LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la SCP Brouard-Daudé, en la personne de M. X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société B...et Y..., de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2013), que la société B...et Y..., exerçant l'activité de courtier en papiers et pâtes à papier, était en relation d'affaires avec la société de droit néerlandais Koninklijke Eduard van Leer (la société KEvL), spécialisée dans l'import-export de pâtes à papiers ; que celle-ci, se plaignant d'avoir constitué des stocks qu'elle n'avait pu écouler en raison de l'absence de confirmation des commandes que la société Y...et B...lui avait présentées comme fermes, l'a assignée en paiement de différentes factures et notes d'honoraires ;
Attendu que la société B...et Y...fait grief à l'arrêt de faire droit aux demandes de la société KEvL alors, selon le moyen :
1°/ que le courtier en marchandises n'est pas garant de la confirmation des simples intentions de commandes qu'il transmet au fournisseur ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que la société B...et Y..., courtier en papiers et pâtes à papiers, avait communiqué à la société KEvL, importateur de ce type de marchandises, des « intentions » de commandes et d'engagements ou lui avait fait part de « possibilités » et de « potentiel » de commandes, ce dont il résultait que le courtier n'avait communiqué à l'importateur aucune offre ferme qui aurait été de nature à engager sa responsabilité en cas de non-réalisation de l'opération, a néanmoins retenu, pour condamner le courtier à indemniser la société KEvL à raison de l'absence de réalisation des opérations litigieuses, qu'il avait assuré cette dernière de la certitude des commandes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant, pour dire que la société B...et Y...avait assuré la société KEvL de la certitude des commandes de pâtes à papiers, et ainsi condamner la première à indemniser la seconde à raison de la non-réalisation de ces commandes, sur les attestations rédigés par MM.
Z...
et A..., dont elle avait constaté qu'ils étaient respectivement directeur général et responsable des ventes de la société KEvL, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ qu'en se fondant, pour évaluer le préjudice de la société KEvL à la somme de 224 180, 57 euros, sur les factures de cette dernière et les calculs qu'elle avait effectués sur la base des connaissements qu'elle produisait, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que la société B...et Y...a communiqué des intentions de commande de plusieurs sociétés à la société KEvL, en fonction desquelles celle-ci a procédé à des achats de pâte à papier et organisé un programme de livraison ; qu'il relève que, malgré sa connaissance de cette situation et les inquiétudes exprimées par la société KEvl quant à la finalisation de ces commandes, la société B...et Y...l'a confortée par la suite à plusieurs reprises, par courriel et lors d'une réunion, en sa croyance de l'existence de perspectives réelles de vente ; qu'il en déduit qu'elle a incité la société KEvL à constituer des stocks concernant des commandes qui n'ont jamais été conclues, malgré les assurances données ; que par ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que le courtier avait fautivement incité la société à constituer des stocks, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même n'est pas applicable à la preuve de faits juridiques, qui peut être rapportée par tous moyens ; qu'appréciant souverainement la valeur probante des attestations et des factures produites, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Brouard-Daudé, en la personne de M. X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société B...et Y..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société B...et Y....
La société B...et Y...fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société KEvL la somme de 224. 180, 57 euros, outre les intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des échanges par courriers électroniques entre M. Y..., dirigeant de la société B...et Y..., et MM. Z...et A..., respectivement directeur général et responsable des ventes de la société KevL, qu'entre le 19 décembre 2007 et le 16 avril 2008, M. Y...a communiqué à la société KEvL des intentions de commandes importantes des sociétés Arjo (1 500 tonnes), de la société Bolloré (5 000 tonnes) ainsi que d'un client anglais (100 tonnes) ; que par ailleurs, par un courrier électronique du 22 avril 2008, M. Z...a précisé à M. Y...que la société KEvL avait « agi selon votre volonté » et à partir des informations que ce dernier avait données au cours des entretiens et des réunions précédentes, tiré des conclusions sur les besoins des clients, en prépayant 1 100 tonnes qui seraient livrées, pour le marché français, début mai 2008 et, il l'interrogeait sur la nécessité de commander 1 100 autres tonnes pour une livraison fin mai, début juin ; que par courrier du 22 mai suivant, M. A...a adressé à M. Y...le détail des livraisons qui devaient être effectuées à l'entrepôt d'Anvers, entre le mois de juin et la fin du mois de juillet ; qu'en réponse à l'inquiétude exprimée par M. A...en raison de ce que peu de commandes fermes lui étaient parvenues, M. Y...lui a transmis, toujours par voie électronique, le 30 mai 2008, un message d'un responsable de la société Arjo Wiggins, l'informant d'une intention de s'engager « à 1 000 tonnes par mois dans le sud du Royaume Uni et entre 1 000 et 1 500 tonnes dans le nord de l'Europe » ; qu'enfin, un compte rendu de réunion le 2 juin 2008, entre MM. Y..., Z...et A..., permet de constater que M. Y...a assuré ses interlocuteurs de « réelles possibilités sur des contacts, histoire, etc. » pour sept clients et un montant total de 1 800 tonnes et qu'il a indiqué que des échantillons avaient été adressés à la société Arjo qui représentait un potentiel de 2 000 tonnes de commandes ; que ces échanges confortent les indications délivrées par MM. Z...et A... dans des attestations des 24 octobre 2011 et selon lesquelles, lors de la réunion du 2 Juin 2008, M. Y...a « (...) confirmé qu'il n'y avait aucun doute possible concernant les clients français identifiés par lui et concernant les quantités respectives de pâte à papier à vendre à chacun desdits clients » ; que ces deux personnes énoncent une liste de sept clients dont les commandes annoncées s'établissaient entre 50 et 350 tonnes ; que cette liste, ainsi que les prévisions correspondantes, étaient rappelées dans un courrier électronique adressé le 23 juin 2008 par M. Z...à M. Y..., s'alarmant de ce que les commandes n'arrivaient pas ; qu'il résulte de cet ensemble de pièces que la société B...et Y...a bien, ainsi que le soutient la société KevL, annoncé à celle-ci qu'elle allait recevoir des commandes importantes de pâte a papier, et qu'en l'assurant de la certitude de ces commandes, elle l'a incitée à constituer des stocks d'un volume équivalent pour y répondre, alors que celles-ci n'ont pas été passées ; que la société B...et Y...a ainsi commis une faute envers la société KevL en la conduisant à procéder à des achats de pâte à papier qu'elle n'a pu ensuite écouler qu'avec une perte financière ; qu'il s'en déduit que le jugement qui a rejeté la demande de réparation de la société KEvL doit être infirmé ; que, sur le préjudice, la société KEvL fait valoir que compte tenu de la part de la responsabilité qu'elle admet être la sienne dans la constitution des stocks excessifs de pâte à papier, son préjudice s'établit à la moitié des pertes constatées à l'issue de la vente du stock des marchandises ; qu'il résulte des factures produites par la société KevL, des connaissements, ainsi que des calculs effectués par la société sur la base de ces connaissements, que le préjudice subi par la mévente de la pâte à papier commandée par elle, à la suite des assertions de la société B...et Y..., est de 297 085, 50 dollars, soit, selon les taux de change applicables à la date de chaque facture, de 224 180, 57 euros ; que la société B...et Y...sera donc condamnée à payer cette somme à la société KEvL et il convient de préciser qu'elle produira intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure du 7 octobre 2009 ;
1°) ALORS QUE le courtier en marchandises n'est pas garant de la confirmation des simples intentions de commandes qu'il transmet au fournisseur ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que la société B...et Y..., courtier en papiers et pâtes à papiers, avait communiqué à la société KEvL, importateur de ce type de marchandises, des « intentions » de commandes et d'engagements ou lui avait fait part de « possibilités » et de « potentiel » de commandes, ce dont il résultait que le courtier n'avait communiqué à l'importateur aucune offre ferme qui aurait été de nature à engager sa responsabilité en cas de non-réalisation de l'opération, a néanmoins retenu, pour condamner le courtier à indemniser la société KEvL à raison de l'absence de réalisation des opérations litigieuses, qu'il avait assuré cette dernière de la certitude des commandes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant, pour dire que la société B...et Y...avait assuré la société KEvL de la certitude des commandes de pâtes à papiers, et ainsi condamner la première à indemniser la seconde à raison de la non-réalisation de ces commandes, sur les attestations rédigés par MM. Z...et A..., dont elle avait constaté qu'ils étaient respectivement directeur général et responsable des ventes de la société KEvL, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QU'en se fondant, pour évaluer le préjudice de la société KEvL à la somme de 224. 180, 57 euros, sur les factures de cette dernière et les calculs qu'elle avait effectués sur la base des connaissements qu'elle produisait, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.