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30/09/2015 | FRANCE | N°13-27872

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 13-27872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Comareg le 28 août 2003, placée en liquidation judiciaire le 3 novembre 2011, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur ; que bénéficiant du statut de salarié protégé, il a été licencié pour motif économique le 20 décembre 2011 après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'ho

male pour que la société Groupe Hersant média soit déclarée son coemployeur et obtenir...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Comareg le 28 août 2003, placée en liquidation judiciaire le 3 novembre 2011, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur ; que bénéficiant du statut de salarié protégé, il a été licencié pour motif économique le 20 décembre 2011 après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour que la société Groupe Hersant média soit déclarée son coemployeur et obtenir la nullité du licenciement ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel retient que dans son recours devant le ministre du travail, le salarié soutenait que cette société avait la qualité de coemployeur, que le ministre a confirmé la décision de l'inspecteur du travail alors qu'il avait connaissance de ce moyen, que l'intéressé n'avait exercé aucun recours devant le tribunal administratif et que l'autorité judiciaire n'était donc pas compétente pour apprécier la demande relative à l'existence d'un coemployeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision administrative qui avait autorisé le licenciement du salarié, ne s'était pas prononcée sur une situation de coemploi entre la société Groupe Hersant média et la société Comareg, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Comareg ;
Condamne la société Groupe Hersant média aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé le juge judiciaire incompétent pour se prononcer sur la qualité de co-employeur de la société GROUPE HERSANT MEDIA, dit qu'en toute hypothèse cette société peut se prévaloir de l'autorisation accordée à la Société COMAREG de licenciement Monsieur X..., et d'avoir débouté M. X... de toutes ses demandes tendant à voir dire son licenciement nul et à la condamnation de la société GROUPE HERSANT MEDIA à lui payer une indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, des dommages et intérêts pour licenciement nul, des rappels de salaires, congés payés, préavis, indemnité de licenciement, délai de réflexion CRP, et divers, et à lui remettre les documents sociaux conformes sous astreinte, le tout avec les intérêts de droit et dépens, et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE, par décision du 14 décembre 2011, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X... « considérant que le motif économique était avéré ; considérant les recherches de reclassement effectuées au sein du groupe HERSANT MÉDIA dont fait partie la société COMAREG ». Le 23 février 2012, M. X... a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail à rencontre de cette décision. Dans son recours, il faisait valoir : « B) Le reclassement doit d'autant plus s'opérer dans le groupe que le salarié a aussi pour co-employeur la société holding du groupe. La société COMAREG appartient à un groupe extrêmement diversifié et important intitulé « GROUPE HERSANT MÉDIA » il ne s'agit pas de confondre le groupe HERSANT MÉDIA et la société GROUPE HERSANT MÉDIA SA qui est la holding contrôlant l'ensemble des sociétés du groupe. (....) la société GROUPE HERSANT MÉDIA SA doit être considérée comme co-employeur aux côtés de chacune de l'ensemble des sociétés du groupe et a fortiori, en l'espèce, aux côtés de la COMAREG. Le 11 juillet 2012, le ministre du travail a autorisé le licenciement au motif que « le motif économique est établi», que « l'administrateur judiciaire a proposé au salarié sept postes de reclassement au sein du groupe » « qu'en raison des difficultés économiques et financières avérées à l'échelle des différentes entreprises du groupe, l'administrateur n'est pas en mesure de reclasser le salarié à ce niveau, les seuls postes disponibles lui ayant été proposés ; que les efforts de reclassement ont été réalisés en interne et en externe sans pouvoir aboutir à un reclassement de M. X... ; que dans ces conditions, les efforts de reclassement doivent être regardés comme suffisants ». Dans son recours, M. X... soutenait que la société GROUPE HERSANT MÉDIA avait la qualité de co-employeur. Le ministre a confirmé la décision de l'inspecteur du travail alors qu'il avait été averti de ce moyen. M. X... n'a pas exercé de recours devant le tribunal administratif. La rupture ayant été autorisée par l'autorité administrative, l'autorité judiciaire n'était donc pas compétente pour apprécier la demande relative à l'existence d'un co-employeur. En outre, à supposer que la société GROUPE HERSANT MÉDIA ait eu la qualité de co-employeur de M. X..., celle-ci peut se prévaloir des effets de l'autorisation administrative du ministre du travail. Le jugement sera donc infirmé, M. X... étant débouté de toutes ses demandes à l'égard de la société GROUPE HERSANT MEDIA. La société MJ SYNERGIE, représentée par Me Y..., es qualités de mandataire liquidateur de la société COMAREG, sera mise hors de cause, M. X... ne formulant aucune demande à son encontre. Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
ALORS, D'UNE PART QUE si lorsqu'une autorisation administrative a été accordée, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement légale ou conventionnelle préalable au licenciement, y compris dans l'ensemble du groupe dont ferait partie un co-employeur, le juge judiciaire reste compétent pour se prononcer sur la qualité de co-employeur d'une des sociétés du groupe, envisagée comme débiteur d'obligations propres vis-à-vis du salarié, si l'administration n'a pas été appelée à se prononcer sur cette qualité, et n'a donc pas statué sur elle ; que pour débouter M. X... de ses demandes, la Cour d'appel a affirmé que le ministre avait était informé de ce moyen du coemployeur et que par conséquent, la rupture ayant été autorisée par l'autorité administrative, l'autorité judiciaire n'était pas compétente ; qu'en statuant ainsi, au motif que l'administration avait été avertie du moyen tiré du co emploi, sans préciser si ce moyen avait pour objet de voir examiner au regard de quel employeur la cause économique du licenciement devait être examinée, et quel employeur a bénéficié d'une autorisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1411-1 du Code du travail, la loi des16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs
ALORS au demeurant QUE dans son recours hiérarchique, M. X... n'avait évoqué le co-emploi de la Société GHM qu'à l'encontre de cette société, pour soutenir que le mandataire liquidateur de la Société COMAREG n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement dans le groupe ainsi étendu au coemployeur, mais en aucun cas pour rendre la société GHM débitrice d'une quelconque obligation, constatation qui relevait de la seule compétence du juge judiciaire ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé ce recours, ensemble la décision du ministre du travail et violé l'article 1134 du Code civil
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, lorsqu'un salarié est lié à des co-employeurs par un contrat de travail unique, le licenciement prononcé par l'un d'eux est réputé prononcé par tous, chacun des co-employeurs devant alors en supporter les conséquences, de sorte que pour un salarié protégé, chaque co-employeur doit également avoir demandé l'autorisation de licencier, peu important que cette qualité ne lui ait été reconnue que postérieurement et qu'il n'ait pas pris l'initiative de rompre ; que pour débouter M. X... de ses demandes, la Cour d'appel a également affirmé qu'à supposer que la Société GHM ait eu la qualité de co-employeur, elle peut se prévaloir des effets de l'autorisation administrative du ministre du travail ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la société GHM n'avait pas sollicité d'autorisation, la Cour d'appel a violé les articles L.1221-1 et L.1411-1 du Code du travail, ensemble l'article L.2411-22 du Code du travail.
ALORS surtout QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que la société Groupe Hersant Média n'était pas seulement son coemployeur, c'est-à-dire partie au même contrat de travail, unique, avec la Société COMAREG, mais surtout son véritable employeur auquel il était lié, à ce titre, par un lien de subordination juridique direct et un contrat de travail distinct, dont la reconnaissance relevait alors de la compétence exclusive du conseil de Prud'hommes et qui ne pouvait être rompu que par cet employeur ; qu'en affirmant, pour débouter M. X... de ses demandes, que le ministre du travail avait été averti du moyen du co-employeur et que même à supposer qu'elle ait la qualité de co-employeur de M. X..., la société GHM peut se prévaloir des effets de l'autorisation administrative du ministre, en sorte que le salarié ne peut faire valoir ses droits devant la juridiction prud'homale, la Cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. X... et violé l'article 455 du Code de Procédure civile.
ET ALORS enfin QUE à supposer que l'autorité administrative ait été saisie de la question du co-emploi, et de l'identité de l'employeur, en sorte que la décision prise se serait opposée à la reconnaissance des droits de Monsieur X... contre la société co-employeuse ou employeur réel, il appartenait au juge du fond de rechercher si cette décision n'était pas sérieusement contestée, faute d'examen de la situation de Monsieur X... à l'égard de cette société, et de la prise en compte de cette situation de co-emploi ou d'emploi réel, et, dans l'affirmative, de renvoyer au juge administratif l'examen de la légalité de cette décision ; qu'en ne le faisant pas, la Cour d'appel a violé l'article L 1411-1 du code du travail, la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-27872
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Qualité de coemployeur - Contrôle - Compétence - Détermination

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - Incompétence judiciaire - Contrat de travail - Licenciement - Salarié protégé - Autorisation administrative - Octroi - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Portée

Viole la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs la cour d'appel qui déboute un salarié protégé, licencié pour motif économique, de sa demande afin qu'une société soit déclarée son coemployeur, en retenant que dans son recours devant le ministre du travail, le salarié soutenait que cette société avait la qualité de coemployeur et que le ministre a confirmé la décision de l'inspecteur du travail en ayant connaissance de ce moyen, alors que la décision administrative qui avait autorisé le licenciement du salarié, ne s'était pas prononcée sur une situation de coemploi


Références :

loi des 16-24 août 1790

principe de la séparation des pouvoirs

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 15 octobre 2013

Sur le principe de la séparation des pouvoirs qui s'oppose, en cas d'autorisation administrative de licenciement, à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de ses obligations, à rapprocher : Soc., 27 mai 2015, pourvoi n° 13-26985, Bull. 2015, V, n° 105 (rejet), et les arrêts cités. Sur la compétence résiduelle du juge judiciaire, en cas d'autorisation administrative de licenciement, à rapprocher : Soc., 30 novembre 2004, pourvoi n° 02-43515, Bull. 2004, V, n° 308 (rejet) ;Soc., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-20301, Bull. 2013, V, n° 286 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2015, pourvoi n°13-27872, Bull. civ. 2016, n° 836, Soc., n° 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 836, Soc., n° 207

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: M. Chauvet
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.27872
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