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23/09/2015 | FRANCE | N°15-83991

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 septembre 2015, 15-83991


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Taras Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 17 juin 2015, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a émis un avis favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers d

e la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;
Avocat gén...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Taras Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 17 juin 2015, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a émis un avis favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lacan ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 2 avril 2015, le gouvernement ukrainien a demandé l'extradition de M. Y... pour l'exercice de poursuites pénales pour des faits de brigandage aggravé, commis à Kalush le 11 mars 2011, et réprimés par l'article 187, § 3, du code pénal ukrainien ; que M. Y... n'a pas consenti à son extradition ; que la chambre de l'instruction, qualifiant les faits de vol avec arme en droit français, a émis un avis favorable ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 197, 696-15, 802, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que les notifications faites par le procureur général de la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience devant la chambre de l'instruction ont été envoyées à l'exposant et à son conseil par télécopie du 5 juin 2015 pour une audience le 10 juin 2015 ;
"alors que le procureur général doit notifier soit par lettre recommandée soit par télécopie à chacune des parties et à son conseil la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience ; qu'un délai minimum de 48 heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée ou de la télécopie et celle de l'audience ; que ni le jour d'expédition de la lettre ni celui auquel est fixée l'audience ne sont pris en compte dans le calcul du délai ; que lorsque la personne est détenue, la notification est faite, contre récépissé, par les soins du chef d'établissement pénitentiaire ; que les prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale qui ont pour objet de mettre, en temps voulu, les parties et leurs avocats en mesure de prendre connaissance du dossier, de produire leurs mémoires et, éventuellement, de présenter leurs observations à l'audience de la chambre de l'instruction, doivent être observées à peine de nullité ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les notifications faites par le procureur général à l'exposant et à son conseil de la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience devant la chambre de l'instruction ont été envoyées par télécopie du 5 juin 2015 pour une audience le 10 juin 2015 ; que dès lors ni M. Y... ni son conseil n'ont reçu notification de la date d'audience dans le délai légal et aucun mémoire n'a pu être déposé dans l'intérêt de l'exposant ; qu'en donnant à un avis favorable à l'extradition au terme d'une procédure irrégulière, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que les dispositions de l'article 197, alinéa 2, du code de procédure pénale ne sont pas applicables lorsque la chambre de l'instruction statue en matière d'extradition en application des articles 696-13 et 696-15 du même code ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 10 et 12 de la Convention européenne d'extradition du 19 décembre 1957, 696-4, 696-8, 696-15, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs ;
"en ce que la chambre de l'instruction, après avoir donné acte à l'exposant de ce qu'il ne consentait pas à être extradé et de ce qu'il ne renonçait pas à la règle de la spécialité et après avoir dit que la procédure d'extradition était régulière et qu'elle concernait l'intéressé, a donné un avis favorable à la demande d'extradition présentée par le gouvernement ukrainien ;
"aux motifs que M. Y... a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international du 1er juin 2011, délivré par le tribunal de Kalush - Kalush City Court Ukraine, aux fins de poursuites pour des faits de vol avec arme commis le 11mars 2011 à Kalush, région de Ivano-Frankivsk Ukraine le 11 mars 2011, qu'il fait l'objet d'une demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition en date du 1er juin 2011 ; que M. Y... a été placé sous écrou extraditionnel le 14 avril 2015, au centre pénitentiaire d'Annoeullin ; qu'il est actuellement détenu à Annoeullin ; qu'il a reconnu que le mandat d'arrêt lui était applicable quant à l'identité ; que les faits tels qu'ils sont exposés dans les pièces de justice transmises par les autorités ukrainiennes, ont été commis sur le territoire ukrainien ; que les faits sont prévus et réprimés par le code pénal ukrainien et par la législation française et que les faits sont punis d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans ; que les faits ne sont pas constitutifs d'infractions politiques et qu'ils peuvent donner lieu à extradition en application de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; que M. Y... n'a pas donné son accord pour son extradition et n'a pas renoncé au principe de spécialité ; que la demande d'extradition est recevable et régulière ;
" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que l'arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant en matière d'extradition, doit répondre en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; que la demande d'extradition doit être accompagné de la copie d'un mandat d'arrêt ou tout autre acte ayant la même force renfermant l'indication précise du fait pour lequel il est délivré, la date de ce fait ainsi que la copie des textes de loi applicables aux faits dans le droit de l'Etat requérant ; que la chambre de l'instruction ne saurait, à tout le moins sans en justifier, s'émanciper de la qualification pénale des faits et du texte d'incrimination visés dans la demande d'extradition de l'Etat requérant ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans mieux s'expliquer sur le constat fait dans ses motifs d'une demande d'extradition pour des faits de « vol avec arme » cependant que la demande d'extradition visait exclusivement des faits prévus par le paragraphe 3 de l'article 187 du code pénal de l'Ukraine lequel incrimine le brigandage avec effraction et qu'aucun des paragraphes de l'article 187 ne vise des faits de brigandage commis « avec arme », la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2°) alors que l'extradition n'est pas accordée lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action publique s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée ; qu'en omettant de vérifier si, selon la loi ukrainienne ou la loi française, l'action publique n'était pas prescrite antérieurement à la demande d'extradition, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base à sa décision ;
"3°) alors qu'en donnant un avis favorable à l'extradition de l'exposant sans rechercher si les faits prévus par l'article 187, § 3, du code pénal de l'Ukraine visés dans la demande d'extradition et constitutifs en droit français du délit de vol avec effraction n'étaient pas prescrits au regard de la loi française en l'état d'un mandat d'arrêt international délivré le 1er juin 2011 soit plus de trois ans avant la demande d'extradition présentée le 2 avril 2015, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu les articles 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et 696-15 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de l'Etat requérant, soit de l'Etat requis ;
Attendu que, selon le second, l'arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant en matière d'extradition, doit répondre en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu que, pour donner un avis favorable à la demande d'extradition, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction, avant de donner son avis sur la demande d'extradition, de vérifier, au besoin d'office, si, au regard des lois ukrainienne et française, la prescription de l'action publique ne s'était pas trouvée acquise ou n'avait pas été régulièrement interrompue antérieurement à la demande d'extradition, l'arrêt ne remplit pas les conditions essentielles de son existence légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 17 juin 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-83991
Date de la décision : 23/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXTRADITION - Chambre de l'instruction - Avis - Avis favorable - Arrêt ne satisfaisant pas aux conditions essentielles de son existence légale - Omission de statuer sur la prescription de l'action publique

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Extradition - Avis - Avis favorable - Arrêt ne satisfaisant pas aux conditions essentielles de son existence légale - Omission de statuer sur la prescription de l'action publique

Ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale l'arrêt qui donne un avis favorable à une demande d'extradition sans vérifier, au besoin d'office, si la prescription de l'action publique n'était pas acquise ou n'a pas été régulièrement interrompue antérieurement à ladite demande


Références :

Sur le numéro 1 : article 197 du code de procédure pénale

articles 696-13 et 696-15 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : articles 696-4 et 696-15 du code de procédure pénale

article 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, 17 juin 2015

Sur le n° 1 : Sur l'inapplicabilité de l'article 197, alinéa 2, lorsque la chambre d'accusation statuait en matière d'extradition, sous l'empire de la loi du 10 mars 1927, à rapprocher :Crim., 24 juin 1986, pourvoi n° 86-92164, Bull. crim. 1986, n° 222 (1) (irrecevabilité)

arrêt cité.Sur l'inapplicabilité de l'article 197, alinéa 2, lorsque la chambre de l'instruction statue en matière de mandat d'arrêt européen, à rapprocher :Crim., 14 septembre 2005, pourvoi n° 05-84551, Bull. crim. 2005, n° 228 (1) (cassation). Sur le n° 2 : Sur l'omission de la chambre de l'instruction de statuer sur la prescription de l'action publique, saisie pour avis dans la procédure d'extradition, à rapprocher :Crim., 27 janvier 1998, pourvoi n° 97-81988, Bull. crim. 1998, n° 33 (cassation sans renvoi) ;Crim., 4 janvier 2006, pourvoi n° 05-86258, Bull. crim. 2006, n° 128 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 sep. 2015, pourvoi n°15-83991, Bull. crim. 2016, n° 836, Crim., n° 229
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 836, Crim., n° 229

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lacan
Rapporteur ?: M. Béghin
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.83991
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