La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2015 | FRANCE | N°14-84842

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 septembre 2015, 14-84842


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Antonio X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 19 juin 2014, qui, pour agressions sexuelles, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 juin 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avo

cat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Antonio X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 19 juin 2014, qui, pour agressions sexuelles, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 juin 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 222-22, 222-33 du code pénal, de l'article préliminaire, des articles 2, 10, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 706-47-1 du même code, défaut de motifs et violation des droits de la défense ;
" en ce que la cour a requalifié la prévention de harcèlement sexuel en agression sexuelle et a condamné l'appelant à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à des dommages-intérêts au profit des deux parties civiles constituées ;
" aux motifs que, sur la requalification des faits poursuivis et la culpabilité, les parties civiles dénoncent des attouchements, des caresses, des contacts de nature sexuelle, pratiqués sur leur personne par le prévenu ; que ces deux salariées ne se fréquentaient pas jusqu'à ce que l'un d'elles, Mme Béatrice M., soit amenée à révéler des attouchements qu'elle avait subis de la part de ce dernier ; qu'elles ont découvert à l'occasion de cette révélation qu'elles avaient été victimes des mêmes pratiques ; qu'elles tenaient à conserver leur place et craignaient de ne pas être crues dans leur récit (...) ; qu'il ressort de leurs déclarations concordantes que M. X... s'était (...) présenté comme quelqu'un de tout puissant ; qu'elles le qualifiaient d'intouchable " ; que compte tenu de la situation protégée dont jouissait M. X... au sein de la structure et de leur crainte des conséquences sur le déroulement de leur propre carrière, Mme Béatrice M. et Mme Maud H. n'avaient aucune raison de porter de fausses accusations contre ce dernier ; que Mme Béatrice M. était âgée de 22 ans et venait d'être embauchée à l'EHPAD de Sauvagnon ; que M. X... été chargé de la guider dans son travail, lors de son premier service de nuit ; qu'elle indique qu'il la regardait toujours d'un air supérieur ; que sa présentation et son ancienneté dans ses fonctions étaient de nature à exercer un certain ascendant sur cette jeune salariée ; qu'elle l'a suivie en toute innocence dans la salle de pause et s'est allongée, dans le même état d'esprit, sur le fauteuil de relaxation comme il le lui demandait ; que lorsqu'il a commencé à la caresser sur la poitrine, elle s'est sentie vulnérable et impuissante à lui échapper, d'autant qu'il n'y avait aucun autre personnel dans l'établissement la nuit et que les seules personnes qui les entouraient étaient âgées et dépendantes ; qu'il avait d'ailleurs pris soin de lui répéter avant qu'il ne l'agresse qu'il était le seul dans ces lieux à pouvoir la violer ; que selon ses déclarations, elle était terrorisée et sous son emprise ; qu'elle a malgré tout manifesté clairement son opposition en paroles et par gestes de défense ; qu'il n'a tenu aucun compte de ces refus ; que de même le 7 janvier 2013, M. X... a profité de la position allongée de Mme Maud H. lors de la pause et alors qu'elle se trouvait elle aussi seule avec lui, lors de son service de nuit, pour s'allonger sur elle et mimer l'acte sexuel ; que celle-ci a senti qu'il était en érection ; qu'elle a tenté de le repousser mais qu'elle n'a pas eu assez de force physique pour s'en défaire ; qu'il lui a imposé ce simulacre aussi longtemps qu'il y a trouvé du plaisir ; que ces attouchements de nature sexuelle pratiqués sous la contrainte par M. X... sur Mme Béatrice M. et Mme Maud H. sont poursuivis sous la qualification de harcèlement sexuel ; qu'aux termes de l'article 222-33 du code pénal, " est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle " ; que ce délit est une infraction morale et intellectuelle ; qu'en l'espèce, M. X... n'a pas usé de pression pour amener ses victimes à se soumettre à un acte de nature sexuelle mais qu'il leur a directement imposé les actes qu'elles dénoncent, sans tenir compte de leur opposition manifeste ; que ces faits, qualifiés de harcèlement sexuel, constituent en réalité des actes d'agression sexuelle ; qu'il convient de les requalifier en ce sens ; que la décision entreprise sera donc réformée ; que les infractions d'agression sexuelle à l'encontre des deux parties civiles étant parfaitement constituées, M. X... sera déclaré coupable de ces faits ; que la peine prononcée par le tribunal correctionnel tient compte de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu ; qu'elle sera confirmée, ensemble les dispositions du jugement sur l'action civile ;
" 1°) alors que la cour d'appel qui requalifie à l'audience les faits de la prévention sous une incrimination plus sévère doit permettre au prévenu une défense effective et complète ; qu'elle doit en particulier lui offrir d'office de conclure par écrit sur la nouvelle qualification qu'elle envisage de relever dès lors que des conclusions régulières avaient été déposées sur la prévention initiale ; que, faute de ce faire, la cour a violé les droits de la défense ;
" 2°) alors que le délit d'agression sexuelle suppose une atteinte de nature sexuelle au corps de la victime et non pas simplement une atteinte à sa pudeur ; qu'en déclarant le délit constitué à raison seulement d'une atteinte au sentiment de pudeur des plaignantes et non pas directement à leur corps, la cour a étendu l'infraction au-delà de son champ d'application en violation du principe de légalité ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que la cour a violé les dispositions d'ordre public de l'article 706-47-1 du code de procédure pénale a retenant la culpabilité du requérant du chef d'agression sexuelle sans le préalable de l'expertise médicale prévue par le texte précité " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné pour des infractions de harcèlement sexuel, M. X..., après requalification, a été déclaré coupable d'agressions sexuelles par la cour d'appel ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt qu'au cours des débats, la cour a " évoqué la possibilité de requalifier en agression sexuelle les faits reprochés au prévenu " que le ministère public et le prévenu ont été entendus sur cette éventuelle requalification ;
D'où il suit que le grief manque en fait ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 706-47 et 706-47-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit des dispositions combinées de ces textes qu'avant toute condamnation pour agression sexuelle, le prévenu doit être soumis à une expertise médicale ;
Attendu que les juges ont déclaré M. X... coupable d'agression sexuelle sans qu'il ait fait l'objet d'une expertise médicale ;
Qu'en procédant ainsi, la cour a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il ait lieu d'examiner l'autre grief du moyen ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 19 juin 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-84842
Date de la décision : 23/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

AGRESSIONS SEXUELLES - Autres agressions sexuelles - Requalification du délit de harcèlement sexuel - Condamnation - Expertise médicale préalable du prévenu - Nécessité

Il se déduit des dispositions combinées des articles 706-47 et 706-47-1 du code de procédure pénale que, avant toute condamnation pour agression sexuelle, le prévenu doit être soumis à une expertise médicale. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir requalifié en agression sexuelle l'infraction de harcèlement sexuel initialement reprochée au prévenu, l'en déclare coupable sans le soumettre à une expertise médicale


Références :

articles 706-47 et 706-47-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 19 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 sep. 2015, pourvoi n°14-84842, Bull. crim. criminel 2015, n° 207
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 207

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.84842
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award