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06/10/2015 | FRANCE | N°14-16667

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2015, 14-16667


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2014) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 14 novembre 2012, pourvoi n° 11-22.644), que la société Conforama a signé le 15 janvier 1989 un accord d'entreprise qui énonce en son article 28 i) que « les salariés dont le jour de repos coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé » ; que faisant valoir, d'une part, que ce texte devait être interprété en ce sens que le jour de repos coïncidant

avec un jour férié donne droit au salarié à un jour de congé supplémentaire, q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2014) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 14 novembre 2012, pourvoi n° 11-22.644), que la société Conforama a signé le 15 janvier 1989 un accord d'entreprise qui énonce en son article 28 i) que « les salariés dont le jour de repos coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé » ; que faisant valoir, d'une part, que ce texte devait être interprété en ce sens que le jour de repos coïncidant avec un jour férié donne droit au salarié à un jour de congé supplémentaire, que ce jour soit ou non inclus dans une période de congé du salarié, et d'autre part, que cette interprétation en vigueur dans trente-huit des magasins de la société devait être étendue, en application du principe d'égalité de traitement, à l'ensemble des salariés des autres magasins dans lesquels l'employeur prétendait que le salarié devait déjà être en période de congés pour pouvoir bénéficier de ce jour de congé supplémentaire, la Fédération CGT du commerce et de la distribution et la Fédération CFDT des services ont saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que la société Conforama fait grief à l'arrêt de dire que tous les salariés de tous les établissements bénéficieront d'un jour supplémentaire de congés payés quand leur jour de repos coïncide avec un jour férié et ce même en dehors de leur période de congés payés, alors, selon le moyen, que le caractère illicite d'un usage portant atteinte à l'égalité de traitement des salariés ne saurait avoir pour effet d'appliquer l'avantage le plus favorable à l'ensemble des salariés ; que, dès lors, la cour d'appel ayant estimé que l'usage en vigueur au sein de certains établissements de la société Conforama permettant aux salariés de bénéficier d'un jour supplémentaire de congé payé quand leur jour de repos hebdomadaire coïncidait avec un jour férié, n'était pas conforme au principe d'égalité de traitement des salariés, elle ne pouvait, sans porter atteinte à l'autonomie et à la volonté des partenaires sociaux, ainsi qu'au pouvoir de direction de l'employeur, décider que tous les salariés de tous les établissements de la société Conforama bénéficieraient d'un jour supplémentaire de congés payés quand leur jour de repos coïnciderait avec un jour férié, ce même en dehors de leur période de congés payés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 1132-4 et L. 2141-4 du code du travail, ensemble le principe d'égalité des salariés ;
Mais attendu que l'atteinte au principe d'égalité de traitement peut être réparée par l'octroi, aux salariés concernés, de l'avantage dont ils ont été irrégulièrement privés ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Conforama France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Conforama France à payer au syndicat Fédération des services CFDT la somme de 1 500 euros et au syndicat Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Conforama France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la société Conforama France n'avait pas respecté le principe de l'égalité de traitement entre les salariés effectuant un travail égal ou de valeur égale au sein de tous ses établissements en laissant s'instaurer au sein de certains établissements un usage permettant aux salariés de bénéficier d'un jour supplémentaire de congé payé quand leur jour de repos hebdomadaire coïncide avec un jour férié, et d'AVOIR jugé que tous les salariés de tous les établissements bénéficieraient d'un jour supplémentaire de congés payés quand leur jour de repos coïncide avec un jour férié et ce même en dehors de leur période de congés payés ;
AUX MOTIFS QUE les parties sont d'accord que l'interprétation de l'article 28 i) de l'accord d'entreprise est désormais définitivement tranchée comme l'a rappelé la Cour de cassation en jugeant irrecevable le moyen qui l'invitait à revenir sur cette interprétation ; que le jugement du tribunal de grande instance de Meaux sera donc nécessairement infirmé en ce qu'il a jugé que l'article précité de l'accord d'entreprise doit être entendu comme suit : « les salariés dont le jour de repos hebdomadaire coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé » ; que la société Conforama discute tout d'abord le fondement sur lequel peut être invoqué le principe de l'égalité de traitement ; qu'elle considère en effet qu'il ne peut reposer sur une erreur de droit provenant d'applications erronées, dérogatoires et parfois non uniformes des dispositions de l'article 28 i) de l'accord d'entreprise, de la part de quelques-uns de ses magasins ; que c'est cependant à juste titre que les intimées ont rappelé que la société Conforama était seule responsable y compris des conditions d'octroi des congés et des avantages ; qu'elle n'est donc pas fondée à invoquer l'autonomie des directeurs d'établissement, autonomie au demeurant non prouvée ; qu'il apparaît au contraire que c'est au seul niveau de la direction de la société qu'il a été décidé d'appliquer à tous les établissements la note interne qu'elle a établie au sujet de l'application de l'article 28 i) après l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juin 2009 et que des négociations ont été tentées avec les organisations syndicales pour envisager un accord sur la compensation et l'harmonisation d'application de cet article et ensuite qu'il a été décidé de dénoncer les pratiques dans les 38 établissements qui accordaient un jour de congé supplémentaire y compris lorsque le jour de repos hebdomadaire coïncidait avec un jour férié, lesquels n'ont fait que mettre en oeuvre ces dénonciations ; qu'au cours du comité central d'entreprise du 21 et 22 mars 2007 la société a indiqué son interprétation de l'article 28 i) comme ne s'appliquant que dans les hypothèses de congés payés tout en reconnaissant que « cette approche ne préjudicie pas à l'application de règles plus favorables en application par exemple de pratiques qui pourraient être en vigueur au sein de certains établissements du fait d'un historique particulier » ; qu'en mai 2000, lors des négociations sur les 35 heures, la société a écrit dans un document qu'elle pouvait proposer parmi les contreparties demandées aux salariés la non-récupération des jours fériés coïncidant avec un jour de repos et admis en page 30 de celui-ci qu'en l'absence d'annualisation du temps de travail les « usages concernant les jours fériés tombant un jour de repos resteraient identiques » ; qu'elle reconnaît au demeurant dans ses conclusions que la source de ces avantages ainsi visés n'est pas l'article 28 i) mais ces usages ; qu'ainsi il a existé parmi les établissements de la société Conforama une application différenciée du régime des jours de congés, qui avait la nature d'un usage ; que c'est pourquoi elle n'est pas fondée à invoquer une erreur de droit ou un défaut d'application uniforme pour soutenir qu'il n'a pas existé d'inégalité de traitement ; que, pour l'attribution d'un droit ou d'un avantage reconnu par un accord collectif, un usage ou un engagement unilatéral de l'employeur, il ne peut y avoir d'inégalité de traitement entre les salariés d'établissements différents que si elle repose sur des raisons objectives ; que la société comme elle le soutient dans ses conclusions a toujours considéré que les applications faites par 38 établissements n'étaient pas conformes aux prescriptions de l'article 28 i) ; que, bien qu'informée de ces usages aboutissant à une application différenciée selon les établissements du régime des congés elle a néanmoins laissé d'instaurer par là-même une inégalité de traitement entre les salariés des différents établissements ; que, outre le fait qu'elle ne prouve pas l'autonomie des établissements à ce titre elle n'apporte en effet aucune preuve d'éléments objectifs justifiant cette application différenciée selon les établissements ; que, cependant, la société Conforama France est tenue d'appliquer et de faire respecter le principe de l'égalité de traitement entre les salariés effectuant un travail égal ou de valeur égale au sein de tous ses établissements, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; que la dénonciation d'un usage nécessite que l'employeur justifie de l'information donnée aux institutions représentatives du personnel, de celle donnée individuellement à chaque salarié et qu'il respecte un délai de prévenance ; que c'est à l'employeur qui soutient qu'un usage n'est plus en vigueur d'en rapporter la preuve ; que la société indique avoir procédé au niveau de chacun des établissements à une procédure de dénonciation ; que les intimées répondent qu'il n'est pas justifié de cette dénonciation à l'ensemble des salariés dans tous les établissements ; qu'il n'est présenté que neuf pièces se rapportant à ces dénonciations ce qui ne prouve pas que les 38 établissements qui appliquaient ces usages ont effectivement appliqué la procédure de dénonciation ; qu'en outre, en application du principe de l'égalité de traitement, ce sont tous les salariés concernés par ces usages qui devaient avoir reçu une information sur cette dénonciation ce dont la société ne justifie pas ; que c'est pourquoi la société Conforama ne peut pas se prévaloir d'un usage régulièrement dénoncé ; que les intimées sont par conséquent fondées en application du principe d'égalité de traitement dont elles peuvent demander l'exécution à voir juger que tous les salariés de tous les établissements bénéficieront d'un jour supplémentaire de congés payés quand leur jour de repos coïncide avec un jour férié et ce même en dehors de leur période de congés payés (arrêt attaqué, pp. 3 à 5) ;
ALORS QUE le caractère illicite d'un usage portant atteinte à l'égalité de traitement des salariés ne saurait avoir pour effet d'appliquer l'avantage le plus favorable à l'ensemble des salariés ; que, dès lors, la cour d'appel ayant estimé que l'usage en vigueur au sein de certains établissements de la société Conforama permettant aux salariés de bénéficier d'un jour supplémentaire de congé payé quand leur jour de repos hebdomadaire coïncidait avec un jour férié, n'était pas conforme au principe d'égalité de traitement des salariés, elle ne pouvait, sans porter atteinte à l'autonomie et à la volonté des partenaires sociaux, ainsi qu'au pouvoir de direction de l'employeur, décider que tous les salariés de tous les établissements de la société Conforama bénéficieraient d'un jour supplémentaire de congés payés quand leur jour de repos coïnciderait avec un jour férié, ce même en dehors de leur période de congés payés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 1132-4 et L. 2141-4 du code du travail, ensemble le principe d'égalité des salariés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-16667
Date de la décision : 06/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2015, pourvoi n°14-16667


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16667
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