LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2014), que la société Reder commercialise des ordinateurs fabriqués par la société Substantiel ; qu'invoquant des retards de livraison, la société Reder a émis le 24 octobre 2011 une facture de 66 123,93 euros au titre de pénalités de retard de livraison et a imputé cette somme sur les paiements dont elle était redevable envers la société Substantiel ; qu'invoquant l'engagement pris le 1er juin 2011, par la société Reder, de limiter le montant de ces pénalités à la somme de 8 000 euros, la société Substantiel l'a assignée en paiement des sommes retenues ainsi que d'intérêts de retard ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Reder fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à la société Substantiel la somme de 66 123,93 euros alors, selon le moyen :
1°/ que pour condamner la société Reder à rembourser les indemnités de retard qu'elle avait retenues, la cour d'appel s'est fondée sur le mail du 1er juin 2011 par lequel elle précisait limiter l'indemnité de retard à 8 000 euros ; que la société Reder exposait que le mail du 1er juin 2011 exprimait un geste commercial consenti en faveur de la société Substantiel, qui ne la liait qu'autant que la société Substantiel s'efforçait de son côté de maintenir de bonnes relations et sur lequel elle était revenue compte tenu de l'attitude de cette dernière, qui après avoir bénéficié de la limitation des indemnité de retard contractuellement dues, n'avait pas hésité de son côté, à imputer des intérêts de retard pour des règlements tardifs ; qu'en s'abstenant de répondre sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le courriel du 1er juin 2011 précisait : « c'est un total de 17 000 euros dont nous vous faisons grâce car pour rappel le montant du préjudice s'élève à 25 000 euros » qu'en retenant que la limitation des intérêts de retard qu'il exprimait portait sur la totalité de la créance de 66 123,93 euros litigieuse, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ qu'ayant considéré que la société Reder avait accepté de limiter l'indemnité de retard à 8 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en condamnant la société Reder à rembourser la totalité de la somme litigieuse ; qu'elle a ce faisant violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du courriel du 1er juin 2011, rendue nécessaire par l'ambiguïté de ses termes, que la société Reder s'était engagée à limiter à la somme de 8 000 euros le montant des pénalités de retard, et que la facture litigieuse de 66 123,93 euros portait sur les commandes de mars et avril 2011, période pour laquelle le plafonnement des pénalités avait été accordé, et dès lors qu'il n'était ni soutenu ni démontré que la société Substantiel ne s'était pas acquittée du paiement mis à sa charge par cet accord, la cour d'appel a, par là même, répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises, et n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en condamnant la société Reder à restituer à la société Substantiel la totalité de la somme indûment retenue ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Reder fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la somme de 5 378,78 euros au titre des intérêts sur des factures impayées alors, selon le moyen, qu'en condamnant la société Reder au paiement d'une indemnité de retard de 9 % en « application de conditions de paiement », sans s'expliquer sur l'absence de conditions générales de vente prévoyant une telle majoration, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ensemble l'article L. 441-6 du code de commerce ;
Mais attendu que la société Substantiel ayant, dans ses conclusions d'appel, fait état des pénalités de retard de 9 % figurant au dos des factures FB 1530 et FB 1360, et la société Reder n'ayant pas contesté l'existence de cette mention, la cour d'appel a pu retenir que ces conditions de paiement étaient entrées dans le champ contractuel ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Reder aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Substantiel la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Reder
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société REDER à rembourser à la société SUBSTANTIEL la somme de 66.123,93 euros retenue au titre des pénalités de retard avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2011 et 5.378,78 euros au titre des intérêts de retard sur les factures FB1360 et FB1530;
AUX MOTIFS QUE la société SUBSTANTIEL fabrique des ordinateurs qu'elle commercialise notamment par l'intermédiaire de la société REDER, société de vente par correspondanceSUBSTANTIEL soutient que la société REDER lui doit la somme de 73 036,49 ¿ et que la société REDER ne saurait retenir la somme de 66 123,93 euros sur cette somme au titre de pénalités de retard alors même qu'au mois de juin 2011 la société REDER en la personne de Mme X... lui indiquait : «Pour vous montrer notre bonne volonté, nous annulons les factures en cours d'édition de pénalités de retard mais en aucun cas nous ne pouvons annuler la facture de 8.000 euros. Ces retards répétés ont engendré des frais énormes et des pertes de confiance de la part de clients que nous avons pour but de fidéliser » ; que la société REDER soutient que cet email ne constitue pas une transaction comme le prétend la société SUBSTANTIEL, Mme X..., cadre junior, n'ayant pas le pouvoir de conclure une telle transaction ; que si ce email ne constitue pas une transaction, il s'agit d'un compte-rendu de la réunion qui «s'est déroulée en nos murs avec ma direction» le 26 mai 2011qui aboutit au même résultat, savoir la fixation définitive des pénalités de retard pour la période passée à la somme de 8.000 euros ; que le 24 octobre 2011, la société REDER émettait une facture de 66 123,93 ¿ au titre des pénalités de retard sur commandes ; que la société REDER justifie cette facture par application des conditions générales de vente qui stipulent une pénalité de retard de 1% par jour de retard du montant de la commande soit 365 % par an ; que les pénalités de retard concernent des commandes de mars et avril 2011 soit des commandes pour lesquelles la société REDER a plafonné lesdites pénalités à la somme de 8000 euros ; que le compte-rendu de la réunion démontre que la société REDER s'est engagée au moins unilatéralement à ne solliciter que la somme de 8 000 euros au titre des pénalités de retard et qu'elle ne saurait donc ultérieurement demander en revenant sur son engagement une somme plus importante ; que dans ces conditions, le jugement sera infirmé et la société REDER sera condamnée à rembourser la somme de 66 123,93 euros indûment retenue ;
1) ALORS QUE pour condamner la société REDER à rembourser les indemnités de retard qu'elle avait retenues, la cour d'appel s'est fondée sur le mail du 1er juin 2011 par lequel elle précisait limiter l'indemnité de retard à 8.000 euros ; que la société REDER exposait que le mail du 1er juin 2011 exprimait un geste commercial consenti en faveur de la société SUBSTANTIEL, qui ne la liait qu'autant que la société SUBSTANTIEL s'efforçait de son côté de maintenir de bonnes relations et sur lequel elle était revenue compte tenu de l'attitude de cette dernière, qui après avoir bénéficié de la limitation des indemnité de retard contractuellement dues, n'avait pas hésité de son côté, à imputer des intérêts de retard pour des règlements tardifs (conclusions p.10) ; qu'en s'abstenant de répondre sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le courriel du 1er juin 2011 précisait: "c'est un total de 17.000 euros dont nous vous faisons grâce car pour rappel le montant du préjudice s'élève à 25.000 euros" qu'en retenant que la limitation des intérêts de retard qu'il exprimait portait sur la totalité de la créance de 66.123,93 euros litigieuse, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause;
3) ALORS QU'en tout état de cause, ayant considéré que la société REDER avait accepté de limiter l'indemnité de retard à 8.000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en condamnant la société REDER à rembourser la totalité de la somme litigieuse; qu'elle a ce faisant violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société REDER au paiement de la somme de 5.378,78 euros,
AUX MOTIFS QUE la société SUBSTANTIEL sollicite la condamnation de la société REDER à lui verser la somme de 5 378,78 ¿ au titre des intérêts que celle-ci lui doit sur les factures payées tardivement ; que la facture FB 1530 payable le 08/10/2011 n'a été réglée que le 10 décembre soit avec deux mois de retard, et la facture FB 1360 payable le 2/09/2011 n'a été réglée que le 31/10/2011 ; qu'en application des conditions de paiement, la société REDER sera condamnée à payer à la société SUBSTANTIEL la somme de 5 378,78 ¿ au titre des intérêts de retard,
ALORS QU'en condamnant la société REDER au paiement d'une indemnité de retard de 9% en « application de conditions de paiement » sans s'expliquer sur l'absence de conditions générales de vente prévoyant une telle majoration, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ensemble l'article L441-6 du code de commerce.