LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Xavier X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 27 octobre 2014, qui, pour entrave à interruption volontaire de grossesse, l'a condamné à 10 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général RAYSSÉGUIER ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur la recevabilité du mémoire additionnel déposé le 25 février 2015 :
Attendu que ce mémoire, produit après le dépôt du rapport, est irrecevable en application de l'article 590 du code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2212-2, L. 2223-2 du code de la santé publique et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Paris, du 16 septembre 2013, en tant qu'il a déclaré M. Xavier X... coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse pour les faits commis les 25 et 26 juin 2012, et a condamné celui-ci au paiement d'une amende de 10 000 euros dont 5 000 euros avec sursis ;
"aux motifs que M. X... ne conteste pas s'être introduit le 25 juin 2012 dans les locaux du planning familial pour prier dans la salle d'attente, pour les enfants victimes de l'IVG ; qu'il résulte des déclarations et des témoignages du personnel du planning familial, que sa présence a perturbé les personnes se trouvant dans la salle d'attente ; que les conseillères ont tenté de l'isoler dans un bureau pour que les personnes présentes n'entendent pas ses propos ; que le personnel aidé d'un vigile présent dans la salle d'attente a essayé en vain de le faire sortir et a dû faire appel aux services de police ; qu'il est constant que la présence de M. X... dans la salle d'attente des locaux du planning familial, pour prier, a perturbé les conseillères y travaillant ainsi que les femmes venues recevoir des conseils sur une éventuelle IVG, étant précisé que le planning familial a la possibilité de pratiquer des IVG médicamenteuses ; qu'il est également établi par les déclarations des témoins, et non contesté, que le 26 juin 2012, M. X... a remis une médaille de la vierge et des chaussons de bébé à Mme Y..., sans contrainte mais par surprise ; que le personnel a vu arriver celle-ci très choquée et en larmes racontant le geste de M. X... ; que Mme Y... interrogée, indiquait que ce geste l'avait d'autant plus bouleversée que le choix éventuel d'une IVG était spécialement douloureux à entreprendre ; que le personnel du planning familial confirmait l'avoir vu arriver en larmes et en état de choc ; que la remise de ces objets fortement symboliques à Mme Y..., sans qu'elle les ait acceptés, a manifestement exercé une pression psychologique et une violence morale sur celle-ci, caractérisant le délit prévu par l'art L. 2223-2 du code de la santé publique ;
"alors que l'article L. 2223-2 du code de la santé publique incrimine le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher une interruption de grossesse ou les actes préalables à celle-ci, soit en perturbant l'accès aux établissements de santé, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels, soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières ; qu'en l'espèce, les faits reprochés à M. X... ont été commis dans les locaux de l'association mouvement français pour le planning familial qui n'est pas un établissement de santé ; que cette association serait-elle autorisée à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses ; et que le délit d'entrave à interruption légale de grossesse prévu et réprimé par le texte susvisé n'était donc pas constitué ; "
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2212-2, L. 2223-2 du code de la santé publique et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Paris, du 16 septembre 2013, en tant qu'il a déclaré M. X... coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse pour les faits commis les 25 et 26 juin 2012, et a condamné celui-ci au paiement d'une amende de 10 000 euros dont 5 000 euros avec sursis ;
"aux motifs que le lundi 25 juin 2012 dans l'après-midi, lors d'une plage de temps réservée à l'accueil des femmes qui se rendaient dans les locaux du planning familial pour un entretien relatif à une éventuelle décision d'IVG, M. X... pénétrait dans la salle d'attente avec un sympathisant pour y prier et s'entretenir avec les personnes présentes, malgré l'intervention des conseillères du planning familial, M. X... refusait de partir et était évacué par les services de police ; que M. X... ne conteste pas s'être introduit le 25 juin 2012 dans les locaux du planning familial pour prier dans la salle d'attente, pour les enfants victimes de l'IVG ; qu'il résulte des déclarations et des témoignages du personnel du planning familial, que sa présence a perturbé les personnes se trouvant dans la salle d'attente ; que les conseillères ont tenté de l'isoler dans un bureau pour que les personnes présentes n'entendent pas ses propos ; que le personnel aidé d'un vigile présent dans la salle d'attente a essayé en vain de le faire sortir et a dû faire appel aux services de police et qu'il est constant que la présence de M. X... dans la salle d'attente des locaux du planning familial, pour prier, a perturbé les conseillères y travaillant ainsi que les femmes venues recevoir des conseils sur une éventuelle IVG, étant précisé que le planning familial a la possibilité de pratiquer des IVG médicamenteuses ;
"1°) alors qu'il résulte de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique que, mis à part les personnels médicaux et non médicaux des établissements de santé, le délit d'entrave à interruption légale de grossesse par pressions morales et psychologiques ne peut s'exercer qu'à l'encontre « des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse » ou y effectuer les « actes préalables » à celle-ci ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce, dans son exposé des faits et de la procédure, que M. X... avait pénétré le 25 juin 2012 dans la salle d'attente « lors d'une plage de temps réservée à l'accueil des femmes qui se rendaient dans les locaux du planning familial pour un entretien relatif à une éventuelle décision d'IVG » ; qu'il s'en déduisait nécessairement que les femmes présentes dans la salle d'attente du planning familial au moment des faits n'étaient pas venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou y effectuer un acte préalable, et que, dès lors, M. X... ne pouvait être déclaré coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse à raison des faits du 25 juin 2012 ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse, selon les faits déclarés constants par la cour d'appel, le 25 juin 2012, M. X... s'est rendu dans la salle d'attente du planning familial et y a prié pour les enfants victimes de l'IVG, ce qui a « perturbé les personnes se trouvant dans la salle d'attente » ; qu'il n'en résulte nullement ni que M. X... aurait, selon les prévisions du premier alinéa de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, perturbé l'accès aux locaux du planning familial, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces locaux ou les conditions de travail des personnels, ni qu'il aurait, selon les prévisions du deuxième alinéa de ce même texte, exercé des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels ou des femmes venues subir une interruption volontaire de grossesse ; que la seule affirmation, non étayée, que « la présence de M. X... dans la salle d'attente des locaux du planning familial, pour prier, a perturbé les conseillères y travaillant » ne suffit pas à établir qu'il aurait perturbé les conditions de travail de celles-ci ; que, de même, la seule affirmation que cette présence a également « perturbé » les femmes se trouvant dans la salle d'attente ne suffit pas à établir que M. X... aurait exercé des pressions, menaces ou actes d'intimidation à leur encontre et que, dès lors, en l'état des constatations ainsi faites par la cour d'appel, M. X... ne pouvait être déclaré coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse à raison des faits du 25 juin 2012 ;
"et aux motifs que le mardi 26 juin 2012 vers 14 heures, M. X... se rendait de nouveau dans ces locaux et de nouveau, il était fait appel aux services de police pour le faire sortir ; que peu après, Mme Sylvie Z..., épouse Y..., arrivait en larmes au planning familial en indiquant qu'elle avait rencontré dans l'escalier M. X... qui lui avait remis une médaille de la vierge et une paire de chaussons de bébé tricotée ; qu'il est également établi par les déclarations des témoins, et non contesté, que le 26 juin 2012, M. X... a remis une médaille de la vierge et des chaussons de bébé à Mme Y..., sans contrainte mais par surprise ; que le personnel a vu arriver celle-ci très choquée et en larmes racontant le geste de M. X... ; que Mme Y... interrogée, indiquait que ce geste l'avait d'autant plus bouleversée que le choix éventuel d'une IVG était spécialement douloureux à entreprendre ; que le personnel du planning familial confirmait l'avoir vu arriver en larmes et en état de choc ; que la remise de ces objets fortement symboliques à Mme Y..., sans qu'elle les ait acceptés, a manifestement exercé une pression psychologique et une violence morale sur celle-ci, caractérisant le délit prévu par l'art L. 2223-2 du code de la santé publique ;
"3°) alors qu'il résulte de l'article L. 2223-2 que, mis à part les personnels médicaux et non médicaux des établissements de santé, le délit d'entrave à interruption légale de grossesse par pressions morales et psychologiques ne peut s'exercer qu'à l'encontre « des femmes venues y subir une interruption volontaire de grosses » ou y effectuer les « actes préalables » à celle-ci ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que Mme Y... avait indiqué qu'elle s'interrogeait sur « le choix éventuel d'une IVG » ; qu'il s'en déduit nécessairement qu'elle n'était pas venue le 26 juin 2012 au planning familial pour y subir une interruption volontaire de grossesse ou y effectuer un acte préalable à cette intervention et que, dès lors, M. X... ne pouvait être déclaré coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse à raison des faits du 26 juin 2012 ;
"4°) alors qu'en toute hypothèse, selon les faits déclarés constants par la cour d'appel, le 26 juin 2012, M. X... a « remis une médaille de la vierge et des chaussons de bébé à Mme Y..., sans contrainte mais par surprise » et « le personnel a vu arriver celle-ci très choquée et en larmes racontant le geste de M. X... » ; que ces constatations ne suffisaient pas à en déduire que M. X... avait exercé sur Mme Y... des pressions morales ou psychologiques au sens du troisième alinéa de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique et que, dès lors, M. X... ne pouvait être déclaré coupable du délit d'entrave à interruption légale de grossesse à raison des faits du 26 juin 2012 ; "
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse ; que les juges du premier degré ont condamné M. X... à une amende de 10 000 euros ; que le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt énonce que la présence de M. X... dans les locaux du planning familial, pour prier, a perturbé les conseillères y travaillant et les femmes se trouvant dans la salle d'attente venues recevoir les conseils sur une éventuelle interruption volontaire de grossesse, étant précisé que le planning familial a la possibilité de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses ; que le personnel a essayé en vain de le faire sortir et a dû faire appel aux services de police ; que la remise d'objets fortement symboliques à Mme Y..., en l'occurrence une médaille de la Vierge et des chaussons de bébé, sans qu'elle les ait acceptés, a manifestement exercé une pression psychologique et une violence morale sur celle-ci que le personnel a vu arriver en pleurs et bouleversée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les perturbations du personnel et les pressions morales et psychologiques souverainement constatées sur les femmes venues consulter ont été commises dans un établissement où étaient pratiquées des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses et les actes qui en sont le préalable, au sens des articles L. 2212-2, et L. 2223-2, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2014, du code de la santé publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.