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29/09/2015 | FRANCE | N°14-17641

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 septembre 2015, 14-17641


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 mars 2014), que M. et Mme X..., propriétaires d'une parcelle de terre cadastrée section AW n° 222, bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AW n° 233 appartenant à M. et Mme Y..., ont assigné ceux-ci en élargissement du passage ; que par arrêt du 18 mars 2008, la cour d'appel de Rennes a condamné M. et Mme Y...

à laisser libre, face au garage édifié par M. et Mme X..., un passage de...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 mars 2014), que M. et Mme X..., propriétaires d'une parcelle de terre cadastrée section AW n° 222, bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AW n° 233 appartenant à M. et Mme Y..., ont assigné ceux-ci en élargissement du passage ; que par arrêt du 18 mars 2008, la cour d'appel de Rennes a condamné M. et Mme Y... à laisser libre, face au garage édifié par M. et Mme X..., un passage de quatre mètres dans leur clôture ; que, faisant valoir que M. et Mme Y... avaient installé en limite de leur propriété une clôture fixe scellée dans le béton et soutenant que cette nouvelle clôture leur interdisait d'accéder avec un véhicule dans leur parcelle, M. et Mme X... ont à nouveau assigné M. et Mme Y... en remplacement de la clôture fixe par une clôture mobile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme X..., comme se heurtant à l'autorité de chose jugée, l'arrêt retient que par arrêt du 18 mars 2008 la cour d'appel a condamné M. et Mme Y... à laisser libre, face au garage édifié par M et Mme X..., un passage de quatre mètres dans leur clôture et constate que l'état actuel des lieux est conforme au dispositif de cet arrêt définitif ;
Qu'en statuant ainsi alors que M. et Mme X... demandaient le remplacement de la clôture fixe installée par M. et Mme Y... par une clôture mobile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme Y... à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X... ; rejette la demande de M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

IL EST REPROCHE à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré Monsieur et Madame X... irrecevables en leur demande en raison de la chose jugée ;
AUX MOTIFS adoptés du premier juge QUE « la demande formée par Monsieur et Madame X... à l'occasion de la présente instance tend à obtenir le remplacement de la clôture fixe posée par Monsieur et Madame Y... par une clôture mobile ; Qu'à l'évidence, cette prétention a pour finalité de permettre aux propriétaires du fonds dominant d'utiliser le terrain supportant actuellement la clôture fixe et dépendant du fonds servant ; Qu'en d'autres termes, si la demande était accueillie, le droit de passage s'exercerait au-delà de l'ouverture de 4 mètres que Monsieur et Madame Y... ont créée dans leur clôture en conformité avec le dispositif de l'arrêt précité du 18 mars 2008 ; Que Monsieur et Madame X... indiquent eux-mêmes que le passage actuel est insuffisant et leur interdit d'utiliser leur parcelle et leur garage, faute de pouvoir manoeuvrer avec un véhicule entre les deux clôtures de grillage scellées dans le béton, distantes de quatre mètres, matérialisant l'assiette de la servitude de passage, suite à l'arrêt en date du 18 mars 2008 (page 4 des conclusions). Par conséquent, que sous couvert d'une demande visant à la mise en place d'une clôture mobile en application des usages locaux, Monsieur et Madame X... sollicitent, en réalité, un élargissement du passage fixé par la cour d'appel de RENNES ; Que dès lors, cette nouvelle demande se heurte à l'autorité de la chose jugée, étant précisé qu'il appartenait aux époux X... de faire valoir, à l'occasion de la précédente instance, tous les moyens de nature à fonder leur demande aux fins de suppression de l'obstacle constitué par la clôture qui existait déjà et, en particulier, le moyen tiré des dispositions de l'article 31 des usages locaux à caractère agricole du département d'Ille et Vilaine ; Que Monsieur et Madame X... seront déclarés irrecevables en leur demande » ;
ET AUX MOTIFS propres QUE « par arrêt en date du 18 mars 2008, cette Cour a condamné M. et Mme Y... à laisser libre, face au garage édifié par M et Mme X..., un passage de quatre mètres dans leur clôture, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et ce sous astreinte. Les motifs de l'arrêt explicitent particulièrement cette décision puisque la Cour, pour y parvenir a précisé : " contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'est pas justifié de la nécessité de l'élargissement du passage lui-même, mais seulement de l'ouverture pratiquée dans la clôture ". Dès lors, même si la Cour a utilisé le terme de " passage " et non " d'ouverture " dans le dispositif de son arrêt, il n'existe aucune ambiguïté quant à la signification du mot passage qui est équivalent dans la décision rendue à celui d'ouverture. Cette décision devenue définitive, suite à la non-admission du pourvoi en cassation de M. et Mme Y..., a ainsi fixé la largeur de l'ouverture que les époux Y... devaient laisser libre dans leur clôture à quatre mètres, au lieu de trois auparavant, étant précisé que les autres dispositions du jugement relatives à la détermination de l'assiette de la servitude de passage ont été confirmées, à savoir :- assiette de la servitude de passage se situant le long de la limite Ouest de la parcelle A W 233 appartenant à M. et Mme Y... sur une largeur de trois mètres pour permettre l'accès à la rue du Buot ;- l'élargissement de l'assiette de cette servitude à quatre mètres au droit de l'entrée du garage construit par M. et Mme X... sur leur fonds. Dès lors, l'autorité de la chose jugée qui s'applique à l'arrêt de la Cour rendu le 18 mars 2008, s'oppose à la demande formée par M. et Mme X... de condamner M. et Mme Y... à enlever la clôture fixe par eux installée dont il résulte à la lecture même du constat d'huissier dressé à la demande des époux X... par Me Z..., huissier de justice à SAINT-MALO le 3 décembre 2013, que cette clôture continue " ne laisse qu'une ouverture de 4 m équivalente à l'entrée du garage alors que la largeur du terrain du requérant est de 9, 5 m qui démarre juste après la haie de buis (..) ". Il s'ensuit que même si l'huissier qui a dressé procès-verbal à la requête de M. et Mme X... a utilisé la forme négative, traduisant ainsi à ses yeux le caractère insuffisant de l'ouverture pratiquée dans la clôture pour manoeuvrer un véhicule, il a cependant bien constaté que cette ouverture était de quatre mètres, confirmant ainsi que l'état actuel des lieux est conforme au dispositif de l'arrêt définitif du 18 mars 2008 » ;
1. ALORS QU'il n'y a pas autorité de chose jugée lorsqu'un fait ou un acte postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée, a modifié la situation antérieurement reconnue en justice et la cause de la demande ; que par arrêt infirmatif devenu définitif du 18 mars 2008, la Cour d'appel de RENNES a condamné les époux Y... à laisser libre, face au garage édifié par Monsieur et Madame X..., un passage de quatre mètres dans leur clôture, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de 50 € par jour de retard, mais a rejeté la demande d'élargissement de la clôture à quatre mètres, estimant que la nécessité de cette mesure n'était pas démontrée ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux X... faisaient valoir (spécialement p. 4 et 5 ; p. 7) qu'à la suite de cette décision, l'accès à la voie publique de leur parcelle se réalisait par un chemin d'une largeur de 3 mètres, de chaque côté duquel était installé un grillage scellé dans le béton, sauf sur une longueur de 4 mètres au droit de leur garage, et soutenaient que l'exécution de la mesure ordonnée par l'arrêt du 18 mars 2008 s'était révélée insuffisante pour assurer le respect de leur servitude de passage, dans la mesure où elle ne permettait pas à leur véhicule de manoeuvrer et empêchait ainsi l'accès à leur parcelle, constat de cette situation ayant été dressé par voie d'huissier le 3 décembre 2013 ; qu'en déclarant que la demande des époux X..., tendant au remplacement par les époux Y... de leur clôture fixe par une clôture mobile, se heurtait à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 18 mars 2008, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette nouvelle demande n'était pas fondée sur l'impossibilité pour les exposants d'accéder à leur parcelle dans la configuration résultant de l'exécution de l'arrêt du 18 mars 2008, ce qui constituait un fait nouveau excluant que puisse être opposée la chose jugée par cette décision, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil ;
2. ALORS QUE le dispositif de l'arrêt irrévocable du 18 mars 2008 a « condamné solidairement M et Mme Y... à laisser libre, face au garage édifié par M et Mme X..., un passage de 4 mètres dans leur clôture et débouté les parties de toutes autres demandes, ... », tandis que le dispositif du jugement du 18 octobre 2006 partiellement réformé avait prévu non seulement que Monsieur et Madame Y... devraient « enlever tous obstacles en limite de leur parcelle bordant le chemin de manière à permettre un passage d'une largeur supérieure ou égale à quatre mètres au droit de l'entrée du garage construit par les époux X... sur leur fonds », mais encore que l'assiette de la servitude d'une largeur de trois mètres serait portée à quatre mètres au droit de l'entrée du garage construit par les époux X... sur leur fonds, ce qui avait pour effet d'élargir le chemin mais seulement dans la portion se trouvant au droit de l'entrée du garage afin de permettre d'accéder au garage en faisant reculer un véhicule sur le chemin ; qu'il résulte du rapprochement de ces deux dispositifs que, en réformant le jugement et en déboutant les parties de toutes autres demandes que la demande d'élargissement de l'ouverture dans la clôture permettent l'accès au garage des époux
X...
, la Cour d'appel a rejeté la demande d'élargissement de l'assiette de la servitude à laquelle le premier juge avait fait droit de sorte que l'accès de la caravane des époux X... à leur garage devenait impossible ; D'OU IL SUIT que, en considérant que le jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINT-MALO du 18 octobre 2006 avait été confirmé en ce qu'il avait décidé l'élargissement de l'assiette de la servitude à quatre mètres au droit de l'entrée du garage construit par les époux X... sur leur fonds, lorsque le jugement n'avait été confirmé qu'en ce qu'il avait condamné les époux Y... à pratiquer une ouverture de quatre mètres de large dans la clôture bordant le chemin, face à l'entrée du garage des époux
X...
, la Cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 18 mars 2008, et donc les termes du litige en violation des articles 1134 du Code civil, 4 et 5 du procédure civile ;
3. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; que la Cour d'appel, qui a jugé d'une part que : « par arrêt en date du 18 mars 2008, cette cour a condamné M. et Mme Y... à laisser libre, face au garage édifié par M et Mme X..., un passage de quatre mètres dans leur clôture », les motifs de l'arrêt explicitant cette décision puisque la Cour a précisé que : « contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'est pas justifié de la nécessité de l'élargissement du passage lui-même, mais seulement de l'ouverture pratiquée dans la clôture " ; dès lors, même si la Cour a utilisé le terme de " passage " et non " d'ouverture " dans le dispositif de son arrêt, il n'existe aucune ambiguïté quant à la signification du mot passage qui est équivalent dans la décision rendue à celui d'ouverture » et d'autre part que « les autres dispositions du jugement relatives à la détermination de l'assiette de la servitude de passage ont été confirmées, à savoir :- l'élargissement de l'assiette de cette servitude à quatre mètres au droit de l'entrée du garage construit par M. et Mme X... sur leur fonds », s'est contredite en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QUE quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user ; qu'une servitude de passage est établie pour l'usage du propriétaire du fonds dominant et doit permettre l'accès aux bâtiments édifiés sur la parcelle desservie par le passage au moyen des véhicules dont le propriétaire du fonds dominant a l'utilité ; qu'en rejetant les prétentions de M. et Mme X... tendant à pouvoir user de la servitude de passage pour faire pénétrer une caravane dans le garage édifié sur leur parcelle, ce qui supposait de poser une clôture mobile le long du chemin, la Cour d'appel a violé les articles 686, 687 et 696 du Code civil, ensemble l'article 1351 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-17641
Date de la décision : 29/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 25 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 sep. 2015, pourvoi n°14-17641


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17641
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