LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 2 avril 2007, M. X...a acquis un fonds de commerce de restauration appartenant à M. Y..., qui a souscrit une clause de non-rétablissement ; que, par acte du 2 mars 2008, M. X...a renoncé à se prévaloir de cette clause afin de permettre à M. Y...d'exploiter un fonds de débit de boissons ; que, constatant que celui-ci entendait en réalité exercer une activité de restauration, M. X...l'a assigné en cessation sous astreinte de cette activité, annulation de l'acte de renonciation pour dol et paiement de dommages-intérêts ainsi que des sommes dues au titre de la clause pénale prévue par l'acte du cession du fonds de commerce ;
Attendu que pour annuler l'acte de renonciation à se prévaloir de la clause de non-rétablissement, l'arrêt écarte le dol mais requalifie en erreur le vice de consentement invoqué par M. X..., retenant que celui-ci n'a souscrit cet acte qu'en raison de ce que la nouvelle activité de M. Y...ne porterait pas sur la restauration ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la demande de M. X...qui, fondée sur le dol, est en réalité fondée sur l'erreur, d'AVOIR en conséquence prononcé la nullité pour erreur du pouvoir adressé par M. X...le 2 mars 2008, pouvoir prévoyant une renonciation à la clause d'interdiction de réinstallation prévue par l'acte de cession du fonds de commerce du 2 avril 2007 et d'AVOIR condamné l'EURL SAINT HILAIRE, anciennement SARL LES HALLES, à cesser toute activité de restauration dans l'établissement à l'enseigne HP IRISH PUB, sis au 11 rue Victoire Laprade à MONTBRISON, ce dans un délai de huit jours après signification de l'arrêt, sous astreinte définitive de 150 ¿ par jour de retard, passé ce délai, d'AVOIR condamné M. Y...à payer à M. X..., à titre de clause pénale, la somme de 100 ¿ par jour depuis le 27 octobre 2009 jusqu'à la date où le commerce sous l'enseigne HP IRISH PUB cessera de servir des repas, et d'AVOIR enfin condamné M. Y...et l'EURL SAINT HILAIRE à payer à M. X...une somme de 3. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE David X...demande à la Cour de prononcer la nullité du pouvoir qu'il a donné à l'étude notariale Z..., pour vice du consentement, en l'espèce pour dol ;
qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé » ;
qu'en l'espèce, une intention dolosive n'est pas prouvée, le « scénario très bien orchestré par Patrick Y..., avec la complicité active de son notaire » décrit par l'appelant étant du domaine de l'interprétation personnelle d'un enchainement de circonstances dont, aussi funestes soient elles, le caractère dolosif n'est pas établi ; qu'il n'est argué en effet que de l'envoi d'un courrier dénué de toute pression, ce qui ne saurait caractériser à lui seul des manoeuvres illicites ; qu'enfin, pour être retenu, le dol se doit d'émaner du co-contractant et non d'un tiers, or les manoeuvres décrites, à supposer qu'elles aient existé, émaneraient de l'étude notariale et non de Patrick Y...;
qu'en revanche, il résulte des pièces du dossier que :
- par acte du 2 avril 2007, la SARL LES ROSIERS, représentée par Patrick Y..., a cédé à David X..., un fonds de commerce de débit de boissons-restaurant,
- cet acte comportait un article intitulé « INTERDICTION DE SE RETABLIR » qui prévoyait une clause d'interdiction, dans un rayon de 15 km, de « créer, acquérir, exploiter, prendre à bail faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui précédemment cédé », interdiction devant s'exercer à compter du jour de l'entrée en jouissance,
- par courrier du 8 février 2008, le notaire de Patrick Y..., Maître REGENT, a indiqué à David X...que son client souhaitait « prendre une activité de BAR en centre-ville de MONTBRISON » (la mention « bar » étant écrite en majuscules) et lui a demandé de retourner un document joint à cet envoi « dans les meilleurs délais »,
- ce document faisait uniquement état d'un « fonds de commerce de CAFE BAR EPICERIE » à MONTBRISON,
- l'extrait Kbis de la SARL LES HALLES démontre qu'elle s'est immatriculée au registre du commerce et des sociétés avec pour activité « café bar épicerie »,
- ce n'est qu'après avoir renvoyé ce pouvoir qui précisait qu'il renonçait à la clause d'interdiction de se rétablir que David X...a constaté que Patrick Y...souhaitait développer une activité de restauration,
- cette activité de restauration a été constatée par procès-verbal d'huissier des 27 et 29 octobre 2009 ;
qu'au regard de ce qui précède, il est évident que David X...n'a renoncé à la clause d'interdiction de s'établir que parce qu'elle ne faisait nullement mention d'une activité de restauration et qu'elle émanait d'un officier ministériel ayant précédemment participé à la signature de l'acte authentique ; qu'il est donc manifeste qu'il a été induit en erreur par le courrier de ce professionnel ;
que la demande pressante de réponse (« dans les meilleurs délais ») l'a également poussé à prendre sa décision dans l'urgence sans prendre le temps de consulter des professionnels (notaire ou avocat) et a aussi contribué à l'induire en erreur ;
que l'envoi direct du courrier par l'étude de Maître Z..., sans passer, comme c'est la règle, par le canal de son propre notaire (ce dont s'est d'ailleurs ému Maître A... dans un courrier du 9 octobre 2009) y a aussi contribué ;
que l'erreur, aux termes de l'article 1110 du Code civil, n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; que tel est le cas en l'espèce, David X...n'ayant renoncé, le 2 mars 2008, à la clause d'interdiction de s'établir que parce qu'il était persuadé que la nouvelle activité de Patrick Y...ne porterait pas sur la restauration ;
que l'article 1109 du Code civil dispose : « il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol » ;
qu'ainsi, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et, requalifiant le vice du consentement soulevée en « erreur », de prononcer la nullité du pouvoir donné par David X...à l'étude Z...le 2 mars 2008 ;
que la renonciation à la clause d'interdiction de se rétablir dans une activité de restauration étant annulée, l'EURL HERVE HILAIRE, anciennement LES HALLES, exploitante actuelle du fonds, devra cesser toute activité de restauration ; que cette sanction était d'ailleurs explicitement mentionnée dans l'acte de cession du fonds de commerce du 2 avril 2007, en ces termes : « le cessionnaire se réservant ¿ le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction » ;
que pour que cette décision soit respectée, il y a lieu de dire que cette interdiction sera assortie d'une astreinte ; qu'infirmant la décision entreprise sur le montant de cette astreinte, il y a lieu d'en fixer le montant à la somme de 150 ¿ par jour de retard si l'activité se poursuivait 8 jours après la signification du présent arrêt ;
que l'acte de cession du fonds de commerce du 2 avril 2007, contraignant Patrick Y...à une interdiction de se rétablir dans une activité de restauration, stipule : « En cas d'infraction, le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de 150 ¿ par jour de contravention » ;
que le Tribunal de commerce a rejeté cette demande au seul motif qu'elle n'était « pas justifiée » ; que cependant, cette clause pénale était prévue au contrat qui, aux termes de l'article 1134 du Code civil, tient lieu de loi entre les parties ; qu'en outre, l'article 1152 du Code civil ne soumet pas son versement à la preuve d'un préjudice ;
qu'il convient donc d'infirmer sur ce point le jugement entrepris et de dire que la clause pénale trouvera application ;
que pour autant l'article 1152 du Code civil autorise le juge, même d'office, à modérer ou augmenter la peine ; qu'en l'espèce, la condamnation à payer une somme de 150 ¿ par jour depuis le 27 octobre 2009, date où l'infraction a été constatée par acte d'huissier, jusqu'à la date où Patrick Y...cessera de servir des repas, nécessairement postérieure à la signification de la présente décision, reviendrait au versement d'une somme supérieure au prix de cession du fonds, donc manifestement excessive ; qu'il convient donc de réduire cette clause pénale manifestement excessive en en fixant le montant à 100 ¿ par jour ;
qu'enfin, ni l'EURL SAINT HILAIRE, ni la SARL LES HALLES n'étaient parties au contrat du 2 avril 2007, de sorte que cette condamnation contractuelle ne s'appliquera qu'à Patrick Y...;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'à l'appui de sa décision, la Cour d'Appel a substitué au fondement juridique du dol, seul invoqué par M. X...à l'appui de sa demande en nullité de l'acte qu'il a signé le 2 mars 2008, celui de l'erreur ; qu'en substituant d'office un moyen mélangé de fait et de droit fondé sur l'erreur au moyen invoqué et discuté par les parties, la Cour d'Appel a dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en substituant d'office au fondement de la demande de M. X..., exclusivement sur le dol, le moyen mélangé de fait et de droit de l'erreur de ce dernier, sans rouvrir les débats pour provoquer les explications contradictoire des parties, la Cour d'Appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'erreur n'est cause de nullité de l'engagement que si elle porte sur une qualité substantielle de cet engagement de la part de celui qui s'oblige ; qu'à l'appui de sa décision, la Cour d'Appel a énoncé que M. X...n'a renoncé le 2 mars 2008 à la clause d'interdiction de s'établir que parce qu'il était persuadé que la nouvelle activité de M. Y...ne porterait pas sur la restauration ; qu'en se fondant ainsi sur une erreur sur les motifs qui n'étaient pas une condition de l'acte de renonciation du 2 mars 2008 de l'engagement de M. X..., la Cour d'Appel a violé l'article 1110 du Code civil.