La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2015 | FRANCE | N°14-16710

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 juin 2015, 14-16710


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 24 juin 2010 et 30 janvier 2014), que le premier, statuant sur l'appel formé par Mme X... contre une ordonnance de non-conciliation rendue dans l'instance en divorce l'opposant à son époux, M. Y..., a notamment attribué à celle-ci la jouissance du domicile conjugal, à titre onéreux ; que le second a prononcé le divorce des époux et condamné le mari à verser une prestation compensatoire à son épouse ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief au premier arrêt de décider que l'attribution ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 24 juin 2010 et 30 janvier 2014), que le premier, statuant sur l'appel formé par Mme X... contre une ordonnance de non-conciliation rendue dans l'instance en divorce l'opposant à son époux, M. Y..., a notamment attribué à celle-ci la jouissance du domicile conjugal, à titre onéreux ; que le second a prononcé le divorce des époux et condamné le mari à verser une prestation compensatoire à son épouse ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief au premier arrêt de décider que l'attribution de la jouissance du logement familial aurait pour contrepartie une indemnité d'occupation ;
Attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel a examiné la situation financière de chacun des époux ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief au second arrêt de fixer à 400 000 euros le montant de la prestation compensatoire en se prononçant au vu des dernières conclusions de M. Y... du 6 décembre 2013 ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, devant la cour d'appel, Mme X... a indiqué qu'elle ne maintenait pas sa demande tendant au rejet des conclusions signifiées par son époux le 6 décembre 2013 ; qu'elle n'est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen contraire à la position qu'elle a adoptée devant les juges du fond ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait encore grief au second arrêt de fixer à 400 000 euros la prestation compensatoire due par M. Y... ;
Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations par lesquelles les juges du fond ont évalué le montant de la prestation compensatoire due à l'épouse ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt du 24 juin 2010, d'avoir confirmé l'ordonnance de non conciliation rendue le 26 août 2009 en ce qu'elle a décidé que l'attribution à Mme X... de la jouissance du logement familial aurait pour contrepartie une indemnité d'occupation,
Aux motifs qu'au regard de l'ensemble des éléments communiqués et des facultés financières des parties, c'est par une juste appréciation que le premier juge a accordé à Mme Lucie X... la jouissance à titre onéreux de l'appartement dont les époux sont propriétaires ;
Alors que tout jugement doit être motivé ; que ne satisfait pas à cette exigence l'arrêt qui statue par une formule générale renvoyant aux éléments communiqués et aux facultés financières des parties, dont les juges n'ont pas fait l'analyse ; Que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt du 30 janvier 2014 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé à 400. 000 ¿ le montant de la prestation compensatoire en se prononçant au vu des dernières conclusions de M. Y... du 6 décembre 2013,
Aux motifs que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2013. ¿ M. Y... a déposé des conclusions le 6 décembre 2013 et signifié trois pièces le 9 décembre. ¿ Par conclusions signifiées le 12 décembre 2013, Mme X... sollicite le rejet des conclusions et pièces signifiées les 6 et 9 décembre 2013. ¿ A l'audience le conseil de Mme X... a indiqué qu'elle ne maintenait pas sa demande.
Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en appel ces prétentions sont formulées dans les conclusions écrites ; qu'en décidant de se prononcer au vu des conclusions de M. Y... signifiées le 6 décembre 2013 et des pièces signifiées le 9 décembre, sans examiner la demande de rejet de ces conclusions et pièces formée par Mme X... en raison de leur tardiveté dans ses conclusions écrites signifiées le 12 décembre 2013, au seul motif qu'à l'audience le conseil de Mme X... avait indiqué ne pas maintenir sa demande, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir fixé la prestation compensatoire due à Mme X... par M. Y... à la somme de 400. 000 ¿,
Aux motifs que " Sur la prestation compensatoire En application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible ;
Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, de leur situation respective en matière de pension de retraite ;
Selon l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital ; celles-ci sont limitativement prévues par la loi et 1'article 275 du code civil précise que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274 le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite du huit années, sous la forme de versements périodiques indexées selon les règles applicables aux pensions alimentaires ;
Mme X... allègue que les ressources exactes de M. Y... sont inconnues, que sa situation personnelle est totalement opaque et qu'il mène un train de vie somptuaire qui n'est pas en rapport avec les revenus qu'il allègue, qu'il ne donne aucune estimation de son patrimoine professionnel ni de la succession qu'il a reçue de sa mère, qu'il est logé gratuitement et bénéficie seul de la plus value donnée pas son épouse à la société Milady, que la prestation compensatoire octroyée par le premier juge équivaut à la somme que M. Y... réclamera au titre des créances entre époux.
Elle rappelle que lors de la vie commune, les époux entretenaient un train de vie luxueux en raison de la situation florissante de la société Milady et affirme qu'elle est contrainte de reconstruire sa vie professionnelle à 50 ans et qu'elle perçoit une faible rémunération
M. Y... réplique que Mme X... a toujours travaillé pendant la vie commune, qu'elle a été formée par l'équipe professionnelle de Milady, qu'elle a tout organisé pour s'exonérer de ses obligations salariales et créer sa propre entreprise " By Lucie " au détriment de Milady et en copiant le logo. Il soutient qu'il est parfaitement transparent tant sur ses revenus que sur le chiffre d'affaires réalisé par Milady, que le contrôle fiscal effectué en 2007 a validé les comptes, que Mme X... entretient une confusion entre le train de vie personnel de la famille et les manifestations publiques occasionnés par les déplacements professionnels.
Mme X..., âgée de 51 ans, a été directrice commerciale de la société Milady dont M. Y... est le gérant, jusqu'en février 2011, après une période d'arrêts de travail liée à une dépression telle que constaté par l'inspection du travail le 21 janvier 2010. Il est établi qu'elle a largement contribué à la gestion de la société, notamment en participant à la présentation de collections particulièrement réussies, ce en quoi M. Y... l'a remerciée chaleureusement par les écrits qu'elle produit.
La société " By Lucie " a été radiée en décembre 2011.
En septembre 2011, elle a été désignée comme Présidente de la société 61, Faubourg Partner Investment, laquelle a acquis en janvier 2012 un fonds de commerce d'une valeur de 250000 euros au moyen d'un prêt et qui a pour objet l'exploitation d'une boutique de 30 m2 selon une attestation de l'expert comptable en date du 6 janvier 2012.
L'avis d'impôt 2012 mentionne des revenus salariaux de 5021 euros en 2011 ; selon le bulletin de paie du mois de novembre 2012, Mme X... a perçu un cumul imposable de 8107 euros et son bulletin de paie du mois d'août 2013 indique un cumul imposable de 9337 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1167 euros ; la cour observe toutefois que Mme X... ne produit pas l'avis d'impôt 2013 sur les revenus 2012, pas plus que le bulletin de paie du mois de décembre 2012 ; les dividendes sont inconnus.
S'agissant de son patrimoine, Mme X... a acquis en 2005 un studio situé avenue Pierre Premier de Serbie au prix de 202000 euros moyennant deux prêts à échéances mensuelles de 894, 44 euros et 283, 33 euros, lequel après avoir été loué, a été mis en vente au prix de 210000 euros, pour faire face notamment au paiement de la moitié d'une somme de 73242 euros due par les époux au Trésor Public suite à un contrôle fiscal effectué sur les revenus des capitaux mobiliers du couple en 2006. À la suite de la vente de ce bien, Mme X... a payé la somme de 59612 euros au Trésor Public, a remboursé par anticipation le crédit à hauteur de 85972 euros et a apuré l'arriéré de charges de copropriété de 4642 euros.
M. Y... soutient que l'appartement a été mis en vente au prix de 540000 euros par l'agence John Taylor ; toutefois, Mme X... verse au débats le compromis de vente signé le 25 mai 2012 sur lequel figure le prix de 210000 euros ; en conséquence, la cour en tiendra compte
M. Y.... âgé de 54 ans, est gérant de la société Milady, entreprise familiale spécialisée dans le commerce des fourrures de luxe.
Selon les conclusions et les avis d'impôt produits pas l'intimé, il a perçu au titre de sa rémunération de gérant les sommes 96000 euros en 2009, 96000 euros en 2010 (l'avis d'impôt 2011 sur les revenus 2010 n'est pas produit), 120000 euros en 2011 soit 10000 euros par mois, et 204000 euros pour l'année 2012, soit 17000 euros mensuels, étant précisé que dans une attestation du 8 novembre 2013, M. Z..., expert comptable, atteste de ce qu'il a perçu une prime exceptionnelle de 120000 euros au 31 août 2013 pour faire face à son impôt sur le revenu de 36205 euros et à l'impayé de 64059 euros des charges de copropriété de l'appartement occupé par Mme X....
Selon la déclaration sur l'honneur de M. Y..., ses charges principales mensuelles sont constituées du remboursement du crédit de l'appartement commun de 4924 euros par mois et du paiement des charges de copropriété y afférent outre un impayé de 64059 euros, du paiement de l'impôt annuel sur le revenu de 39581 euros, des frais de nourrice de 1500 euros, de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
M. Y... ne conteste pas être hébergé par sa compagne.
M. Y... est propriétaire à 99 % des actions des sociétés Milady, SCI Sportyacht et SNC Sportlux.
La société Milady a acquis des baux commerciaux à Paris rue du Faubourg Saint Honoré et avenue des Champs Elysées et récemment avenue Poincaré, ainsi qu'à Courchevel. Il est établi que les locaux de l'avenue Poincaré ont été inaugurés après plusieurs mois de travaux en septembre 2013 à l'occasion d'une réception où de nombreuses personnalité étaient invitées. M. Y... estime la valeur de cette société à 1420000 euros, estimation contestée par Mme X....
Les compte de résultat de l'exercice 2010 et 2011 font apparaître un chiffre d'affaires de 4435282 euros en 2009, de 5706383 euros en 2010 et de 5949344 euros en 2011, et un déficit de 72592 euros en 2009 et de 239630 euros en 2010, et un bénéfice de 262397 euros en 2011. La société Sporlux a fait un bénéfice de 79967 euros en 2011 contre 23151 euros l'année précédente.
La société Sportyacht possède un bateau de croisière d'une valeur de 1000000 d'euros ; son bénéfice a été de 31418 euros en 2010 et de 18919 euros en 2011.
Mme X... évoque le décès de la mère de M. Y... en 2009 et l'appartement de 100 m2 situé avenue Foch, dont il a hérité en août 2009 ; M. Y... produit une attestation de Maître A... du 19 mai 2011 selon laquelle la succession n'est pas réglée ; toutefois la cour observe que M. Y... ne fait pas mention de cette succession et qu'aucun élément n'est produit à ce titre.
Mme X... établit que le train de vie du couple lors de la vie commune, et d'une manière générale de M. Y... est somptuaire tant sur le plan de la vie courante (achat de vêtements, bijoux...), que des voyages vers des destinations lointaines et dans des hôtels luxueux.
Par ailleurs, contrairement aux allégations de M. Y..., un contrôle fiscal a été effectué en 2009 sur les dividendes de la société Milady en 2006, qui a conduit à un redressement fiscal de 73242 euros.
Les époux sont propriétaires indivis d'un appartement occupé par Mme X..., acheté au prix de 1067150 euros en 2006 et financé au moyen d'un apport de 100000 euros de Mme X..., et d'un prêt de 867150 euros remboursé actuellement intégralement par M. Y... ; le passif est de 707000 euros en octobre 2013 et M. Y... évalue à 400000 euros les créances que lui doit l'appelante.
Il a été mise en vente dans deux agences en 2013 aux prix de 3200000 euros et de 3075000 euros ; la cour retiendra une valeur de 3000000 euros.
Il subsiste un arriéré de charges de copropriété de 33144 euros au 22 mars 2013, étant rappelé que M. Y... et Mme X... ont été condamnés solidairement par jugement du 8 mars 2012 à payer un arriéré de 30580 euros.
Compte tenu de la durée de la vie commune, de l'âge respectif des parties, de leurs ressources et de leur patrimoine, de l'investissement de Mme X... dans la société dont son époux est gérant, du régime matrimonial séparatiste adopté par les époux en toute connaissance de cause, mais aussi de la brièveté de la vie commune, la rupture du lien conjugal créé une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de l'épouse, justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire en capital, que le premier juge a fixé à bon droit à la somme de 400000 euros ; en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
Alors que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenus, après la liquidation du régime matrimonial, ainsi que leurs droits existants et prévisibles ; qu'en statuant par la motivation précitée, qui se limite à la situation actuelle des époux sans référence à l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, et en particulier sans estimation prévisionnelle de leurs patrimoines respectifs, tant en capital qu'en revenus, après la liquidation du régime matrimonial et sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de Mme X..., si la part devant revenir à celle-ci après la vente de l'appartement indivis du boulevard ... à Neuilly-sur-Seine ne devait pas être très largement amputée de l'indemnité dont elle serait redevable envers l'indivision pour l'occupation de ce logement pendant la durée de l'instance en divorce, soit environ cinq ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-16710
Date de la décision : 24/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 jui. 2015, pourvoi n°14-16710


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16710
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award