédé ; que Marie X..., Mmes Liliane, Nicole Y... et M. Daniel Y... ont encore signé le même jour un acte aux termes duquel ils ont indiqué être nantis de leurs droits dans la succession de Gabriel Y... et se sont obligés ultérieurement à ne revendiquer quoi que ce soit, pour quelque cause que ce soit ; que Marie X... est décédée le 28 mars 2007 après avoir légué à M. Daniel Y... la quotité disponible ; que le partage amiable de la succession de Marie X... n'ayant pu être réalisé, Mmes Liliane et Nicole Y... ont assigné leur frère en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, et en homologation du projet de partage établi par le notaire chargé de la succession ; que, pour s'opposer à l'homologation du projet de partage, M. Daniel Y... a soutenu qu'un expert devait être désigné à l'effet de rechercher si les donations consenties à ses soeurs n'excédaient pas leur part de réserve et si, en conséquence, la quotité disponible à laquelle il pouvait prétendre, en sa qualité de légataire, n'avait pas été atteinte ;
Attendu que M. Daniel Y... fait grief à l'arrêt d'homologuer le projet de partage et de rejeter sa demande d'expertise alors, selon le moyen :
1°/ que, conformément aux articles 913 et 922 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament ne peuvent excéder une portion des biens du disposant, calculée en fonction du nombre de ses enfants ; que l'héritier réservataire, légataire de la quotité disponible, est en droit d'exercer une action en réduction des libéralités, la quotité disponible se déterminant en formant une masse de tous les biens existant au décès à laquelle sont fictivement réunis les biens dont il a été disposé, d'après leur état à la date de la libéralité et de leur valeur à l'ouverture de la succession, après déduction des charges et dettes les grevant ; qu'en retenant, pour rejeter la demande formée par M. Daniel Y..., légataire de la quotité disponible aux termes du testament de sa mère en date du 21 mars 2003, aux fins de voir évaluer les biens donnés et attribués par leurs parents à lui-même et à ses soeurs par les actes du 16 décembre 1988, et de voir déterminer la quotité disponible et les réserves de chacun des héritiers, que les donations en avancement d'hoirie avaient été suivies d'un partage égalitaire entre les trois héritiers et que M. Daniel Y... ne démontrait pas en quoi ces actes auraient pu porter atteinte à la réserve des trois héritiers, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que, dans ses conclusions, M. Y... a fait valoir que sa qualité de légataire de la quotité disponible par testament de sa mère en date du 21 mars 2003, et le nécessaire calcul de la quotité qui en découlait exigeaient de faire masse des biens existants au décès, à laquelle devaient être réunis fictivement l'ensemble des biens donnés en avancement d'hoirie et attribués par ses parents à lui-même et à ses soeurs, par les actes du 16 décembre 1988, puis évalués à la date des donations et à la date de l'ouverture de la succession, les donations devant s'imputer sur le montant des réserves respectives des donataires, sans pour autant modifier les attributions en nature, telles que résultant des actes du 16 décembre 1988, au demeurant antérieurs au testament de sa mère lui léguant la quotité disponible ; qu'en retenant que les actes du 16 décembre 1988 en ce qu'ils avaient réalisé un partage partiel, transactionnel et définitif dans la succession des deux parents ne permettaient pas de procéder ultérieurement au calcul de la quotité disponible par la réunion fictive des biens donnés à la masse des biens successoraux, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte des dispositions testamentaires prises après ces actes a, en statuant ainsi, violé les articles 913 et 1077-2 du code civil, ensemble l'article 2052 du code civil ;
Mais attendu que M. Daniel Y... ne peut, en tant que légataire de la quotité disponible, prétendre qu'aux biens laissés au jour de l'ouverture de la succession et ne dispose d'aucun droit à faire réintégrer les donations antérieures ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Daniel Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Daniel Y... et le condamne à payer à Mmes Liliane et Nicole Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Daniel Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de désignation du président de la chambre des notaires de la Côte d'or, pour procéder aux opérations de compte liquidation partage de la succession d'Eugénie Y..., et au préalable, d'avoir rejeté la demande d'expertise aux fins d'évaluation des biens, objet de donations, et de détermination de la quotité disponible, et d'avoir homologué le projet de partage établi par Maître C...,
AUX MOTIFS QUE sur l'existence d'un accord transactionnel définitif entre les parties au titre de la succession de leurs deux parents, selon l'appelant, le partage tel qu'il est établi par Maître C... ne peut en aucun cas être validé, en l'état, dès lors qu'il n'aurait pas respecté l'article 922 du code civil, aux termes duquel « la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès, du donateur ou testateur. Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse ¿ » ; ni davantage l'article 1077-2 du code civil qui dispose que « les donations partage suivent les règles des donations entre vifs, pour tout ce qui concerne l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction » ; que Monsieur Y... fait valoir que, bénéficiant aux termes du testament de sa mère, le 21 mars 2003, de la quotité disponible, le partage de la succession de sa mère doit obligatoirement tenir compte des biens déjà reçus par les héritiers lors de la donation, afin de calculer le montant de la quotité disponible lui revenant ; qu'en vertu des articles 1077-2 et 922 du code civil, ces biens dont il a déjà été disposé par donation doivent être évalués d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'ainsi, toujours selon l'appelant, tout partage qui occulte totalement les donations antérieures aboutit à un calcul de la quotité disponible contraire au droit des successions et aux dispositions du code civil, observation étant faite que toutes les donations doivent s'imputer naturellement comme indiqué dans l'acte sur les réserves alors que le partage de Maître C... n'a calculé aucune quotité disponible et n'a donc pas respecté la valeur du testateur en occultant intégralement les dits calculs ; que, dans cette logique, en fonction des évaluations et des estimations faites lors des donations déjà effectuées, les biens restant à la succession ne pourraient revenir éventuellement et partiellement aux consorts Y... qu'à la condition qu'avec les biens déjà reçus, celles-ci n'aient pas reçu leur réserve laquelle doit être calculée sur la totalité des biens ayant appartenu à Eugénie Y... et non uniquement sur les biens restant à ce jour comme l'avait proposé Maître C... dans son projet de partage ; que selon l'interprétation de l'appelant, la clause dans l'acte de partage qui stipule « par suite du partage forfaitaire, transactionnel et définitif, chacun des comparants se reconnaît nanti de ses droits dans la succession de Monsieur Y... et dans la masse des biens à partager » ne concerne que la succession de son père et en aucune manière celle de sa mère ; qu'en conséquence, il demande à la cour de constater que les donations effectuées en nue propriété par Eugénie Y... sont des donations en avancement d'hoirie et qu'il est donc nécessaire de procéder à une évaluation de ces donations afin de déterminer la quotité disponible de chacun des héritiers ; qu'il conviendrait dans ce contexte d'évaluer la donation faite à Madame Liliane Y... de la nue propriété d'un immeuble de rapport à Dijon..., et celle de Madame Nicole Y... qui a bénéficié de la nue propriété d'un terrain de camping comprenant un restaurant sis à Tilchatel, ainsi que les murs d'un salon de coiffure,... ; que pour s'opposer aux prétentions de leur frère, les consorts Y... estiment que les donations en avancement d'hoirie en date du 16 décembre 1988 ont en réalité été suivies d'un partage partiel et d'un accord transactionnel et forfaitaire, de sorte qu'il n'y a plus à y revenir ; qu'il convient de se reporter aux deux actes signés le 16 décembre 1988 par les parties et leur mère en l'étude de Maître B... ; que le premier était un acte de donation par Eugénie Y... a ses trois enfants lesquels ont reçu en avancement d'hoirie, chacun pour un tiers, les biens suivants,- une maison d'habitation, à Dijon,...,- une maison sise à Dijon,...,- les parties divises et indivises d'un local commercial dans un ensemble immobilier,- un ensemble immobilier sis à Tilchatel dans lequel est exploité une fonds de camping, restauration, ravitaillement avec pavillon,- dans un ensemble immobilier sis rue du Château,..., un restaurant, que cette donation a été reçue par les enfants Y... en nue propriété, Eugénie Y... ayant reçu ces biens ensuite du décès de Gabriel Y..., son époux prédécédé, et s'en étant conservé l'usufruit sa vie durant ; que le 16 décembre 1988, il a été aussi procédé par Maître B..., au partage de la succession de Gabriel Y..., et après les donations d'ores et déjà consenties, Madame Z... ayant reçu les biens immobiliers sis..., Madame A..., les biens immobiliers sis..., et à Tilchatel, et Monsieur Y..., les biens sis ... ; que par suite des attributions, ainsi effectuées, et des accords transactionnels conclus, des soultes ont été dégagées qui ont été réglées, ainsi qu'il résulte de l'acte de partage du même jour ; qu'il a été ainsi prévu que les parties seraient propriétaires des biens à elles attribuées à compter du 16 décembre 1988 un accord ainsi rédigé : « entre les soussignés, Madame Y..., Madame Z..., Madame A... et Monsieur Y..., il est expressément convenu que par suite des actes, signés ce jour, de donation et partage des biens de la succession de Monsieur Gabriel Y..., chacun se reconnaît définitivement nanti de ses droits, tant dans ladite succession que dans les biens dépendant de la communauté des biens ayant existé entre les époux Y... et ce, sans aucune restriction ni réserve, (quelle que soit la nature de ces biens : mobilier, immobilier, créances etc). En conséquence, chacun des soussignés accorde tous abandonnements et dessaisissements à son co-héritier, et s'oblige ultérieurement à ne revendiquer quoi que ce soit pour quelque cause que ce soit. Par ailleurs, ces conventions mettent de plus fin à tous comptes quels qu'ils soient, qui existaient entre Monsieur Y... et Madame A.... Fait à Dijon le 16 décembre 1988 » ; que dans ces conditions, l'interprétation des actes notariés telle que développée par Monsieur Y... est erronée, dans la mesure où si les deux actes notariés ont été régularisés, concomitamment, c'est précisément parce que les trois héritiers avaient manifesté leur volonté de procéder à un partage forfaitaire, transactionnel et définitif dans la succession de leurs deux parents, et pas seulement dans la succession de leur père ; que l'acte intitulé « partage de la succession Y... » mentionne expressément la donation consentie en avancement d'hoirie, par feue Marie Eugénie Y... à ses enfants, avant de procéder au partage transactionnel qui leur attribue la nue propriété des biens et l'usufruit au décès de leur mère ; que l'accord signé par les parties le 16 décembre 1988 mentionne expressément que « chacun se reconnaît définitivement nanti de ses droits tant dans ladite succession que dans les biens dépendant de la communauté de biens, ayant existé entre les époux Y...
X... et ce, sans aucune restriction ni réserve, quelle que soit la nature de ses biens, mobiliers, immobiliers ou créances etc) » ; qu'en conséquence, la donation en avancement d'hoirie ayant été suivie d'un partage partiel et d'un accord transactionnel, il n'y a plus lieu à ce jour la partage étant effectif de revenir sur les donations antérieures ni de procéder à la désignation d'un expert, que les biens en avancement d'hoirie ont été donnés aux trois enfants, Liliane, Nicole et Daniel Y..., pour un tiers chacun, et le même jour, la succession du père des enfants, Gabriel Y..., a donné lieu à un partage égalitaire, entre les trois héritiers, les soultes calculées ayant été réglées ; que Monsieur Y... ne démontre pas indépendamment du fait que le partage a mis fin à toute action et qu'il serait aujourd'hui prescrit de le contester, en quoi ce partage aurait pu porter atteinte à la réserve des trois héritiers traités par leurs parents à égalité ; que seul, ultérieurement, Monsieur Y... a bénéficié de la part de sa mère, d'un testament lui léguant la quotité disponible ; que toutes les parties admettent qu'il doit en être tenu compte, ce qu'a d'ailleurs fait le premier juge ;
1) ALORS QUE conformément aux articles 913 et 922 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament ne peuvent excéder une portion des biens du disposant, calculée en fonction du nombre de ses enfants ; que l'héritier réservataire, légataire de la quotité disponible, est en droit d'exercer une action en réduction des libéralités, la quotité disponible se déterminant en formant une masse de tous les biens existant au décès à laquelle sont fictivement réunis les biens dont il a été disposé, d'après leur état à la date de la libéralité et de leur valeur à l'ouverture de la succession, après déduction des charges et dettes les grevant ; qu'en retenant, pour rejeter la demande formée par Monsieur Y..., légataire de la quotité disponible aux termes du testament de sa mère en date du 21 mars 2003, aux fins de voir évaluer les biens donnés et attribués par leurs parents à lui-même et à ses soeurs par les actes du 16 décembre 1988, et de voir déterminer la quotité disponible et les réserves de chacun des héritiers, que les donations en avancement d'hoirie avaient été suivies d'un partage égalitaire entre les trois héritiers et que Monsieur Y... ne démontrait pas en quoi ces actes auraient pu porter atteinte à la réserve des trois héritiers, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions, Monsieur Y... a fait valoir que sa qualité de légataire de la quotité disponible par testament de sa mère en date du 21 mars 2003, et le nécessaire calcul de la quotité qui en découlait exigeaient de faire masse des biens existants au décès, à laquelle devaient être réunis fictivement l'ensemble des biens donnés en avancement d'hoirie et attribués par ses parents à lui-même et à ses soeurs, par les actes du 16 décembre 1988, puis évalués à la date des donations et à la date de l'ouverture de la succession, les donations devant s'imputer sur le montant des réserves respectives des donataires, sans pour autant modifier les attributions en nature, telles que résultant des actes du 16 décembre 1988, au demeurant antérieurs au testament de sa mère lui léguant la quotité disponible ; qu'en retenant que les actes du 16 décembre 1988 en ce qu'ils avaient réalisé un partage partiel, transactionnel et définitif dans la succession des deux parents ne permettaient pas de procéder ultérieurement au calcul de la quotité disponible par la réunion fictive des biens donnés à la masse des biens successoraux, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte des dispositions testamentaires prises après ces actes a, en statuant ainsi, violé les articles 913 et 1077-2 du code civil, ensemble l'article 2052 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-24996
Date de la décision : 07/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

TESTAMENT - Legs - Legs à titre universel - Légataire - Légataire héritier réservataire - Droit sur les biens laissés au jour de l'ouverture de la succession - Effets - Droit à faire réintégrer les donations antérieures (non)

Le légataire de la quotité disponible ne peut prétendre qu'aux biens laissés au jour de l'ouverture de la succession et ne dispose d'aucun droit à faire réintégrer les donations antérieure


Références :

articles 913 et 922 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 15 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 oct. 2015, pourvoi n°14-24996, Bull. civ. 2016, n° 837, 1re Civ., n° 332
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 837, 1re Civ., n° 332

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : Mme Valdès-Boulouque
Rapporteur ?: M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24996
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