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23/09/2015 | FRANCE | N°14-21306

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 septembre 2015, 14-21306


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2014), qu'au cours de son mariage avec Jean X..., dont elle était séparée de biens, Mme Y...a acquis, seule, un bien immobilier ; que Jean X...est décédé le 6 avril 2010 en laissant pour lui succéder son épouse et deux enfants issus d'une première union, Alain et Brigitte (les consorts X...) ; que ceux-ci, invoquant l'existence d'une donation déguisée de leur père au profit de Mme Y...en ont demandé le rapport ;


Attendu que les consorts X...font grief à l'arrêt de rejeter leur dema...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2014), qu'au cours de son mariage avec Jean X..., dont elle était séparée de biens, Mme Y...a acquis, seule, un bien immobilier ; que Jean X...est décédé le 6 avril 2010 en laissant pour lui succéder son épouse et deux enfants issus d'une première union, Alain et Brigitte (les consorts X...) ; que ceux-ci, invoquant l'existence d'une donation déguisée de leur père au profit de Mme Y...en ont demandé le rapport ;
Attendu que les consorts X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de l'article 843 du code civil et de l'article16 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que les consorts X...ne prouvaient pas que leur père avait financé le bien acquis par son épouse ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Alain X...et Mme Brigitte X...épouse Z...de leur demande tendant à ce qu'il soit rapporté à la masse successorale la valeur du bien immobilier acquis à hauteur de 96, 45 % en tenant compte des apports réalisés et à ce que Mme Nicole Y...veuve X...soit condamnée au titre d'un recel successoral ;

Aux motifs que, « Considérant que Mme Nicole X...a acquis le 20 janvier 1988 les lots 175 176, étant ici précisé que ces deux lots forment un seul logement, ainsi que le lot 101 correspondant à un débarras, au prix de 750 000 francs, financé par un prêt de 747 500 francs, remboursable en 180 échéances mensuelles de 8 751, 23 francs chacune, par prélèvement du compte 40824 V dont Mme Nicole X...était titulaire selon les mentions de l'acte d'acquisition, celle-ci étant assurée pour 100 % du capital emprunté et Jean X...se portant caution solidaire ;
Considérant que M. X...et Mme Z...soulignent que l'acte de prêt prévoyait une stipulation particulière rédigée comme suit : " Les stipulations figurant aux conditions générales dont il est question ci-après, notamment à l'article 8 et ayant trait à l'assurance décès-incapacité ne sont pas applicables au présent prêt, la caution ayant délégué en faveur du Crédit lyonnais le bénéfice d'une assurance personnelle souscrite auprès des Assurances Mobilières et Immobilière à hauteur de F 360 000 (54 881, 65 euros) valable un an au nom de M. X...Jean " ;
Qu'ils estiment que cette clause particulière impliquait l'investissement personnel de leur père dans l'opération d'emprunt ; que celui-ci avait des revenus de retraités (sic) en tant qu'officier supérieur de la légion étrangère et de cadre commercial et que le compte était un compte joint appartenant aux époux X...; que dès lors que ce compte-joint était abondé par leur père puisqu'il était seul à avoir des revenus permettant un tel remboursement, il s'agit d'une donation déguisée qui doit être rapportée à la succession ; que par application de la règle du profit subsistant, ce sont 96, 45 % du prix qui reviennent à la succession de Jean X...dont Mme Nicole X...doit être évincée eu égard aux dissimulations volontaires de sa situation au détriment des héritiers réservataires ;
Considérant qu'en première instance, au vu des conclusions de Mme Nicole X...produites par les appelants, il apparaît que celle-ci avait fait état de la vente d'un bien propre pour un prix de 150 000 francs le 17 mars 1987 et argué de ce qu'elle n'était pas dépourvue de tous revenus pour rembourser le prêt pour l'acquisition du bien qui constituait en outre le logement familial, de sorte que son époux bénéficiait d'un logement gratuit ;
Considérant que sous le régime de la séparation de biens, le bien appartient à celui des époux dont le titre établit la propriété sans égard à son financement ;
Considérant que les appelants fondent leur action sur l'existence d'une donation déguisée du fait du financement quasi total de ce bien par leur père et font grief au tribunal d'avoir introduit le moyen relatif à la contribution aux charges du mariage ;
Considérant toutefois que M. X...et Mme Z..., sur lesquels pèsent la charge de la démonstration de la donation déguisée dont ils se prévalent, ne fournissent aucun élément sur les revenus de Jean X..., se limitant à indiquer qu'il était retraité de la légion étrangère et ancien cadre commercial, le seul fait qu'il se porte caution de l'emprunt étant insuffisant pour apporter la preuve de la donation alléguée ;
Qu'en outre, sans qu'il puisse être fait grief aux premiers juges de soulever non contradictoirement le moyen fondé sur la contribution aux charges du mariage, il s'avère, s'agissant de simples faits non contestés qui sont dans le débat, que la mise à disposition du bien personnel de l'épouse pour servir de logement au ménage, doit entrer en compte dans l'examen des rapports pécuniaires des époux, étant précisé que le prêt venant à échéance le 26 janvier 2003, Jean X..., a, en tout état de cause, profité pendant sept ans, d'un logement à titre gratuit ;
Considérant, en l'espèce, que la donation déguisée n'est pas démontrée en l'absence de tout élément chiffré sur les revenus de Jean X...et eu égard à l'avantage retiré par ce dernier du fait de la mise à disposition du bien litigieux utilisé comme logement de la famille ;
Considérant, en conséquence, que le jugement qui a débouté M. X...et Mme Z...de l'ensemble de leurs demandes fondées sur l'existence d'une donation déguisée doit être confirmé » (arrêt, p. 4-5) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que :
« Le tribunal observe en premier lieu que les époux X...-A... étant mariés sous le régime de la séparation des biens, l'article 1469 du code civil relatif au calcul des récompenses dans le cadre d'un régime communautaire ne saurait trouver ici application.
Il résulte des documents produits par Mme Nicole Y...veuve X...que celle-ci a vendu quelques mois avant cette acquisition un bien immobilier lui appartenant en propre au prix de 150. 000 francs ; qu'elle a ensuite bénéficié à compter du mois d'octobre 1996 de la CNAV d'une retraite mensuelle de 1. 358, 35 francs par mois à laquelle s'est ajoutée une retraite complémentaire versée par la CIRSIC d'ile de France d'un montant trimestriel de 1. 231, 90 francs soit 410, 63 francs par mois outre enfin, une retraite des cadres d'un montant annuel de 1. 192, 12 francs soit pas mois, une somme de 99, 34 francs, soit au totale de 1. 868, 32 francs. Ces revenus étaient manifestement insuffisants pour permettre le remboursement des mensualités du prêt qui s'élevaient à la somme de 8. 751, 23 francs.
Il appartient toutefois à la partie qui allègue l'existence d'une donation déguisée d'en rapporter la preuve, par tous moyens y compris par présomption.
Or, M. Alain X...et Mme Brigitte X...épouse Z...ne produisent aucune pièce justifiant des biens et revenus de leur auteur permettant d'établir que leur père aurait seul remboursé les mensualités de l'emprunt ayant servi à l'acquisition du bien immobilier au nom de Mme Nicole Y...veuve X....
En outre, l'article 2 du contrat de séparation de biens des époux X...-Y...stipule que les futurs époux contribueront aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives, chaque époux étant réputé s'en être acquitté jour par jour de sorte qu'ils ne seront assujettis à aucune compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre.
Il convient par conséquent de débouter M. Alain X...et Mme Brigitte X...épouse Z...de leurs demandes y compris celle relative à l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Jean X...avec désignation d'un notaire en l'absence de déclaration de sa succession permettant de constater qu'il en déprendrait un actif à partager » (jugement, p. 6) ;
Alors que, d'une part, tout héritier acceptant doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation directe ou indirecte ; qu'en ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les revenus de Mme Nicole Y...veuve X..., d'un montant de 1. 862, 32 francs par mois, étaient manifestement insuffisants pour permettre le remboursement des échéances mensuelles du prêt immobilier s'élevant à 8. 751, 23 francs, sans en tirer la conclusion que les revenus de Jean X..., alimentant le compte commun sur lequel étaient prélevées les mensualités, avaient nécessairement contribué pour une très large part au remboursement de l'emprunt immobilier, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 843 du code civil ;
Alors que, d'autre part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il aurait relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que la mise à disposition à titre gracieux de l'immeuble litigieux au titre du logement de la famille par Mme Nicole Y...veuve X...devait entrer en compte dans les rapports entre époux au titre de la contribution aux charges du mariage, Jean X...ayant été hébergé gracieusement pendant sept années, la Cour d'appel, qui a retenu d'office un moyen de droit qui n'avait pas été invoqué par Mme Nicole Y...veuve X...et qui n'a pas invité les parties à en débattre, a méconnu le principe du contradictoire, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-21306
Date de la décision : 23/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 sep. 2015, pourvoi n°14-21306


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.21306
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