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22/09/2015 | FRANCE | N°14-21276

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 septembre 2015, 14-21276


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 2014), que Mme X... a, le 22 novembre 2006, souscrit auprès de la société Bred banque populaire (la banque) à l'offre publique à prix ouvert d'actions de la société Natixis, nouvellement créée (la société) ; que le cours des actions qui lui avaient été attribuées ayant baissé, Mme X... a recherché la responsabilité de la banque pour obtenir le remboursement de la moins-v

alue subie ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 2014), que Mme X... a, le 22 novembre 2006, souscrit auprès de la société Bred banque populaire (la banque) à l'offre publique à prix ouvert d'actions de la société Natixis, nouvellement créée (la société) ; que le cours des actions qui lui avaient été attribuées ayant baissé, Mme X... a recherché la responsabilité de la banque pour obtenir le remboursement de la moins-value subie ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'après avoir relevé que le questionnaire que la banque avait fait remplir à Mme X... mentionnait les seules questions « Disposez-vous d'une épargne de précaution stable ? Quels sont vos objectifs d'investissement et leur horizon ? Avez-vous de l'épargne financière à risque dans un autre établissement ? A quel niveau évaluez-vous votre patrimoine total hors immobilier ? », la cour d'appel, qui a retenu qu'il ressortait de ce document que la banque s'était renseignée sur l'expérience de Mme X... en matière d'investissement, a dénaturé la portée de ce document et ainsi méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le prestataire de services d'investissement doit non seulement procéder à l'évaluation de la situation financière de son client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés mais encore lui fournir un conseil adapté au regard de cette évaluation ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme X... de sa demande indemnitaire, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le conseil qui lui avait été donné par la banque d'investir un tiers de son épargne dans un unique instrument financier sans mandat de gestion, était adapté à sa situation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa version applicable aux faits de la cause ;
3°/ qu'une opération spéculative, pour laquelle le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation spécifique de mise en garde auprès de son client non averti, est caractérisée par les risques accrus qu'elle fait courir à son auteur ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire, que l'acquisition d'actions de la société Natixis sur le marché français, pour un montant effectif de moins de 15 000 euros, ne constitue pas une opération complexe et ne peut être considérée comme une opération spéculative imposant à la banque une obligation spécifique de mise en garde, quand la société émettrice se livrait à des activités hautement risquées de titrisation de produits dérivés complexes et de crédits immobiliers et que les documents remis à Mme X... lors de la souscription ne comportaient aucune information sur les risques accrus liés à ce type d'activités, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'absence d'opération spéculative, en violation de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa version applicable aux faits de la cause ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dénaturé les termes des réponses apportées par Mme X... au questionnaire destiné à connaître ses souhaits et son profil d'investisseur en en déduisant que la banque s'était acquittée de son devoir de se renseigner sur l'expérience de sa cliente dans ce domaine ainsi que sur ses objectifs de placement ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que Mme X... n'avait confié aucun mandat de gestion à la banque et qu'à défaut d'autres stipulations, elle n'était pas créancière à son égard d'une obligation de conseil, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, qu'après avoir informé complètement son client sur les caractéristiques favorables et défavorables du placement qu'il lui propose de réaliser, le banquier prestataire de services d'investissement n'est tenu de le mettre en garde contre les risques de l'opération que si celle-ci présente un caractère spéculatif ; que tel n'est pas le cas de la souscription d'actions dans le cadre d'une offre publique à prix ouvert, l'activité de la société émettrice fût-elle de nature à laisser supposer que le cours de ses titres pourrait être volatil ; qu'ayant relevé que le placement litigieux consistait en la souscription d'actions de la société Natixis sur le marché français, la cour d'appel en a justement déduit qu'il ne s'agissait pas d'une opération spéculative et que la banque n'était donc pas débitrice d'une obligation spécifique de mise en garde à l'égard de sa cliente, fût-elle non avertie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa dernière branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société BRED Banque Populaire et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que « la BRED Banque Populaire fait grief au premier juge d'avoir dit qu'elle avait commis un manquement à l'obligation de diagnostic patrimonial et un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde ; que les parties reconnaissent que les obligations de la BRED Banque Populaire sont régies par les dispositions de l'article L533-4 du Code monétaire et financier, en vigueur en novembre 2006, aux termes duquel, les prestataires de services d investissement et les personnes mentionnées à l'article L421-8, ainsi que les personnes mentionnées à l'article L214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations. (...) Elles obligent notamment à : -1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; (...) -4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ; (...) -6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que les clients soient traités équitablement;(...) ; Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu' ; que l'ordre d'achat a été donné le 22 novembre 2006 par Mme X... ; que la BRED Banque Populaire verse aux débats une fiche de renseignements signée par Mme X... le 11 juin 2002, qui mentionne l'état civil de Mme X..., sa situation de famille, sa situation financière et le montant de son épargne monétaire à cette date (70.000 euros) ; que Mme X... détenait plusieurs comptes à la BRED Banque Populaire, dont cette dernière avait évidemment connaissance et qui, au vu des relevés produits, étaient constitués à la date de l'ordre d'achat, par : - un compte dépôt de solidarité CASDEN de 9.584,30 euros - un compte CODEVI de 4.742,76 euros - un compte C. FIDELIS de 142.000 euros - un compte épargne logement de 14.588,26 euros - un compte courant ; que le 22 novembre 2006, la BRED Banque Populaire a fait remplir à Mme X... un questionnaire, intitulé « NATIXIS une opportunité de devenir actionnaire », mentionnant « l'objectif des 4 questions qui suivent est de connaître pour cette opération vos souhaits et votre profil d'investisseur en action » ;
que sur ce document signé par Mme X... figurent les questions et les réponses suivantes : - disposez vous déjà d'une épargne de précaution stable' : oui - quels sont vos objectifs d'investissement et leur horizon' : diversifier vos avoirs en acceptant une dose de risque' et spéculer sur les marchés - avez vous de l'épargne financière à risque dans un autre établissement (assurance vie en UC, actions, SICAV) : non - à quel niveau évaluez vous votre patrimoine total hors immobilier : de 100.000 à 500.000 euros ; qu'il ressort des documents produits que la BRED Banque Populaire était informée de la situation financière de Mme X... et qu'elle s'est renseignée sur son expérience en matière d'investissement, ainsi que sur ses objectifs de placement ; que dans ces conditions que la BRED Banque Populaire justifie s'être acquittée de son devoir de se renseigner sur Mme X..., conformément aux dispositions de l'article L533-4 alinéa 4 du Code monétaire et financier ; qu'en conséquence qu'aucun manquement de la BRED Banque Populaire n'est établi concernant cette obligation ; que s'agissant du manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde, que la BRED Banque Populaire ne peut sérieusement prétendre, au vu des renseignements obtenus de Mme X..., que cette dernière était un investisseur averti, puisqu'elle n'avait souscrit aucun placement en actions, en SICAV ou même sur un contrat d'assurance vie ; que Mme X... doit dès lors être considérée comme profane en matière d'investissements boursiers ; qu'il ressort de l'ordre de réservation signé le 22 novembre 2006 par Mme X..., qu'elle a pris connaissance du prospectus visé par l'Autorité des marchés financiers, (...) de la note d'opération (qui contient le résumé du prospectus) et en particulier des facteurs de risque décrits dans le prospectus', ainsi que des conditions de la réservation, qui indique : je suis avertie (...) que tout investissement dans des actions comporte des risques et notamment : - la valeur d'une action fluctue selon les conditions de marché, - ni le capital, ni les dividendes ne sont garantis' ; qu'il résulte du résumé de la note d'opération, versée aux débats par Mme X..., qu'il comporte un paragraphe 3, intitulé résumé des principaux facteurs de risque qui mentionne notamment les risques suivants : - volatilité du cours des actions de la société : le cours des actions pourrait être volatil et pourrait être affecté par de nombreux événements affectant la société, ses concurrents, ou le marché financier en général et le secteur bancaire en particulier', - les actions pouvant être cédées sur le marché à l'issue de l'offre pourraient avoir un effet défavorable sur le cours des actions de la société' ; que Mme X..., qui est titulaire d'un DEA de philosophie et d'une licence en droit et qui est professeur agrégé de philosophie depuis septembre 2002, était parfaitement capable de comprendre les termes employés dans l'ordre de réservation et le résumé de la note d'opération ; qu'elle n'a pu se méprendre sur les risques clairement exposés dans ces documents ; que par ailleurs l'acquisition d'actions de la société NATIXIS sur le marché français, pour un montant effectif de moins de 15.000 euros, ne constitue pas une opération complexe et qu'elle ne peut être considérée comme une opération spéculative imposant à la banque une obligation spécifique de mise en garde ; qu'en conséquence Mme X... est mal fondée à prétendre que la BRED Banque Populaire a manqué à son obligation de conseil ou de mise en garde à son égard ; (¿) que Mme X... prétend encore que la BRED Banque Populaire ne l'a pas conseillée correctement quant à l'opportunité de revendre ses actions ; que Mme X... n'avait pas confié de mandat de gestion à la BRED Banque Populaire ; qu'il ressort de ses écritures qu'elle a transféré ses actions le 15 janvier 2008 chez CORTAL CONSORTS et qu'elle les a vendues le 28 novembre 2012 ; que Mme X... ne communique aucun élément probant à l'appui du grief allégué à l'égard de la banque et qu'elle n'établit pas qu'il était opportun de vendre les actions avant le 15 janvier 2008 ; qu'elle ne justifie pas non plus que la banque aurait eu connaissance d'une baisse certaine et continue du cours de ces actions, avant que cette baisse n'intervienne ; qu'elle ne rapporte donc pas la preuve d'une faute commise par la BRED Banque Populaire de ce chef ; que Mme X... invoque enfin un préjudice moral résultant des revirements de la BRED Banque Populaire quant à une indemnisation amiable et l'incurie dans la gestion de son compte ; que si des discussions ont eu lieu sur une éventuelle indemnisation de Mme X..., cette dernière n'établit pas que l'absence d'accord sur cette indemnisation résulte d'une faute de la BRED Banque Populaire ; que Mme X... ne donne aucune précision sur les reproches qu'elle fait, concernant la gestion de son compte, et qu'elle ne produit en outre aucun élément permettant de justifier la mauvaise gestion alléguée ; qu'en conséquence en l'absence de fautes commises par la BRED Banque Populaire, Mme X... doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; que Mme X..., qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la BRED Banque Populaire les frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel et qu'il convient de condamner Mme X... à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;
Alors 1°) qu'après avoir relevé que le questionnaire que la banque avait fait remplir à Mme X... mentionnait les seules questions « Disposez-vous d'une épargne de précaution stable ? Quels sont vos objectifs d'investissement et leur horizon ? Avezvous de l'épargne financière à risque dans un autre établissement ? A quel niveau évaluez-vous votre patrimoine total hors immobilier ? », la cour d'appel, qui a retenu qu'il ressortait de ce document que la société Bred Banque Populaire s'était renseignée sur l'expérience de Mme X... en matière d'investissement, a dénaturé la portée de ce document et ainsi méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Alors 2°) que le prestataire de services d'investissement doit non seulement procéder à l'évaluation de la situation financière de son client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés mais encore lui fournir un conseil adapté au regard de cette évaluation ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme X... de sa demande indemnitaire, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le conseil qui lui avait été donné par la société BRED Banque Populaire d'investir un tiers de son épargne dans un unique instrument financier sans mandat de gestion, était adapté à sa situation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa version applicable aux faits de la cause ;
Alors 3°) qu'une opération spéculative, pour laquelle le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation spécifique de mise en garde auprès de son client non averti, est caractérisée par les risques accrus qu'elle fait courir à son auteur ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire, que l'acquisition d'actions de la société Natixis sur le marché français, pour un montant effectif de moins de 15 000 ¿, ne constitue pas une opération complexe et ne peut être considérée comme une opération spéculative imposant à la banque une obligation spécifique de mise en garde, quand la société émettrice se livrait à des activités hautement risquées de titrisation de produits dérivés complexes et de crédits immobiliers et que les documents remis à Mme X... lors de la souscription ne comportaient aucune information sur les risques accrus liés à ce type d'activités, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'absence d'opération spéculative, en violation de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa version applicable aux faits de la cause ;
Alors 4°) que c'est au prestataire de services d'investissement qui est contractuellement tenu d'une obligation particulière de conseil en matière d'investissement de rapporter la preuve de son exécution ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire, que celle-ci ne rapportait pas la preuve d'une faute commise par la société BRED Banque Populaire quant à son obligation de conseil s'agissant de la revente des titres Natixis, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-21276
Date de la décision : 22/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 sep. 2015, pourvoi n°14-21276


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.21276
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